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et ceint de plaines bien cultivées. Il est assez important d'expliquer la cause qui a amené d'aussi loin cette troupe J'émigrés. Il y a quelques années, des prédicateurs protestants parcoururent le Wurtemberg, en annonçant au peuple que vers l'an 1836 éclaterait un schisme suivi d'ardentes persécutions. Ils avaient lu dans l'Apocalypse que les vrais fidèles devaient, comme les chrétiens, à l'approche de la ruine de Jérusalem, chercher un asile dans les pays lointains, et une révélation leur apprenait que ce lieu de refuge avoisinait la mer Caspienne. Aussitôt une foule de paysans, entraînés par les prédictions de leurs ministres, se disposent à aller à la recherche de la nouvelle terre promise. A leur nombre sans cesse croissant se joignent tous les aventuriers désireux du changement, et quinze cents familles abandonnèrent spontanément le Wurtemberg. Les deux tiers de cette nouvelle émigration, qui rappelait celles du temps des croisades, avaient succombé aux fatigues de la route, avant d'avoir atteint Odessa. En 1817, ils arrivèrent dans la Géorgie, et se partagèrent là en sept colonies. L'une d'elles, répartie en deux villages appelés Marienfeld et Petersdorf, est dans le Kakheti; deux autres, la Nouvelle-Tiflis et Alexandersdorf, sont établies sur la rive gauche du Kour, non loin de Tiflis; Elizabeththal et Catherinenfeld sont dans la Somkheti, et enfin Anenfeld et Helenendorf situées dans le voisinage de Ganjeh. L'empereur de Russie, qui avait un puissant intérêt à favoriser l'établissement de ces colons, qui apportaient dans ces pays l'industrie européenne, leur accorda beaucoup de priviléges, et leur concéda une immense étendue de terrain exempt de tout impôt. Dans les commencements, les colons ont eu beaucoup de peine à s'acclimater, et les maladies en ont emporté un grand nombre. Dans les dernières guerres, les Persans en out emmené captifs une partie, et la colonie d'Helenendorf a été décimée par les hyènes qui descendaient en troupes des montagnes voisines. Aujourd'hui

leur situation est plus prospère, et, à mesure que la puissance russe se consolidera dans ces contrées, leur situation deviendra plus avantageuse. Toutefois le nombre des colons ne s'élève encore qu'à deux mille.

DES KURDES. Nous croyons nécessaire de parler ici des Kurdes (*), et de faire connaître un peu les mœurs et le caractère de ce peuple qui occupe le sud-est de l'Arménie, bien qu'il diffère essentiellement des Arméniens sous le double rapport moral et physique. Le Kurdistan, ou la province qu'ils habitent, est ainsi appelée de leur nom de Kurdes, lequel signifie, en persan, belliqueux et brave, soit que leur bravoure naturelle ait donné ce sens à leur propre dénomination, ou bien soit encore qu'ils l'aient reçue comme un titre décerné à leur valeur. Les limites du Kurdistan, du côté de la Perse, sont les monts Sourkeou et le lac de Zéribar. Il n'est point tout entier renfermé dans l'empire persan; la partie nord-ouest dépend de la Turquie. La ligne de démarcation entre la partie turque et persane est posée par la chaîne de montagnes qui sépare les deux lacs de Van et d'Ormiah; elle suit la chaîne des monts Khelessin jusqu'à celle des monts Tchil-Tchecméh, puis elle longe la rivière de Mehrivan, et va se rattacher au Djebel-Tak.

Le Kurdistan turc renferme de cette manière huit sandjakats ou provinces, dont les gouverneurs prennent et s'arrogent le titre de pacha. Ces sandjakats sont ceux de Bayazid, de Mouch, de Van, de Djulamerk, d'Amadia, de Suleimanieh, de Cara-Tcholan et de Zahou. Il ne faut pas croire que le Grand Seigneur fasse reconnaître son autorité parmi ces peuplades comme dans les autres parties de son empire; il n'y a guère que le pachalik de Van où son nom soit connu et respecté, à cause des troupes qu'il y entretient. Du reste, ils se considèrent si peu comme sujets de la Porte Ottomane, qu'ils refusent d'adopter le costume distingué surtout par le caouc ou turban. Les pachas et

(*) Vov. la planche no 5.

les beys qui les régissent se tiennent retranchés dans leurs montagnes, comme dans des citadelles, et, assurés qu'ils sont que les collecteurs d'impôts ne viendront pas les inquiéter, refusent le tribut. Lorsqu'on emploie la force pour obtenir d'eux ce droit, ils ne cèdent qu'après la plus vive résistance. Ces chefs sont électifs, mais choisis dans la même famille. On les propose au gouvernement turc, qui, par sa reconnaissance, leur donne une espèce d'investiture. Il est rare qu'une élection, en stimulant l'ambition des divers membres de la même famille, ne soit ensanglantée par quelque combat.

« Les Kurdes, dit M. Jaubert dans son Voyage en Arménie, se subdivisent en un grand nombre de hordes ou de tribus, dont les chefs reçoivent l'investiture du pacha ou du bey. Le monarque persan n'exerce aussi que l'autorité de suzerain dans la partie du Kurdistan qui est comprise dans son empire; mais la fermete de Feth-AlyChah, souverain actuel de la Perse, empêche les nomades de ses États d'être aussi turbulents que le sont ceux de la Turquie. Le chef-lieu des Kurdes persans est Sineh.

« Ces peuples, soit qu'ils mènent une vie sédentaire ou qu'ils errent dans les campagnes, se prétendent issus des Mongols et des Uzbeks, dont les ir ruptions soudaines ont si souvent troublé l'Asie; mais la grandeur et la beauté de leurs yeux, leur nez aquilin, la blancheur de leur teint et l'élévation de leur taille, démentent cette origine tartare. Ils professent l'islamisme, et tous, sans même excepter ceux qui reconnaissent les lois du chah de Perse, sont de la secte d'Omar. Leur manière de se vêtir diffère de celle des Turcs, en ce que leurs habits sont plus légers, quoiqu'à peu près de la même forme, qu'ils les recouvrent d'un grand manteau de poil de chèvre noir, et qu'au lieu d'un turban, ils portent un long bonnet de drap rouge, entouré d'un châle de soie rayé de couleurs tranchantes; une infinité de glands de soie sont attachés à l'un des bouts du bonnet, qui retombe fort has sur les épau

les. Cette coiffure leur sied très-bien. Ils se rasent la tête et portent des moustaches; les vieillards seuls laissent croftre leur barbe.

a

Les Kurdes excellent à manier la lance et à monter à cheval (*). La principale occupation des nomades consiste à élever des boeufs, des chèvres, des moutons et des abeilles; aussi dans la langue kurde, langue formée de l'arabe et du persan, et divisée en plusieurs dialectes, le mot mál, qui signifie biens, fortune, richesses, sert-il plus spécialement à désigner des troupeaux.

« Les exercices militaires sont pour les Kurdes le principal amusement. Ils aiment beaucoup les contes, et ils composent des chansons qui ont pour sujet ou des amours licencieux ou des combats, ou des événements mémorables et tragiques.

«

Quoique simple, la musique des Kurdes n'est pas entièrement dépourvue d'art; elle est expressive et mélancolique. Le chanteur prolonge, en les modulant, des sons monotones; il articule quelques mots qu'il entrecoupe de soupirs, de sanglots; il verse des pleurs et finit par pousser des cris lamentables. On estime la justesse et la douceur de la voix beaucoup moins que son étendue, et, pour faire l'éloge d'un chanteur, les Kurdes disent qu'on l'entend d'une parasange. A la vérité, le chant est pour eux, lorsqu'ils errent dans les montagnes, un moyen de faire reconnaître le point où ils se trouvent placés.

a Ils sont très-enclins au vol. Peutêtre ce penchant est-il une des causes qui les portent à errer sans cesse. Les autres motifs de leur goût pour la vie vagabonde sont ou le voisinage d'une horde ennemie, ou le manque de pâturages, ou la rigueur de la saison. L'hiver ils vont chercher un asile sous le toit du laboureur, à qui, pendant l'été, ils ont enlevé une partie de ses récoltes. Pressés par le besoin, d'indépendants et de farouches qu'ils étaient auparavant, ils se montrent alors sou

(*) Voy. la planche no 7.

ples et soumis, et ils vivent d'assez bon accord avec leurs hôtes.

« A l'approche du printemps, les Kurdes reprennent le genre de vie qui leur est propre. Ordinairement les lieux qu'ils choisissent pour asseoir leur camp sont des prairies agréables, situées au bord de quelque ruisseau. Leurs tentes, qu'ils préfèrent aux habitations les plus fastueuses des villes, sont composées d'un tissu de laine noire et grossière, et ont très-peu d'élévation. Ils les entourent d'une claie de roseaux, en dedans de laquelle ils placent leurs bagages, et souvent ce qu'ils ont pris aux caravanes. Cette sorte de clôture est très-légère et trèsfacile à transporter. On l'emploie aussi à séparer l'habitation des hommes de celle des femmes, et à faire des parcs pour les troupeaux. Un trou de quelques pieds de diamètre et de profondeur, servant de four et de cuisine, est creusé au milieu de chaque tente, qui, au moindre vent, est remplie de fumée; inconvénient assez grave, mais auquel les hommes, les femmes et les enfants, sont accoutumés. Les chevaux sont attachés à des piquets plantés hors de l'enceinte, et on les tient presque toujours sellés; en général, tout est disposé pour qu'on puisse plier bagage et partir en quelques instants. Tout l'établissement coûte à peine un jour de

travail.

« Les peuples qui se livrent le plus au vol et au brigandage sont souvent aussi ceux qui remplissent le plus rigoureusement les devoirs de l'hospitalité, et c'est ce qui fait que dans l'Orient un voyageur expérimenté redoute surtout les contrées où cette vertu est le plus en honneur; les Kurdes en fournissent la preuve. Un étranger de quelque apparence arrive-t-il près d'une de leurs hordes, des cavaliers s'empressent d'aller à sa rencontre. bien venu, lui disent-ils; c'est chez vous-même que nous allons vous recevoir. Cette heure nous est agréable, puisse-t-elle vous être propice.» On le conduit à la tente du vieillard le plus riche et le plus considéré de la tribu, et les femmes s'empressent à préparer

Soyez le

un repas, Tandis que les unes pétrissent à la hâte une farine grossière, les autres vont chercher du miel et des laitages, ou étendent sur la terre des tapis, ouvrages de leurs mains. Dans le même temps, les jeunes gens ont le soin d'ôter aux bêtes de somme leurs fardeaux, de laver les pieds aux chevaux, et en hiver, pour empêcher que le froid ne les saisisse, de les conduire autour du camp, d'abord avec vitesse, puis insensiblement avec lenteur. « Enfants, dit le vieillard, ayez soin de notre hôte l'étranger est un présent de Dieu. Que rien ne lui manque ni à ses gens. Songez aussi aux montures. ce sont les vaisseaux du désert: et toi, voyageur, sois le bien venu; tu es ici parmi les tiens; que le contentement que tu éprouveras soit pour nous le gage des bénédictions du ciel. Si tu passes avec nous quelques heures agréables, nous serons plus heureux que toimêine. » En pareille occasion ce langage est sincère; mais lorsque les Kurdes sont éloignés de leurs foyers, qu'ils vont chercher fortune sur les chemins, dans les montagnes et au fond des déserts, ils considèrent comme leur appartenant en propre tout ce qui passe sur leurs terres, et ne se font aucun scrupule d'employer les discours les plus flatteurs, les promesses les plus mensongères, pour venir à bout de leurs desseins. »

Plusieurs tribus kurdes mènent une vie complétement nomade, et ne tirent leurs moyens de subsistance que du pillage telles sont celles qui errent dans le désert de Syrie, uniquement occupées à surprendre les voyageurs et les caravanes. Leur usage est de se partager en petites bandes de douze à vingt cavaliers, d'épier tous les mouvements de la caravane, d'attaquer les traîneurs ou même la troupe entière, si celle-ci paraît les craindre, ou si, déterminée à se défendre, elle n'est pas en nombre très-supérieur à celui de leur bande. Bien différents des Arabes, qui se font un scrupule de massacrer le voyageur tombé dans leurs mains, les Kurdes répandent volontiers le sang. Le voyageur qui est tombé en

leur puissance est trop heureux s'il est seulement dépouillé. Ils sont mal disciplinés, et ne paraissent avoir pour leurs chefs que peu de subordination. Ils poussent quelquefois la hardiesse jusqu'à venir attaquer en plein jour les habitants de Djédaidé, l'un des faubourgs d'Alep.

Le voyageur qui veut traverser le désert et les autres lieux infestés par ces bandes n'a d'autre moyen, pour se préserver de leurs attaques, que de former des liaisons avec les principaux chefs des tribus. Ces liaisons sont souvent très-dispendieuses à cause de l'exigence des chefs, qui requièrent de riches cadeaux qu'on doit considérer comme une véritable rançon. Mais il est très-difficile à un Européen d'entrer en relation avec eux, et, à l'occasion, ils se montreraient peu scrupuleux d'oublier leurs premiers engagements. Lorsqu'ils sont supérieurs en force, il n'y a guère de titres auprès d'eux pour échapper à leur avidité (*).

Toutefois il ne faut pas attribuer à la race entière des Kurdes ce caractère sauvage et sanguinaire qui distingue certaines tribus. Les Clans qui vivent dans les montagnes mènent la vie des anciens peuples pasteurs; quelquefois

Un voyageur raconte une anecdote qui indique assez la différence qu'il faut établir entre les Kurdes et les Turcomans

qui exercent dans ces lieux le même métier, mais avec plus de loyauté.

Près du khan El-Assel, deux cavaliers, l'un kurde, l'autre turcoman, furent abordés par un paysan à cheval, qui vint se mettre sous leur protection, et leur demanda de les suivre jusqu'à la ville, afin d'éviter sous leur escorte, toute mauvaise rencontre. Sa demande lui fut généreusement accordée par le Turcoman: le Kurde parut être d'abord du même avis; mais il eut à peine marché quelques pas, que se repentant de cette protection gratuite, il prit à part son camarade, et lui demanda son agrément pour égorger l'étranger et s'emparer de ses dépouilles, qu'il offrit de partager avec lui. Alors le Turcoman indigné lui défendit de toucher à celui qu'il avait pris sous sa protection, et ce ne fut qu'après une querelle assez vive qu'il parvint à le sauver.

ils manifestent le plus entier dévouement pour leurs chefs. Lorsque le frère d'Abdurrahman Pacha mourut à Bagdad, un de ses serviteurs, Kurde de nation, qui se tenait près du lit où gisait le cadavre de son maître, s'écria: Quoi! le bey est mort! je ne veux plus vivre un seul instant;» et au moment même il s'élança dans la rue du haut de la maison, et le sang de sa cervelle teignit le pavé.

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Ils supportent la pauvreté et la privation sans le moindre murmure; cependant ils redoutent beaucoup le trajet des solitudes embrasées du désert.

Les dernières observations des voyageurs tendent à démontrer qu'il y a parmi les Kurdes deux races bien distinctes, ce qui sert à expliquer la différence de goûts et d'inclinations chez les membres de la même tribu. Les uns, en effet, ne pensent qu'à guerroyer; les chevaux, les armes, le combat et le butin, voilà ce qu'ils chérissent, et ce qui fait le sujet continuel de leurs conversations et de leurs chants. Ils ont besoin d'avoir des ennemis pour épuiser l'ardeur guerrière qui les dévore; et, lorsque les peuples voisins ne leur fournissent pas l'occasion de satisfaire cette passion, ils tournent contre eux-mêmes leurs armes, et se déchirent dans les querelles de leurs factions intestines. L'autre

partie de la population, qu'ils appellent Rayahs on Keuglies dans certaines contrées, représente les paysans. Ils cultivent la terre et prennent soin des troupeaux. Les Sipahs ou Kurdes militaires se regardent comme leurs seigneurs, et quelques-uns d'eux prétendent que les paysans obéissent parce qu'ils sont créés pour leur usage; aussi la condition de ces serfs est-elle plus misérable souvent que celle des nègres de l'Amérique. Habitués à servir, ils ont dans leurs manières et leur langage quelque chose de timide et de rampant; à peine osent-ils lever les yeux sur leurs chefs, et jamais ils n'oseraient prendre le costume ou la contenance d'un Kurde de noble race.

Quand un chef devient possesseur

par conquête ou par héritage d'une Douvelle étendue de terrain, il en assigne une portion à chacun de ses serfs, et il leur fait en outre des distributions d'armes et de chevaux. Les enfants sont élevés dans la haine cominune des Turcs et des Persans, et ils parviendraient, sans aucun doute, à assurer leur indépendance contre ces deux puissances, si les rivalités des chefs ne détruisaient la force qu'ils peuvent retirer de leur union. La politique de la Porte et d'Ispahan tire habilement parti des dissensions que l'intérêt ou la vanité fait naître parmi les chefs de tribus. Elle donne aux uns des secours d'argent, et leur promet certains priviléges dans le cas où ils réussiront à réduire les chefs insoumis; aux autres, elle promet de les reconnaître comme pachas ou beys, récompense qui est le dernier terme de leur ambition, et dont l'espoir leur fait oublier les liens sacrés du sang ou de l'amitié. En outre, ces chefs, reconnus par la puissance ottomane ou par la cour de Perse, ont une existence très-précaire; ils peuvent être révoqués, et leurs frequentes mutations, contribuent spécialement à entretenir dans la nation ces divisions qui lui sont si fatales.

Au milieu de leur barbarie, les Kurdes conservent certains usages qui montrent en eux un penchant pour la civilisation. Ainsi ils aiment beaucoup la société, et entre tous les autres peuples orientaux ce sont peut-être les seuls qui se plaisent à prolonger la veillée dans les visites et la conversation. Ils se levent fort tard, font des paris considérables pour des combats de chiens ou de perdrix, et dans leurs rapports ils ont de l'affabilité et de la bienveillance, sans garder l'étiquette d'une froide cérémonie.

Dans les temps de guerre, ou lorsqu'ils ont une vengeance à satisfaire, rien ne les arrête. Ils se livrent aux actes les plus révoltants; ils conservent en même temps un air de religion.Ainsi, après avoir tué un homme sans scrupule, on les voit se mettre à genoux et s'acquitter des prières

prescrites par la loi. Pleins de rancune, ils viennent demander satisfaction d'une injure quelquefois trois ou quatre ans après l'avoir essuyée; pendant cet intervalle ils épiaient soigneusement l'occasion. On cite comme exemple de leur irascibilité, le trait d'un chef qu'un moucheron importunait en se plaçant toujours sur son œil, et qui ne pouvant le chasser, prit son poignard, pour mettre un terme à sa douleur, et se l'enfonça dans l'œil, au risque de perdre la vie avec la vue.

Les femmes kurdes prennent moins de soin de se dérober aux regards des hommes dans l'intérieur de leur maison que les femmes turques ou arabes. Quelquefois elles paraissent rechercher l'attention des étrangers. Lorsqu'elles sortent, un voile bleu couvre leur tête; rarement elles l'abaissent sur la face, excepté les femmes d'un haut rang qui ne veulent pas être reconnues. Quelques-unes ne sont pas voilées et ne craignent point de se mêler aux assemblées des hommes. Malgré cette liberté extérieure, leur vertu est, dit-on, plus sévère que celle des femmes turques toujours gardées à vue, et dans tous leurs actes, elles conservent la pudeur et la décence, qui sont le premier ornement de leur

sexe.

Elles prennent part aux réjouissances publiques, et M. Rich dans son Voyage au Kurdistan, qui vient de paraître tout nouvellement, raconte qu'il a été témoin d'une danse nationale appelée tchopi (*). Il trouva réunis dans une vaste cour un nombre considérable de spectateurs dont le cercle entourait un choeur de danseuses. Elles se tenaient par la main sans former un rond parfait. Leurs exercices consistaient en des balancements de corps et de tête dont la mesure était marquée simultanément par le pied. De temps à autre elles poussaient des cris modulés uniformément, mais qui exprimaient assez leur joie. Les assistants, montés sur une espèce de hangar, prenaient un vif intérêt à ce spectacle, surtout les

(*) Voy. la planche no 6.

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