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DUCAT D'OR DE BORSO

MARQUIS D'ESTE.

T

(Extrait du tome XV (nouvelle série) de la Revue numismatique,
1874-77, pp. 174-179.)

Le Cabinet des médailles de Paris possède, entre mille raretés du premiér ordre, une monnaie d'or au sujet de laquelle M. A. Chabouillet vient de faire à la Société des Antiquaires de France, une communication des plus intéressantes. Il s'agit d'un ducat italien trouvé en 1871 à Espouzolles, dans la Lozère, et qui faisait partie d'un trésor de 172 pièces d'or à diverses effigies. Cette pièce nous offre le nom de Borso, marquis d'Este (1450-1471) (1).

+ BORSIVS.MARCHIO.ESTENSE. Tout le champ formant écu circulaire porte les armes de la maison d'Este: de France à la bordure engreslée d'argent, écartelé aux 2o et 3o, d'azur à l'aigle d'argent.

R. SVREXIT.XPS.SDES.MPA (Surrexit Christus spes mea). Le Christ sortant du tombeau. Poids, 3,51.

STEN

N

DE

M. Chabouillet, après avoir constaté que cette précieuse

(1) Notice sur un ducat d'or inédit de Borso, marquis d'Este, Paris, 1874, in-8°.

monnaie était inédite, s'attache à faire connaître en quelles circonstances elle a pu être fabriquée. Borso avait succédé en 1450 à Leonello, marquis d'Este; en 1452, il fut créé duc de Modène et de Reggio par l'empereur Frédéric III, son hôte aux fêtes de l'Ascension qui tombait cette année-là le 18 mai; puis il fut, le 14 avril 1471, fait duc de Ferrare par Paul III (un pape cher aux numismatistes). Le souverain Pontife mourut le 28 juillet de la même année, et le nouveau duc de Ferrare ne lui survécut que vingt-trois jours. Le ducat d'or connu. de Bellini (Delle monete di Ferrara, 1761, p. 124) et de M. Giuseppe Mayr (Monete e medaglie Ferraresi, 1843, p. 8), a été frappé dans le court intervalle qui sépare le 14 avril du 20 août 1471; car il porte avec le buste de Borso, tourné à gauche, le

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titre de duc de Ferrare. Quant à la pièce récemment découverte, il est bien probable qu'elle est antérieure au mois de mai 1452, puisqu'on n'y lit que le titre de marquis; c'est peutêtre la pièce d'avènement.

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En 1452, on s'occupait d'essais de monnaie à Ferrare, et c'était un orfèvre nommé Maestro Cabrino de Crémone qui était chargé de cette mission. La mention s'en trouve dans un document étudié par M. Luigi Napoleone Cittadella: M°. Chabrino da Cremona orevexe fa asazi de monede pel chomun (1), Dans une délibération en date du 20 octobre 1451, citée par Bellini (p. 129), il est question d'un ducat (sans spécification) estimé cinquante sous. Mais il se pourrait que la mention se rapportât, soit au ducat du marquis Leonello, soit au sequin de Venise qui avait cours à Ferrare. Le même auteur a relevé dans le livre de dépenses du couvent de Saint-Georges des mentions

(1) Notizie relative a Ferrara per la maggior parte inedite, Ferrare, 1864, n-8°, p. 461.

du ducato Ferrarese aux dates des 19 juillet et 11 août 1452. Le ducato d'oro valait alors quarante-neuf sous, c'est-à-dire un sou de moins que le sequin de Venise (p. 124). Il s'agit sans doute là des ducats de Borso qui ont peut-être été gravés par maître Cabrino de Crémone; à cette époque, en effet, les orfèvres gravaient les sceaux, les coins monétaires et même les grandes inscriptions lapidaires. On peut, du reste, considérer comme chose presque certaine que le ducat d'or a été frappé dans la belle ville de Ferrare au pittoresque château; car au revers des petites pièces de billon à la légende BORSIVS MARCHIO, on lit: DE FERRARIA.

En continuant ses recherches sur les monnaies d'or des princes de la maison d'Este, M. Chabouillet a été amené à citer la description d'un ducat que Kohler dans ses Münzbelustigungen (t. IX, p. 91) avait empruntée à un document de 1559. La voici IROMBELAVS MARCHIO BIENS. Mât avec une

voile enflée.

R. SVREXIT XPS SPES MEA. Le Christ sortant de son tombeau. En bas, un écu. Kohler, dit notre savant confrère, ne s'est pas expliqué au sujet de cet écu, et n'a pas tenté de donner une attribution au ducat; mais il est évident que l'écu représentait les armes ou le semblant des armes de la maison d'Este, et que le ducat qu'il cite est une imitation de celui de Leonello d'Este décrit par M. Mayr (1).

LEONELLVS.MARCHIO ESTENS C. Mât avec voile enflée. R SVREXIT XP SPES NRA. Jésus sortant du tombeau; en bas, petit écu aux armes de la maison d'Este.

Le tarif de Christophe Plantin (Anvers, 1575) donne sous le titre de Ducaet van Feraren (feuillet E iij, no 1) la figure de la monnaie d'or décrite par Kohler. L'écu placé au-dessous du tombeau du Christ montre fort clairement les armes d'Este. La

(1) Monete e medaglie Ferrar., 1843, p. 6. « Questa moneta è stata sconosciuta a tutti quelli che scrissero della numismatica Ferrarese. Fù nel 1831, che capitata in mano ad una signora ci riusci acquistarla, e sebbene con grave spesa avemmo il contento di ritenerla a Ferrara unendola alla nostra raccolta. Di questo ducato raggionammo più estesamente in un nostro opusculo del 1832, al quale abbiamo pure unito un disegno.

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légende est SVREXIT XPS SPES MEA (et non NRA, Nostra). L'autre face porte autour du mât, avec voile enflée, la légende +IROMBLIVS. MARCHIO. BIENS'; et non IROMBELAVS, ce qui est fort différent. Car, étant donné le peu de soin avec lequel les graveurs, qui travaillaient pour les éditeurs de placards, copiaient les légendes monétaires, il devient facile de voir que

a été transformé en

LEONELLVS

IROMBLIVS.

L'altération provient de l'artiste qui a fait le dessin. C'est ainsi que dans le même tarif on trouve, au feuillet D và, no 3, la figure d'un ducat génois de Paolo Campofregoso avec la légende P:C: CA: DVCATIS: OVBLIA: IA: qui est fortement altérée. La figure de ce ducat a été reproduite néanmoins dans plusieurs placards. Dans le tarif de La Haye de 1595, on voit sur un florin d'or de Breslau WRATIBLAVIEN, le graveur ayant pris l'S pour un B. Dans l'ordonnance du Roy (Lyon, 1563), on trouve un double ducat d'Espagne avec cette légende:

ЯEBПBIDVS BLISSBENDEVGПACY

dans laquelle il faut lire

FERNANDVS [ET] ELISABET DEI GRATIA.

Dans la même page, un ducat des mêmes princes est représenté avec cette légende :

SVOS: DEVS: DONSVIIGIT homo DEVS no.

Dans laquelle il faut lire

QVOS DEVS CONIVNXIT: hoмo: non: SEPAR.

Au feuillet Kij du même recueil, un écu d'or du pape Jules III porte la légende :

AIEX.FAR.CAREFAVENIO.LEGA

qu'il faut rétablir

ALEX.FAR CAR.ET.AVENIO.LEGA.

Au verso du même feuillet, se voit un florin d'or sicilien de Charles-Quint, sur lequel la légende

HAHAC VTHIVS

doit être ainsi rétablie :

ARAGO VTRIVS.

Ainsi donc, il est constant que ces placards, si curieux du reste, doivent être consultés avec certaines précautions.

M. Chabouillet a parfaitement compris que le type du mât à voile enflée qui forme avec l'antenne une croix, avait un sens religieux exprimé par les mots SPES MEA, et il en tire très ingénieusement parti pour expliquer le revers mystérieux d'un grand médaillon de Leonello d'Este, œuvre de Pisanello, datée de 1444.

Sur ce médaillon, effectivement, on retrouve, près d'un génie ailé montrant un volume déroulé à un lion (Leonello), le mât avec une voile gonflée, et un aigle perché sur un arbre desséché (1).

Il y a là un symbole d'espérance chrétienne qui n'est pas, du reste, en désaccord avec le sens attribué à cette composition par un autre numismatiste (2). Le grand médaillon de Leonello est un des plus remarquables spécimens de l'art italien de la Renaissance. Il s'en est vendu il y a peu d'années à Paris deux exemplaires provenant des collections de M. de Janzé (3) et du docteur Marco Guastalla (4).

(1) C'est ce que M. Heinrich Bolzenthal appelle simplement : « divers acces. soires »; mit verschiedenem Beiwerk, Skizzen zur Kunstgesch. der modernen Medaillen-Arbeit, 1840, p. 39.

(2) M. G. Mayr dit : « Questa medaglia ricorda il matrimonio di Leonello con Maria figlia naturale di Alfonso re di Napoli e Sicilia celebrato in Maggio del 1444; » Mon. Ferr., p. 46.

(3) Catalogue de la collection de Janzé, objets d'art et médailles, avril 1866, p. 112, no 436.

(4) Catalogue d'objets d'art et médailles de M. le Dr M. G. de Florence, janvier 1867, p. 58, no 245.

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