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ces paroles: Dites, sire, que la Pologne existe, et ce décret sera pour le monde équivalent à la réalité. La réponse mesurée de l'empereur refoula l'enthousiasme dans les cœurs polonais; il était visible que, tout en comptant sur leur courage, on se réservait la faculté de sacrifier leur cause à des intérêts généraux.

L'assiette du camp de Drissa avait été choisie sans discernement; les travaux immenses qu'on y avait entassés devenaient inutiles, parce que la position pouvait facilement être tournée; dans l'hypothèse d'une attaque générale par les forces dont Napoléon pouvait disposer sur ce point, il n'était guère probable que ces ouvrages arrêteraient longtemps l'ennemi.

La seconde armée avait opéré sa jonction à Drissa; le but principal des Russes était atteint par la concentration d'une grande partie de leurs forces. Le 27 juin (9 juillet nouveau style), jour anniversaire de la bataille de Poltava, Alexandre rendit le manifeste suivant:

a Guerriers russes!

. « Vous avez enfin atteint le but vers lequel vos regards étaient tournés. Lorsque l'ennemi osa franchir les limites de notre empire, vous étiez sur les frontières disposés à les défendre; mais, jusqu'à ce que l'entière réunion de nos troupes pût être effectuée, il fallut arrêter votre courage et se retirer dans cette position. Nous sommes venus ici pour rassembler et concentrer nos forces. Nos calculs ont été heureux : la totalité de la première armée est en ce lieu.

« Soldats! le champ est ouvert à votre valeur, si noblement docile à se modérer, si ardente à soutenir la réputation que votre nom s'est acquise; vous allez cueillir des lauriers dignes de vousmêmes et de vos ancêtres. Ce jour, naguère signalé par la bataille de Poltava, doit vous rappeler les exploits de vos pères; le souvenir de leur valeur, l'eclat de leur renommée vous engagent a surpasser l'une et l'autre par la gloire de vos actions! Les ennemis de la Russie connaissent déjà votre valeur.

Allez donc dans l'esprit de vos ancêtres, et anéantissez l'ennemi qui ose attaquer votre religion et votre honneur jusque dans vos foyers, à la vue de vos femmes et de vos enfants.

« Dieu, témoin de la justice de notre cause, sanctifiera vos bras par ses bénédictions. ».

Tandis que l'empereur Alexandre appelait la religion au secours de la politique, tandis que, dans le reste de l'empire, la noblesse et le clergé, excitant la haine du peuple contre des ennemis hétérodoxes, transformaient cette lutte en guerre nationale, on décréta une nouvelle levée d'un homme sur cent. Bientôt on comprit qu'il devenait urgent d'évacuer le camp de Drissa. L'armée se porta à marches forcées sur Vitepsk,` dans l'intention d'arriver à Smolensk avant les Français, et de se mettre ainsi en communication avec les corps de Tormassof, de Bagration et de Tchitchagof.

Alexandre courut à Moscou, et, confiant dans le patriotisme de l'ancienne capitale de la Russie, il publia le manifeste suivant :

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L'ennemi, avec une perfidie sans exemple, et des forces qui répondent à son ambition démesurée, a pénétré dans les provinces de la Russie. Son dessein est de ruiner notre pays. Les armées russes brûlent du désir de se jeter sur ces bataillons; mais notre sollicitude paternelle ne peut accepter un sacrifice aussi désespéré. Nous ne pouvons souffrir que nos braves sujets soient sacrifiés sur les autels de ce Moloch. Pleinement convaincus des perfides intentions de notre ennemi, et des puissants moyens qu'il a préparés pour l'exécution de ses projets, nous n'hésitons pas à déclarer à notre peuple le danger où se trouve l'empire. La nécessité commande la réunion de nouvelles forces dans l'intérieur, pour soutenir celles qui sont en présence de l'ennemi. Pour assembler ces nouvelles armées, nous nous adressons à l'ancienne capitale de nos ancêtres, à la ville de Moscou. L'existence de notre

nom dans le tableau des nations est menacée. L'ennemi dénonce la destruction de la Russie. La sûreté de notre sainte Église, le salut du trône des tsars, l'indépendance de l'ancien empire moscovite, tout annonce hautement que l'objet de cet appel doit être reçu par nos fidèles sujets comme une loi sacrée... Puissent les cœurs de notre noblesse et ceux des autres ordres de l'État propager l'esprit de cette sainte guerre qui est bénie du Très-Haut, et combattre sous la bannière de notre sainte Église!

>>

Dans un second manifeste adressé à la grande nation russe, on remarque des passages qui indiquent plus clairement encore que la lutte prendrait le caractère d'une guerre d'extermination. Le despotisme ne peut parler de liberté à des esclaves; il craindrait même d'être compris; mais il met en jeu les haines vivaces dont il a conservé le germe dans les préjugés nationaux; au lieu de lauriers, il montre aux masses la palme du martyre, et rend faciles les plus grands sacrifices en les entourant du prestige religieux.

« La Russie, proclamant ce manifeste, a invoqué la protection de Dieu; elle oppose aux machinations de son ennemi une armée forte en courage, et ardente à chasser de son territoire cette race de sauterelles qui brûlent la terre, et que la terre repoussera de son sein outragé. Nous appelons toutes nos communautés religieuses à coopérer avec nous à une levée générale contre le tyran universel... Saint synode, et vous, membres de notre Eglise, dans tous les temps votre intercession a appelé sur notre empire la protection divine! Peuple russe, ce n'est pas la première fois que tu as arraché les dents de la tête du lion... Unissez-vous; portez la croix dans vos cœurs et le fer dans vos mains, et jamais la force humaine ne pourra prévaloir contre vous... >>

Ces proclamations portèrent leurs fruits; le clergé seconda la noblesse, qui s'imposa des sacrifices de tout genre; les marchands offrirent de l'argent; dans le seul gouvernement de

Moscou, on vota une levée de quatrevingt mille hommes et un subside d'un million et demi de roubles. Penza et Novogorod suivirent cet exemple, et l'élan se communiqua jusqu'aux provinces les plus reculées de l'empire.

Le synode de Moscou et le clergé de cette ville, au milieu de toutes les pompes du rit grec, firent hommage à l'empereur d'une relique miraculeuse, et le métropolitain Platon lui adressa en cette occasion solennelle un discours dont les images bibliques étaient propres à exalter les passions de la multitude.

« La ville de Moscou, s'écriait-il, la première capitale de l'empire, la nouvelle Jérusalem, reçoit son Christ, comme une mère dans les bras de ses fils zélés; et, à travers le brouillard qui s'élève, pressentant la gloire brillante de sa puissance, elle chante dans ses transports: Hosanna! béni soit celui qui arrive! Que l'arrogant, l'impie Goliath, des limites de la France, apporte l'effroi aux confins de la Russie, la religion tutélaire, cette fronde du David russe, brisera soudain sa tête orgueilleuse! »

Alexandre confia la garde de la relique à la milice de Moscou, et, à la suite de cette cérémonie, il partit pour Pétersbourg. Là, s'adressant aux intérêts plus qu'aux sentiments, il déclara que la paix avec l'Angleterre était conclue, et que le commerce allait reprendre une nouvelle vie; la paix de Boukharest, dont les dispositions avaient été consenties dès le 29 juin, venait d'être définitivement signée. Il s'agissait encore de s'assurer d'un résultat de la plus haute importance: nous voulons parler de la coopération active de la Suède. Alexandre se rendit en toute hâte dans la ville d'Abo, où l'attendait Bernadotte. Ce fut au milieu de la Finlande, dans le sein même de la capitale de cette province, enlevée aux Suédois par les Russes, que le prince royal de Suède accepta les conditions de l'autocrate russe, et s'engagea à porter les armes contre ses anciens compagnons d'armes, ou plutôt contre leur chef qui s'obstinait à

ne voir dans l'élu d'un peuple fier et brave qu'un de ces rois parvenus éclos de sa fortune. Soit que Bernadotte cédât à la séduction des promesses et des louanges adroites de l'autocrate, soit que, prévoyant l'issue de cette lutte, après laquelle tant de fronts restèrent découronnés, il ait cru devoir légitimer son élévation aux yeux de l'arbitre futur de l'Europe, soit enfin que les intérêts de sa patrie adoptive l'aient seuls guidé dans une détermination si importante, il promit d'agir offensivement contre l'armée d'invasion. Si le succès peut justifier un tel parti, Charles XIV est irréprochable; il est resté sur le trône, sans que la réaction qui a renversé toutes les dynasties, ou plutôt tous ces vice-rois qui relevaient de l'empire, ait pu l'atteindre; s'il n'a point saisi l'occasion qui se présentait de rétablir la Suède dans ses anciennes frontières, il a du moins assuré le repos de son pays, en abandonnant un territoire que les Russes lui auraient toujours disputé. Ce n'est point ainsi qu'eût raisonné Charles XII; mais ce dernier a ruiné la Suède.

Ainsi Alexandre pouvait retirer ses troupes de la Finlande; la paix de Boukharest rendait également disponibles les forces qui observaient les frontières turques; désormais c'était dans le cœur de l'empire que l'attaque et la résistance allaient se concentrer.

On décréta une nouvelle levée de deux hommes sur cent pour les terres que des priviléges exemptaient du recrutement, et les domaines de la couronne, aussi bien que ceux des seigneurs privilégiés, durent fournir leur contingent.

Le 16 juillet, Barclay évacua le camp de Drissa; le même jour, Napoléon s'élançait de Wilna, ignorant le mouvement des Russes. A cette nouvelle, il changea soudainement ses dispositions: Oudinot, après avoir ruiné les ouvrages abandonnés de Drissa, reçut Fordre de poursuivre Barclay et de le devancer à Vitepsk; il était appuyé par Murat, Ney, et la cavalerie de Montbrun et de Nansouty. Le général russe les gagna de vitesse. Wittgenstein

couvrait Pétersbourg et observait Macdonald.

Après avoir passé la Dwina, Barclay prit position sur la route de Wilna, par laquelle s'avançait l'armée française; de là il envoya Ostermann avec quinze mille hommes jusqu'au delà d'Ostrowno. Pendant ce temps, Eugène refoulait au delà de la rivière une partie du corps de Dokhtourof; les Russes brûlèrent le pont derrière eux; on travaillait à le rétablir lorsque Napoléon arriva sur ce point avec toute la garde. Le pont terminé, l'empereur se mit à la tête des Bavarois pour faire une reconnaissance. Il jugea que l'armée russe devait être à Vitepsk, et fit ses dispositions pour suivre l'ennemi.

À l'exception du corps d'Oudinot, resté en arrière pour observer Wittgenstein, et que remplaçait celui du vice-roi, la division entière, commandée par l'empereur, marcha sur Vitepsk par Ostrowno. Après quelques engagements meurtriers, l'arrière-garde des Russes se retira à l'abri d'un rideau épais de bois auquel s'adossait la grande route. Les Erançais sondèrent et franchirent ces forêts, et bientôt, à deux lieues de Vitepsk, ils découvrirent l'armée de Barclay. Le 27 au matin, les Français forcèrent l'avantgarde de ce général à se replier sur le corps principal. Le soir du 27, les deux armées étaient en présence, séparées par la Soutchissa. Les Russes n'avaient sur ce point que quatre-vingt mille soldats; les Français en comptaient cent vingt mille. Napoléon se croyait assuré de la victoire... Le lendemain matin, l'ennemi avait disparu, sans laisser un traîneur, sans qu'on pût découvrir aux environs un seul paysan. Les habitants de Vitepsk apportèrent les clefs de la ville à l'empereur; mais ils ignoraient la direction qu'avait prise Barclay. Il apprit bientôt que ce dernier se dirigeait vers le nord, et il rentra à

Vitepsk pour donner à son armée quelques jours de repos, et laisser aux corps que sa marche rapide avait devancés le temps de le rejoindre. Pendant ce temps, Bagration, après avoir plié devant Davoust à Novoselki, fit

un détour, passa le Dniepr le 26, et arriva le 29 à Mstislaf. Ce fut la nouvelle de ce mouvement qui détermina Barclay à la retraite. Inférieur à Napoléon, ce général ne pouvait négliger l'occasion qui se présentait d'opérer sa jonction avec Bagration. Ils se trouvèrent ainsi l'un et l'autre à quinze lieues de Smolensk, le premier au nord, le second au sud de cette ville; le 3 août, ils réunirent leurs forces sous les murs de Smolensk.

Exposons maintenant en peu de mots quelle était la position des corps qui formaient les ailes des deux armées ennemies.

Tormassof commandait plus de quarante mille hommes, que sa réunion avec l'armée de Moldavie pouvait porter au double. Napoléon, ignorant la force réelle de ces corps, avait donné l'ordre à Reynier d'observer avec ses Saxons l'armée de Volhynie, et de remplacer Schwartzemberg qui devait renforcer Davoust. Tormassof prit aussitôt l'offensive, repoussa vivement les Saxons, et, après une résistance de neuf heures, il fit mettre bas les armes au général Klingel, qui se rendit avec deux mille hommes, et livra aux Russes quatre drapeaux et huit canons. Reynier rétrograda sur Slonim pour se rapprocher de Schwartzemberg. Le prince venait d'être investi du commandement de toute l'aile droite, avec la mission d'occuper le gouvernement de Grodno. Cependant Tormassof, s'avançant toujours, s'était placé entre les Autrichiens et la Vistule, les coupant du grand-duché de Varsovie; mais bientôt, menacé lui-même par les Saxons et les Autrichiens, il rétrograda, et s'arrêta en arrière de Proujani, sur la route de Kobrin, dans une forte position. L'armée austro-saxonne vint l'y attaquer; le combat dura tout le jour avec des succès variés; la nuit permit à Tormassof d'effectuer sa retraite; vivement poursuivi le lendemain, il abandonna ses équipages et quelques canons; enfin les Russes, retirés derrière le Styr, reçurent la nouvelle que l'armée de Moldavie, sous les ordres de Tchitchagof, manoeuvrait

pour se joindre à l'armée de réserve. Informé de ce mouvement, Schwartzemberg s'arrêta entre Kovel et Wladimir.

La démonstration de Tormassof avait jeté l'alarme dans Varsovie; Maison, gouverneur de Königsberg, s'avança avec dix mille hommes jusqu'à Rustembourg; mais bientôt, informé de la retraite des Russes, il retourna sur ses pas (M. Mortonval). Victor se portait sur le Niémen, et Augereau recevait l'ordre de couvrir la ligne de l'Oder, et de diriger sur la Vistule la division Durutte.

à

A l'aile gauche, Macdonald s'établit Jacobstadt, tandis que les Prussiens bloquaient Riga. Le général Ricard, détaché par le maréchal pour assiéger Dunabourg, entra sans coup férir dans cette place forte que les Russes venaient d'évacuer. Macdonald y établit son quartier général, et en fit raser les ouvrages.

Wittgenstein, alarmé par les mouvements de l'ennemi, avait appelé à lui la garnison de Dunabourg, qui portait son corps à trente mille hommes. Il apprit que le maréchal Oudinot marchait sur Sébéje; pour le prévenir, il se porta à sa rencontre, en menaçant son flanc gauche. Le combat d'Iagoubovo força les Français à la retraite; ils l'opérérent après avoir tenu en respect des forces supérieures, malgré le désavantage du terrain, et vinrent se rallier à la division Merle, au gué de la Drissa.

Koulnief, qui commandait l'avantgarde russe, traversa la Drissa, et vint donner au milieu de l'armée francaise rangée en bataille. Cette attaque fut fatale aux Russes: Koulnief fut tué avec un millier des siens; quatorze canons, treize caissons et deux mille prisonniers restèrent au pouvoir du vainqueur. Engagé à la poursuite de l'ennemi, le général Verdier se trouva en présence de forces supérieures, qui le rejeterent avec perte de l'autre côté de la rivière. Oudinot, à la suite de ces engagements, rentra à Polotsk. Wittgenstein blessé alla reprendre ses positions.

Gouvion Saint-Cyr se porta sur Polotsk pour renforcer Oudinot, et le mouvement des armées francaises se trouva simultanément suspendu.

Le 1er corps, sous les ordres de Davoust, était à Dombrovna; le 2o occupait Polotsk; Ney, avec le 3o, était sur la route de Vitepsk à Sinolensk; le 4°, aux ordres d'Eugène, se déployait aux environs de Vitepsk; Poniatovski, avec le 5, remplaçait Davoust à Mohilef; Gouvion Saint-Cyr, avec le 6o, venait de se joindre à Oudinot; le 7o, réuni aux Autrichiens, observait Tormassof à Vladimir; à Orcha, Junot remplaçait Jérôme et commandait le 8 corps; le 9°, sous Victor, couvrait la ligne de la Vistule; le 10°, avec Macdonald, défendait celle de la Dwina; le 11, qui formait la réserve, était réparti dans les places de l'Oder, sous les ordres d'Augereau, qui avait son quartier général à Stettin.

Le roi de Naples, placé en avantgarde, au delà du corps de Ney, campait sur le chemin de Smolensk. « Enfin, dit M. Mortonval, dont nous abrégeons le récit, Napoléon, entouré de la garde impériale à Vitepsk, surveillait toutes les parties de cette immense armée, dont le front se développait sur une ligne de trois cents lieues. Suivant partout et à la fois les mouvements de l'ennemi, il traçait d'avance, d'après leurs manoeuvres, le plan de celles qu'il s'apprêtait à opérer... A cheval avant le lever du soleil, on le voyait passer des revues, visiter les hôpitaux où sa présence consolait et ranimait les malades et les blessés; rentré dans son cabinet, il dictait des ordres pour tous les chefs de corps, et descendait aux moindres détails de l'administration militaire, en même temps qu'il dirigeait de son camp l'administration de l'empire. »>

La marche rétrograde des Russes les avait rapprochés de leurs ressources; s'ils avaient jusque-là perdu plus de monde dans les engagements qui s'étaient succédé, ce désavantage était plus que compensé par les fléaux de tout genre qui décimaient l'armée d'invasion; elle comptait alors un peu

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moins de deux cent mille hommes, et plus elle allait avancer dans les provinces de l'empire, plus ses communications et les moyens de pourvoir à sa subsistance deviendraient difficiles. Les troupes légères de l'ennemi assaillaient les convois et les détachements isolés, tandis que les paysans massacraient les traîneurs: cependant l'aspect des aigles et la présence de Napoléon soutenaient ces troupes tant de fois victorieuses, et l'espoir d'une bataille prochaine et décisive leur donnait la force de lutter contre toutes les privations.

Barclay ne sut point tirer parti de l'avantage numérique qui résultait de sa position; le colonel Toll représenta qu'il fallait tomber avec toute l'armée du centre, qu'on pouvait réunir en moins de deux jours, sur le principal noyau de l'armée française, à laquelle une semaine était nécessaire pour se rallier; l'ennemi, coupé dans sa ligne d'opérations, se serait vu obligé de battre en retraite, ou de se heurter contre une masse compacte de cent vingt mille combattants. Cet avis, fortement appuyé par le grand-duc Constantin, fut adopté; mais les temporisations du général russe, qui fatiguait ses soldats en marches et en contre-marches, firent manquer le résultat probable de cette habile conception.

Napoléon, averti de la manoeuvre de Barclay, modifia sur-le-champ le plan qu'il avait adopté : tandis que les Russes s'étendent sur leur droite et menacent Vitepsk, il porte toutes ses forces sur leur gauche, dans la direction de Smolensk. Après quelques engagements meurtriers qui retardèrent la marche des Français, ces derniers arrivèrent devant Smolensk; Bagration était accouru pour défendre cette place, et Barclay l'avait suivi de près. Le 17 juillet, l'attaque commença; les Russes perdirent quelques milliers d'hommes à la défense des faubourgs; la nuit éclaira l'incendie de la ville, et le lendemain au matin les Français y pénétrèrent; mais ils n'avaient conquis que des ruines; Barclay avait fait éva

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