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mais qu'il n'appartient qu'au temps de de l'Église dominante, et les faire pas

réaliser.

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Fidèle aux principes d'une sage tolérance, l'empereur autorisa l'établissement, à Saint-Pétersbourg, d'un siége épiscopal pour l'administration des confessions évangéliques, et celui d'un tribunal particulier sous la direction du consistoire évangélique de l'empire. « L'édit impérial, relatif à ces deux établissements, porte: que les deux Églises évangéliques ne seront protégées et maintenues dans le libre exercice de leur culte qu'à la condition de rester fidèles à leurs symbole et confession, par lesquels elles reconnaissent la sainte Ecriture comme la parole de Dieu. L'empereur croit remplir un devoir sacré envers Dieu et les Églises évangéliques, en prenant des mesures pour mettre ces Églises à l'abri d'innovations dangereuses et contraires aux principes du christianisme. »

Ces mesures semblent annoncer que, dès cette époque, on craignait de voir l'influence du saint-siége s'étendre, sous la protection et avec l'alliance de la politique, jusque sur les domaines de l'Eglise grecque; la détermination prise à l'égard des jésuites (1820), et qui n'était que le complément de leur renvoi des deux capitales en 1815, fortifie cette conjecture.

En 1800, dit le ministre, les jésuites obtinrent la permission de desservir un des temples de Saint-Pétersbourg, assigné au culte de l'Eglise romaine. Le père général des jésuites, s'appuyant sur un règlement promulqué le 12 février 1769, forma un college où bientôt furent reçus des élèves sans distinction de culte. Après avoir outrepassé les limites de ce règlement, les jésuites employèrent toutes sortes de séductions pour arracher les jeunes élèves confiés à leurs soins, ainsi que d'autres personnes, à la communion

ser dans la leur.

« Se mettant constamment au-dessus des lois, les jésuites, malgré l'oukase impérial du 14 mai 1801, persistèrent à ne rendre aucun compte de l'administration des fonds de l'Eglise catholique, disposèrent arbitrairement des bénéfices du pensionnat; et, loin d'acquitter les dettes dont l'Église était grevée, ils ne se firent aucun scrupule d'en contracter de nouvelles. On ajoutera enfin que les jésuites ne surent pas même se concilier la confiance d'un gouvernement paternel, en offrant, dans les domaines qu'on leur avait laissés, le modèle de cette prospérité paisible que ta charité fonde même ici-bas. Le mauvais état et le délaissement des paysans de leurs terres étaient peu propres à attester leur foi par leurs œuvres.

<< Tant d'empiétements et de violations des lois sociales et ecclésiastiques déterminèrent Sa Majesté l'empereur à ordonner, en 1815, le renvoi des jésuites de Saint-Pétersbourg, avec défense d'entrer désormais dans les deux capitales.

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Cependant, malgré l'urgence manifeste de ce règlement, l'empereur se plut à prévenir toute conséquence préjudiciable au culte catholique romain. Les dettes qui grevaient l'Eglise, et qui se montaient à deux cent mille roubles, furent acquittées par le trésor impérial. Il fut pourvu à ce que l'exercice du culte ne souffrit aucune interruption.

« Les jésuites, quoique suffisamment avertis par l'animadversion qu'ils avaient encourue, ne changèrent pas néanmoins de conduite. Il fut bientôt constaté, par les rapports des autorités civiles, qu'ils continuaient à attirer dans leur communion les élèves du rit orthodoxe, placés au collège de Mobilef, et cela au mépris des obligations qu'impose à une communion tolérée le bienfait de la protection dont elle jouit. Alors on défendit aux jésuites d'admettre dans leurs écoles des élèves autres que du rit romain. Sans égard aux bulles du saint-siége

et aux lois de l'État qui interdisent l'agrégation des Grecs unis à la juridiction du rit romain, les jésuites travaillèrent à les attirer dans les lieux mêmes où la présence des prêtres grecs unis rendait cette usurpation inadmissible. A Saratof, et dans quelques parties de la Sibérie, sous prétexte d'exercer leurs fonctions, ils s'introduisaient dans des contrées où ne les appelait point leur ministère, et leur esprit de prosélytisme se manifesta encore par de nouvelles suggestions dans le gouvernement de Vitepsk.

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« Le ministère des cultes ne manqua point de signaler ces transgressions au Père général de l'ordre, dès l'année 1815; ces réclamations furent inutiles; loin de s'abstenir, à l'instar de l'Église dominante, de tout moyen de séduction et de coaction, les jésuites continuèrent à semer le trouble dans des colonies du rit protestant, et se permirent même jusqu'à la violence pour soustraire des enfants juifs à leurs parents.

<< Tel est le simple exposé des faits. On ne s'arrête point ici à détailler les circonstances qui les aggravent: elles se présentent sans effort à tout esprit droit.

«

Peut-être, en 1815, leur renvoi définitif hors des limites de l'empire eut-il obvié aux graves inconvénients qui le nécessitent aujourd'hui. Mais une noble répugnance à retirer un bienfait avant que des causes trèsgraves en fissent une nécessité absolue, et la sollicitude paternelle de Sa Majesté l'empereur pour que ses sujets du rit romain ne fussent pas privés tout à coup, dans les colonies et ailleurs, des prêtres de leur communion, et qu'on pût remplacer les jésuites par des ecclésiastiques versés dans les langues vulgaires; ces considérations déterminèrent Sa Majesté à mitiger la peine que les jésuites avaient encourue.

<< Maintenant que leurs contraventions aux lois de l'empire et aux engagements qu'ils avaient contractés envers le gouvernement, à l'époque où ils furent accueillis, n'ont fait que s'accroître par le sursis accordé, et

qu'il est arrivé que les autres ordres monastiques sont à même de fournir autant de prêtres qu'il est nécessaire, le ministère des cultes s'est cru obligé de soumettre à l'approbation de l'empereur une suite de dispositions relatives à leur expulsion. »

Par suite de cette mesure, les jésuites sortirent de l'empire au nombre de sept cent cinquante; quelques-uns allèrent en Chine; la plupart se rendirent dans les États autrichiens et en Italie, ou en Allemagne. La cour de Vienne leur donna le collége de Tarnopol, en Gallicie.

Nous ne contesterons pas au gouvernement russe le droit de protection sur tout ce qui tient à l'Église dominante; mais nous croyons que les jésuites ont rendu à l'instruction des services réels, surtout à une époque où la Russie manquait de maîtres ha biles: d'ailleurs le ministère ne pouvait ignorer que l'esprit même de leur ordre les porterait toujours, et à leurs risques et périls, à faire des prosélytes. Quant à l'espoir que ces Pères se renfermeraient dans les limites qu'on leur prescrivait, leur maxime virtuelle, sint ut sunt aut non sint, annonçait suffisamment qu'il était mal fondé. A l'époque de leur expulsion, ils commençaient à être plus dangereux que nécessaires, et le ministre des cultes, blessé non moins dans ses attributions que dans ses liens de famille, crut l'occasion favorable pour frapper un coup décisif.

Les associations secrètes, organisées dans un but patriotique, continuaient à se propager en Pologne, malgré les investigations d'une police ombrageuse et sévère; l'appui des rénovateurs était dans le mécontentement public qui s'accroissait lui-même de tout ce qu'il y avait d'arbitraire dans les mesures préventives. Le conseil de Varsovie, dit Rabbe, se rendant organe des craintes générales, écrivit, avant l'ouverture de la diète de 1822, au ministre de l'intérieur, pour lui demander de rassurantes explications. Telle fut la réponse de ce fonctionnaire :

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. Cette impossibilité et ces dangers ne pourraient provenir que des Polonais.

- Le ministre de l'intérieur et de la police est encore chargé d'ajouter que le moment actuel redouble ce danger, et qu'on ne peut l'écarter que par une juste confiance dans le gouvernement, par une prudence persévérante, par une modération sensée, par un esprit d'ordre et de soumission aux autorités. En signalant ce danger, Sa Majesté s'est acquittée de son premier devoir; mais il lui en resterait un non moins sacré à remplir, si, malgré ces avertissements que ses soins paternels lui ont suggérés aujourd'hui, un danger semblable devait se manifester; car, alors, ce serait un devoir d'empêcher, par les moyens les plus efficaces, toute entreprise qui tendrait à troubler la tranquillité publique, ou à produire du scandale. Il est satisfaisant pour Sa Majesté de pouvoir espérer que l'attachement des Polonais pour leur patrie triomphera toujours chez eux des entreprises séditieuses de quelques esprits remuants, s'il devait jamais s'en trouver parmi eux: que les Polonais ne voudront pas fournir à leurs ennemis l'occasion désirée par ceux-ci de répéter encore avec quelque vraisemblance l'accusation que toutes les tentatives pour faire le bonheur de la Pologne, pour lui procurer une situation tranquille et florissante par le moyen d'une constitution qui assure son existence nationale, ont eté et sont encore sans succès. Le mi

nistre ne doute pas que le conseil de Varsovie ne se convainque de l'extrême prudence et des précautions que la situation du royaume commande au milieu des circonstances où il se trouve, s'il doit parvenir jamais à la jouissance des avantages que sa constitution et les dispositions bienfaisantes de Sa Majesté l'empereur lui permettent d'attendre. En conséquence, le conseil de Varsovie tâchera, sans doute, de faire comprendre à tous les habitants que la tranquillité et la patience sont l'unique et indispensable moyen pour conduire la nation à un avenir heureux, tandis qu'autrement l'avenir ne lui amènerait qu'une dissolution et une ruine totale. »>

Les événements qui accompagnèrent la révolution du 29 novembre 1830, et les mémoires des Polonais exilés, indiquent de la manière la plus précise l'origine et le développement d'une vaste conjuration contre le gouvernement que la Russie avait imposé à la Pologne; mais une immense disproportion dans les moyens de résistance semblerait accuser les Polonais, si l'état où ils se trouvaient, sous le joug russe, ne leur eût paru intolérable. Quant à une liberté pleine et complète, dans les limites de la constitution de 1815, il était aussi difficile à eux de s'y renfermer qu'à Alexandre de ne pas se souvenir qu'il l'avait donnée, et qu'il avait la faculté de la retirer. Un vice-roi du caractère de Constantin était peu propre à pondérer habilement les libertés constitutionnelles de la nation avec les nécessités qui naissaient du patronage jaloux d'un gouvernement despotique. Ce prince avait toutes les bizarreries de son père, et l'inconséquence de ses actes tour à tour empreints d'emportement, de générosité et de méfiance, tenait les esprits dans une appréhension continuelle; son mariage avec la princesse de Lowicz avait sensiblement calmé la fougue de ses passions, mais pas assez cependant pour que tout le monde, depuis les généraux jusqu'aux soldats, ne tremblåt en sa présence. Élève de Souvorof, il n'avait hérité

que des accessoires de son génie ; l'uniforme des troupes, la précision mécanique des évolutions militaires, tout rappelait en lui Pierre III et Paul Ier. Cependant les bienfaits de la paix et d'une administration forte n'avaient pas été sans résultats.

«En moins de dix ans, des routes que l'on pourrait comparer aux voies romaines, sillonnèrent dans tous les sens le royaume à travers les forêts, les marécages et les sables rebelles, depuis un temps immémorial, à tous les efforts de l'industrie humaine.

« La capitale, peuplée de cent quatrevingt mille âmes, resplendissait de luxe et d'élégance. Architecture, sculpture, génie, tout se disputait le privilége d'embellir l'antique Varsovie. Les théâtres, les palais, les casernes, les monuments, les promenades, les places et les rues sortaient comme par enchantement du chaos où les avait enfouis, sous la république, un mélange bizarre de faste et de misère...

« Les provinces se peuplaient et se couvraient de villes et de manufac

tures...

« Un ministre économe, industrieux, remplissait les caisses de l'Etat et affermissait le crédit national. Les revenus du royaume s'élevaient à quatrevingt-dix millions de florins polonais; la banque contenait un capital de cent cinquante millions, et le trésor une réserve de trente millions.

« La population s'était prodigieusement accrue dans les huit palatinats du royaume; on y comptait plus de quatre millions d'âmes. Une armée de trente-cinq mille braves complétait sa puissance matérielle.

« Le commerce, ce vieil objet d'antipathie d'un peuple turbulent, guerrier et agricole, commençait à enrichir les particuliers et les masses (Histoire de la révolution de Pologne, par Louis Miéroslawski). » Il est juste de dire que l'éloquent historien que nous venons de citer compense largement ces éloges, qui, dans sa bouche, n'ont rien de suspect, par les récriminations les plus amères contre le gouvernement russe; mais les reproches, même

fondés, perdent de leur poids lorsque la passion, eût-elle sa source dans le patriotisme le plus pur, les dicte et les exagère.

Cependant nous sommes loin de nier que le gouvernement russe n'ait pas, en Pologne, employé des moyens qui doublaient les dangers du pouvoir en le déconsidérant; il était de son droit et de son devoir de surveiller ses ennemis et de ne pas se laisser prendre au dépourvu; mais, en voulant comprimer toute liberté, il augmentait ses embarras; et ses rigueurs, en tombant souvent à faux, accroissaient le nombre de ceux qu'une occasion favorable pouvait faire déclarer contre lui. C'est ainsi que des mesures sévères assujettissaient les étudiants aux formalités les plus gênantes. Il leur fallait l'autorisation de l'empereur pour se rendre dans une université étrangère; la presse fut enchaînée ; les délations devinrent un moyen sûr de parvenir, et une espèce d'inquisition politique fit dépendre de rapports de police la fortune, la sûreté et l'honneur des individus.

Tandis qu'Alexandre immolait ainsi ses principes aux combinaisons de la sainte alliance, ou plutôt, tandis qu'il se flattait de les voir se réaliser dans l'ensemble, en les sacrifiant sur quelques points, le congrès de Vérone s'apprêtait à statuer sur le sort de la Grèce. Il fallait toute l'habileté de M. de Metternich pour persuader à l'empereur de Russie qu'il convenait à sa politique de sacrifier la cause des Grecs, par cela seul qu'ils osaient recourir à l'insurrection. Ainsi les troubles tant de fois suscités en Grèce par la Russie ellemême; les vues de Pierre le Grand, celles de Munich qu'adopta Catherine II, toute l'expérience du passé ne purent décider Alexandre jouer le rôle que son influence en Europe et ses convictions religieuses, d'accord avec le vœu général des peuples de l'Occident et les intérêts les plus vitaux de son empire, lui prescrivaient d'adopter. On sait qu'Alexandre se trouvait à Laybach, lorsque la nouvelle de la levée de boucliers que venait de faire Ypsilanti lui

RUSSIE.

parvint, avec la lettre par laquelle ce prince le suppliait de ne pas refuser son appui à la nation grecque; on sait qu'il se hâta de faire désavouer formellement par ses ministres cette entreprise ne pouvant la considérer, disait-il, que comme l'effet de l'exaltation qui caractérise l'époque actuelle, ainsi que de l'inexpérience et de la lé gèreté de ce jeune homme.

Il est probable que le prince Ypsilanti avait été encouragé par les Russes eux-mêmes; mais que les idées de l'empereur Alexandre s'étant modifiées depuis 1815, on le désavoua pour ne point paraître en contradiction avec le statu quo de la sainte alliance: ce qui vient à l'appui de cette hypothèse, c'est que M. Capo-d'Istria, qui favorisait les mouvements occultes des Hétairistes, fut disgrâcié peu de temps après.

1822. Cependant l'empereur Alexandre déclara que l'armée du Pruth observerait la plus exacte neutralité; M. de Strogonof reçut l'ordre de signifier à la Porte que Sa Majesté était décidée à rester complétement étrangère aux mesures qui pourraient troubler la tranquillité des Etats, et à maintenir les traités existant entre les deux puissances. L'Autriche appuya diplomatiquement cette démarche; toutefois le divan, pour plus de sécurité, soumit à une visite les vaisseaux qui passaient le détroit des Dardanelles. Le bon sens turc ne pouvait admettre qu'Alexandre restât indifférent à la cause de ses coreligionnaires. Cette détermination souleva plusieurs explications assez vives entre M. de Strogonof et le reiss-effendi. Le ministre invoquait les traités antérieurs dont les stipulations n'avaient pas prévu nettement le cas qui se présentait. Il appuya avec véhémence sur les cruautés exercées par les Turcs pour étouffer l'insurrection, sans distinction des innocents et des coupables. Il demanda qu'on ne condamnât les Grecs qu'après une enquête formelle, et qu'on fit cesser les profanations et les destructions des églises.

Le reiss-effendi, se fondant sur les

mêmes traités, accusait la Russie de les enfreindre, en accordant une protection déguisée aux rebelles et en refusant leur extradition, quoique ce cas eût été formellement prévu par les transactions qu'elle invoquait. Il ajoutait que nul traité n'avait pu interdire au sultan le droit de traiter selon la mesure de sa sévérité ou de sa clémence, des sujets révoltés, et que le patriarche de Constantinople avait subi la peine due à sa trahison, constatée par sa correspondance avec les révoltés de la Morée.

« Sur ces entrefaites, l'arrestation d'un négociant grec, accusé d'avoir fourni des fonds aux insurgés, vint compliquer les difficultés: M. de Strogonof ayant inutilement réclamé le prévenu comme banquier de la légation_russe, s'adressa immédiatement au Grand Seigneur, et n'en obtint qu'un refus formel.

« Dès lors, ajoute Rabbe, une rupture entre la Porte et la Russie parut inévitable, et M. de Strogonof se prépara à partir. Les dernières notes qu'il remit au divan (juillet 1821) étaient encore plus précises et plus fortes.

« Si le gouvernement turc, écrivait ce ministre, témoignait, contre toute attente, que c'est par suite d'un plan librement arrêté qu'il prend les mesures touchant lesquelles le soussigné lui a déjà exposé le sentiment de son auguste maître, il ne resterait à l'empereur qu'à déclarer dès à présent à la Sublime Porte qu'elle se constitue en état d'hostilité ouverte contre le monde chrétien, qu'elle légitime la défense des Grecs, qui dès lors combattraient uniquement pour se soustraire à une perte inévitable; et que, vu le caractère de cette lutte, la Russie se trouverait dans la stricte obligation de leur offrir asile, parce qu'ils seraient persécutés; protection, parce qu'elle en aurait le droit; assistance avec toute la chrétienté, parce qu'elle ne pourrait pas consentir à livrer ses frères de religion à la merci d'un aveugle fanatisme. »

Pour toute réponse à cet ultimatum, on voulut enfermer l'ambassadeur russe

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