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Khoulaissi est la ville la plus importante des trois provinces de l'ancienne Colchide; elle en est la capitale, et sert de résidence aux autorités civiles et militaires. Comme la plupart des anciennes cítés, elle se divise en ville vieille et ville neuve. La première, dont on voit encore les murs d'enceinte, et où l'on retrouve les vestiges de plusieurs édifices remarquables, est située sur une éminence à la droite du Phase (Rioni). Nous avons dit plus haut que cette ville, l'ancienne Kyta (Cotatys), était regardée comme la patrie de Médée; il serait difficile de présenter des titres d'une noblesse plus illustre. Aujourd'hui, on y va chercher des souvenirs ou y donner quelques instants à l'examen des ruines d'une ancienne et belle cathédrale. Un assemblage de maisons en bois, décoré du nom d'archevêché, un magasin à poudre, quelques cabanes de cultivateurs, et un admirable point de vue, forment, avec les débris de la cathédrale, tout ce qui mérite l'attention des voyageurs.

La ville neuve est bâtie dans une plaine, sur la gauche du fleuve. On y voit un vaste bazar, dont toutes les boutiques, à peu près, sont tenues par des Arméniens ou des Iméréthiens. Tiflis, Akhaltzikhe et Constantinople approvisionnent ce marché, où les achats se font soit au comptant, soit par échange. Là viennent s'entasser les soies, les fourrures, le miel, la cire, les cotons, le blé, le maïs et le vin. Les articles de nécessité première y sont à très-bas prix, puisqu'en temps ordinaire la bouteille de vin revient à moins d'un sou, la livre de viande à 3 ou 4, le tchetvert de blé à 12 ou 15 francs (4 francs environ les 100 livres), et celui de maïs à la moitié.

Les maisons de Khoutaïssi sont en bois pour les plus riches habitants, et pour les autres en clayonnages entremêlés d'argile, blanchie extérieurement au moyen de la chaux. Les rues et les places publiques sont ornées d'arbres; aussi l'ensemble de la ville, quoique irrégulier, est des plus pittoresques. Le prince Gortschakoff l'a d'ailleurs beau

coup embellie et agrandie depuis quelques années, et c'est à lui que l'on doit, notamment, les nouveaux corps de caserne, les hôpitaux et le jardin public. Les Russes y entretiennent une garnison nombreuse. La population permanente ne dépasse pas dix-huit cents ames, dont une moitié se compose d'Arméniens, d'Iméréthiens et d'étrangers de divers pays, et l'autre de Juifs seulement. Ces derniers ont un quartier à part; ils s'occupent, à peu près exclusivement, de la vente des céréales et autres productions de la terre (*).

Redoute-Kalé est le port le plus important de toute la côte. So ncommerce d'entrepôt a pris, depuis quelques années, un grand développement. Les articles d'exportation consistent en cire, tabac, cuirs de bœuf et de buffle, fourrures, bois de noyer, maïs, etc. La population de Redoute-Kalé est de neuf cents ames seulement, y compris une garnison de quatre cents hommes au moins. Poti et Anaklia méritent d'être mentionnés comme ayant fait le principal objet de plus d'une guerre de la Russie avec la Porte. La première de ces deux puissances avait commis la faute énorme de les laisser entre les mains de la seconde, lors de la paix de Bouckarest (1812).

Oni est un village assez considérable du canton de Radscha, au nord de Khoutaïssi. Ce canton abonde, dit-on, en mines d'argent, de cuivre et de fer. Les ruines de tours et de forteresses, disséminées sur le sol de cette intéressante partie de la Colchide, attestent les ravages que la guerre y fit autrefois. On trouve, d'ailleurs, dans toute l'ancienne Colchide un assez

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grand nombre de forteresses dont plusieurs sont encore en bon état de défense (*). Zougdidi est un petit bourg intéressant, parce qu'il est la résidence du Dadian, ou prince de la Mingrélie. Ce souverain déchu, et pourtant toujours héréditaire, voyage avec sa cour pour se procurer des moyens d'existence; il visite ainsi, successivement, la demeure de chacun de ses vassaux, passant de l'une à l'autre, lorsqu'il en a épuisé les provisions de vin et de volailles. Cette condition du prince peut faire apprécier le degré de pauvreté de ses sujets. Les seigneurs mingréliens ou iméréthiens et les dames de la cour du Dadian ont pourtant des vêtements remarquables, sinon par leur propreté, du moins par une prétention au luxe. Les dames portent des manteaux écarlate et des chapeaux de feutre de cette couleur, garnis de galons d'or et de petite plaques ou monnaies de même métal. Les nobles voyagent à cheval, et leurs vassaux les accompagnent à pied, par respect pour le droit de suzeraineté. La condition du peuple est des plus malheureuses, et cependant elle s'est bien améliorée depuis l'incorporation de ce pays à la Russie. Les gentilshommes n'ont plus le droit de vie et de mort sur leurs vassaux; mais ils conservent encore sur leurs biens et leurs personnes des priviléges qui doivent céder tôt ou tard au progrès de la civilisation.

Les nobles mingréliens sont passionnés pour la chasse; et comme leur pays abonde en oiseaux de proie de toute espèce, ils passent la plus grande partie de leur temps à les dresser à cet exercice.

Dans la Mingrélie, les hommes de basse condition, encore moins favorisés que leurs voisins de l'Iméréthi,

(*) La planche no 6 représente une forteresse du canton de Radscha, à l'extrémité du village de Baragone, au confluent du Phase et de la Longonne. Nous avons pensé qu'elle pouvait donner une idée suffisante des ressources que ce pays montagneux a fournies à l'esprit belliqueux des Iméréthiens; elle se nomme Tmindas-Tziké.

décèlent une extrême misère sur leur personne comme dans leurs habitations. Ils se rasent ordinairement la tête, n'y laissant qu'une couronne de cheveux à la façon des moines. Ils vont les jambes nues en toutes saisons, et jettent sur leurs épaules un bourka, petit manteau de feutre assez semblable par la forme à nos grands collets de cavalerie. Leur chaussure consiste quelquefois en un simple morceau de peau apprêtée, nouée autour de la cheville, mais, plus ordinairement, en une sorte de sandales beaucoup plus larges que le pied, et tressée comme une claie d'osier. Les plus aisés ajoutent à ce costume une calotte de feutre. Selon l'usage commun à tous les peuples du Caucase, ils ne sortent pas de chez eux sans être armés, et cette précaution ne leur est pas inutile, tant ils ont à redouter les attaques de leurs redoutables voisins, les Abases, qui sont sans cesse occupés à leur tendre des embûches pour les emmener en esclavage; mais elle favorise singulièrement aussi leur penchant au vol et aux actes de violence.

Les Mingréliens se souviennent d'avoir été chrétiens. Ils ont encore un patriarche qu'ils appellent Catholicos, des évêques et des prêtres, ou papas.

Le Catholicos et les évêques sont assez riches, parce qu'ils vivent aux dépens du peuple, vendant les absolutions, les amulettes, les guérisons et toutes les jongleries des prêtres du paganisme. Les papas, au contraire, sont généralement fort pauvres; aussi ne sont-ils guère moins adonnés au vol et au brigandage que le reste des Mingréliens. La plupart de ces papas sont mariés, et plusieurs ont jusqu'à six ou huit femmes. L'entrée des églises n'est permise qu'aux hommes.

Lorsqu'un noble se marie, il est assisté d'un parrain qui, tandis que le prêtre récite les prières d'usage, s'oc cupe à coudre les époux ensemble par leurs habits; il prend ensuite deux couronnes de fleurs naturelles et les pose alternativement sur leur tête les changeant de l'un à l'autre, d'apres

l'ordre donné par l'officiant. Puis il leur offre du pain et du vin, mange et boit avec eux, et annonce que la cérémonie est accomplie.

Le voyageur Chardin, qui écrivait à la fin du XVIIe siècle, a donné, sur son séjour en Mingrélie, des détails curieux, mais qui offrent bien peu d'intérêt aujourd'hui, parce qu'ils se rattachent à des mœurs que le temps et le contact de la nation russe ont modifiées. La princesse de Mingrélie qui reçut Chardin était une espèce de courtisane effrontée qui rançonna notre voyageur, dont les malles furent encore pillées par les princes ou nobles du pays. Ceux-ci l'auraient peut-être même fait périr, s'ils ne l'avaient pris pour un capucin.

Les Orientaux donnent à la Mingrélie le nom d'Odichi; les Arméniens appellent les habitants de ce pays Egératsik, ou descendants d'Egros, que la tradition fait regarder comme le fondateur de la nation (*).

Quant au mot Mingrélie, le voyageur Reineggs l'a dérivé de Mingraoul, mille ruisseaux, parce que cette contrée est arrosée par des courants d'eau sans nombre. Suivant une autre opinion, il viendrait de Mégrel ni, qui correspond à Egératsik, suivant les procédés spéciaux des langues arménienne et géorgienne.

L'extrême humidité de la terre, échauffée en été par l'ardeur du soleil, fait de la Mingrélie un séjour des plus malsains. Les étrangers y contractent de graves maladies, et les naturels atteignent rarement à une grande vieillesse. L'hydropisie est trèscommune chez eux; mais généralement toutes leurs infirmités ne doivent pas être attribuées au climat seul, les mœurs du pays y contribuent beaucoup aussi. Les Mingréliens ne mangent, pendant la plus grande partie de l'année, que leurs énormes choux, auxquels ils ajoutent quelques poissons salés ou de la chair de porc; ils boivent une sorte de vinaigre fait

(*) Voy. Chronique géorgienne, traduite par M. Brosset. Paris, 1830.

avec le bouillon de ces mêmes choux. Des racines qu'ils couvrent de sel et quelques fruits sauvages complètent leur nourriture habituelle. Ils passent leur vie à cheval, ne s'arrêtent que pour dormir sur un terrain mouillé, et sont constamment, enfin, dévorés par la vermine. Ce peuple fait une grande consommation de gomi ( panicum italicum ), espèce de millet. Nous allons d'ailleurs retrouver, en parlant de l'Ibérie et de la Circassie, les autres traits caractéristiques des habitants de l'ancienne Colchide.

L'IBÉRIE, dont l'étymologie est incertaine, a formé la Géorgie propre-ment dite, ou le Karthli, borné au nord par la chaîne des montagnes neigeuses du Caucase, à l'ouest par la Colchide, à l'est par l'Albanie, au sud par l'Arménie, dans une limite variable et long-temps indéterminée. Tout ce pays, lors de la colonisation riveraine des Grecs, était occupé par les Mosques, dont faisaient partie les tribus des Tibarrhéniens, des Macroses, des Amardes et autres. Quelques auteurs supposent que les Grecs appelèrent ces peuples Géorgiens, du mot Géorgos, laboureur; mais cette étymologie est peu soutenable, quand on considère que l'agriculture de cette contrée ne pouvait certainement pas être un objet d'admiration pour la Grèce. Il n'est pas plus raisonnable de penser que ce nom leur fut donné, après l'introduction du christianisme, en l'honneur de saint George, dont la mémoire est tellement vénérée parmi eux, que la majeure partie de leurs églises lui sont dédiées, et qu'ils n'ont pas eu moins de treize souverains du nom de George. L'étymologie la plus vraisemblable est celle qui tire le mot Géorgie de Djorzan, le plus anciennement donné à cette contrée par les auteurs arabes, ou de Gourdjistan, sous lequel elle fut connue au XIIe siècle, après l'occupation du pays par les Gourdjes.

La Georgie fut, depuis le XIIIe siècle, subdivisée en plusieurs provinces, dont les noms, pour la plupart imposés par les conquérants venus de la Perse,

ont traversé les siècles et se retrouvent dans certaines localités auxquelles il serait impossible d'assigner des limites. Parmi ces démembrements, le Kakhéthi, le Kharthli et le Somkhéthi ont formé, à diverses époques, des royaumes indépendants. Aujourd'hui le Cara-bag, entre le Kour et l'Aras, et le Talidj, qui borde la mer Caspienne, sont les provinces les plus méridionales de l'empire russe, sur les frontières de la Perse.

Les Géorgiens appellent leur pays Karthli, et toutes leurs tribus Thargamossiani, noms qu'ils ont adoptés depuis l'introduction du christianisme pour se donner une origine biblique. Thargamos, patriarche de l'Arménie et de toute cette partie de l'Asie septentrionale, était le petit-fils de Japhet. Il eut huit fils, dont le second, nommé Kharthlos, vint s'établir sur le versant méridional du Caucase, et fut le fondateur de la nation géorgienne. Étienne Orpélian, archevêque de Siounie, qui vivait dans le XIIIe siècle, rapporte que ce fils du patriarche bâtit, au pied du mont Armaz, une forteresse à laquelle il donna le nom d'Orpeth. Cette circonstance est digne d'être notée, car elle nous servira de point de départ pour l'histoire de la race des Orpélians, véritables maires du palais des rois géorgiens.

Miskethos, l'aîné des fils de Karthlos, fonda auprès du confluent de l'Aragwi et du Kour une ville à laquelle il donna son nom, et qui servit de capitale à ses successeurs jusqu'en 470. Plusieurs d'entre eux y furent inhumés. Il faut rejeter parmi les contes persans la tradition géorgienne selon laquelle un roi des Khazars, qui avait fait une irruption en Géorgie et en Arménie, l'an du monde 2300, aurait donné à son fils Ouobos tous les prisonniers ramassés dans la contrée comprise entre le Kour et l'Araxe, et l'aurait établi roi du pays situé à l'est du Térek.

Des fragments de la chronologie des rois géorgiens se trouvent disséminés dans les historiens persans et

byzantins; Constantin Porphyrogénète dit que tous ces rois se prétendaient issus de la femme d'Urie, enlevée par David. Deguignes, Guldenstædt et Klaproth en ont donné des listes incomplètes, et qui, cependant, ne comprennent pas moins de 120 monarques; mais nous ne tenterons pas de tirer leurs noms obscurs de l'oubli qui les menace. Il importe peu de savoir que des Artak, des Datchi, des Bakour, des Mirwan, des Louarsab, des Vaktang ont administré sans gloire un peuple incivilisé, sous la tutelle des empereurs d'Occident ou des rois de la Perse; l'attention ne doit se porter que sur quelques rares sommités qui apparaissent de loin en loin, dans le domaine de l'histoire, comme des oasis dans un désert de sable.

Les chroniques géorgiennes citent Pharnavaz où Pharnabace comme le premier qui ait pris le titre de roi de Géorgie. Il vivait environ 300 ans avant l'ère chrétienne. Mais il n'est pas question de lui, sous ce nom du moins, dans la chronologie de Deguignes. Un de ses successeurs, du nom d'Aderki, divisa ses états en deux royaumes, celui d'Armazel et celui de Mtsket, qu'il laissa en mourant à ses deux fils; mais à la sixième génération, le souverain d'Armazel les réunit de nouveau. Un roi, nommé Mirvan, fit bâtir la forteresse de Dariel, et élever un rempart pour servir de boulevard à la Géorgie, contre les invasions des Alains et des Khaza res (*); cela n'empêcha pas les Alains

(*) Les Alains. L'antiquité confondait sous ce nom générique plusieurs nations voisines du Caucase et de la mer Caspienne.

Selon Eustathe, ce mot, dans la langue des

Sarmates, signifie montagnards. Ceux dont il est ici question ont été la souche des Ossètes, dont il sera parlé plus bas.

Les Khazares. D'après M. Lesur, et généralement d'après les écrivains modernes, les Khazares seraient d'origine turque. M. Klaproth a démontré victorieusement, selon nous, que c'est là une erreur, et que ce peuple est plutôt d'origine finno-ouralienne. Il en est question dans Hérodote et Strabon sous le nom de Katiars; dans Procope, sous

dans le siècle suivant ( 100 ans avant J.-C.) de traverser deux fois le Caucase du nord au sud pour se porter vers l'Arménie et la Médie.

A la fin du III° siècle de l'ère chrétienne, nous voyons un roi, Aspagour, abolir la coutume d'immoler des enfants aux idoles. Cet événement fut le présage d'un grand changement qui allait s'opérer parmi les peuples caucasiens, par l'introduction du christianisme. Dioclétien tenait les rênes de l'empire, Tiridate régnait en Arménie, et Mirian en Géorgie (265 à 318), lorsqu'une esclave que les chroniques arméniennes appellent Nina, mais que les martyrologes ne désignent que par les mots de sainte servante chrétienne, vint en Géorgie et y porta, avec l'exemple de toutes les vertus, la foi de Jésus-Christ. Le roi Mirian fit construire à Mtsketha une chapelle en bois où furent déposées de précieuses reliques. Mirdat, son petitfils, remplaça par une église en pierre la baraque due à la piété parcimonieuse de son aïeul. En 469, le roi Waktang-Gourgaslan abandonna sa capitale de Mtsketha pour une nouvelle ville qu'il avait fait bâtir sur l'emplacement d'un ancien village, nommé Tphilissi ou Tphiliskalaki, la ville chaude, à cause de ses sources d'eau thermale. Cette ville n'a pas cessé d'être la capitale du royaume; elle se nomme aujourd'hui Tiflis.

Le VII siècle de notre ère vit naître l'islamisme. Cette nouvelle religion ne fut pas étrangère aux maux qui vinrent assaillir pendant plusieurs siècles les nations caucasiennes. En 684, le kalife Valid envoie dans le Caucase une armée de 3000 hommes, sous le commandement de son frère 'Muslimeh. Celui-ci s'empare de Derbent après une bataille mémorable, où fut tué un héros, dont la mémoire est chère aux musulmans son nom est Kriklar. On voit encore son mausolée aux environs de Derbent; les Lesghis y viennent en pèlerinage. celui de Khazires; dans Moïse de Khorène, et les écrivains postérieurs à l'ère chrétienne, sous celui de Khazars ou Kozars.

De cette époque jusqu'à la fin du IX' siècle, les Arabes continuent leurs incursions dans la Géorgie, le Chirvan et le Daghestan, dont ils forcent ceux des habitants qui tombent en leur pouvoir à embrasser la religion de Mahomet. En 861, ils s'emparent de Tiflis, mais après cet exploit, leur domination commence sa période de décadence. Ils avaient cependant envoyé plusieurs colonies dans le Caucase, et, de nos jours encore, on trouve, au nord de Derbent, une peuplade arabe, dont l'origine remonte jusqu'à cette colonisation. Nous arrivons enfin, en laissant de côté une longue série de petits souverains sur les noms et l'ordre desquels les chroniqueurs et les historiens ne sont pas même d'accord, à quelques événements qui concernent la race si intéressante des Orpélians.

Les Géorgiens gémissaient depuis long-temps sous le joug des infideles. Leurs souverains, forcés de suivre les inspirations d'un commissaire étranger, n'avaient plus qu'une ombre d'autorité, et n'osaient même prendre le titre de rois; ils se faisaient appeler patricks (patriciens), ou mamasakhlisi (pères de maison). La mauvaise administration, qui était la conséquence inévitable de cet état de choses, donnait naissance à une foule d'abus, et, par suite, à la corruption et aux désordres de toute nature. Sur ces entrefaites, une grande révolution s'opéra dans un pays de l'Orient, voisin des Tatares, et qui s'étend, dit l'archevêque de Siounie, Étienne Orpélian (*), jusqu'aux monts Imaüs. A la suite de cette révolution, une partie de la famille régnante se voua à l'émigration, et, de contrée en contrée, elle arriva au pied du Caucase. Le chef de ces nobles voyageurs était un prince de bonne mine, brave et courageux. Apprenant la triste position des Géorgiens, de plus en plus opprimés par les Persans, il leur fit offrir ses services, et se mit incontinent en devoir de les délivrer de leurs tyrans. La fortune secondant

(*) Voyez le livre curieux et savant de M. Saint-Martin, Mémoires sur l'Arménie.

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