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Les Perses exerçaient une propagande active pour arrêter les progrès du christianisme, et pour étendre les principes du magisme. En l'an 442, Mihir Nerseh, général persan, fut envoyé avec beaucoup de prêtres et de soldats pour remplir une mission religieuse. Menaces, présents et promesses, tout fut employé pour gagner ou épouvanter les princes. Il leur adressa une proclamation qui contient un exposé curieux de la doctrine de Zoroastre, et de la manière dont on concevait à cette époque le christianisme. En voici le contenu :

« Mihir Nerseh aux Arméniens, salut. « Sachez que tout homme habitant sous le ciel, qui ne suit pas les préceptes de la religion de nos pères, est sourd, aveugle et séduit par les génies d'Ahriman. En effet, avant l'existence des cieux et de la terre, le grand dieu Zervan, ou le temps sans bornes, offrit un sacrifice pendant mille années, en disant : « Peut-être aurai-je un fils nommé Ormuzd, qui fera le ciel et la terre.» Or il conçut dans son ventre deux fils, l'un parce qu'il offrait des sacrifices, et l'autre en proférant le mot peut-être. Lorsqu'il connut qu'ils étaient dans son ventre, il dit : « Celui qui viendra le premier, je lui donnerai la royaute. Mais celui qui avait été conçu dans le doute, lui fendit le ventre et sortit par cette ouverture. Zervan lui dit : « Qui es-tu? Je suis, répondit-il, ton fils Ormuzd.» Zervan

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571. Vartan, surnommé P'hok'hr (le Petit) prince de Daron, de la race des Mamigonéans, fils de Vasag, fils de Vart, prince indépendant, soutenu par les Grecs: mais à la fin il fut chassé par les Persans. 578. Mihran-Djihrveghon, Persan, nommé par Chosroès le Grand.

503. Sempad, surnommé Pazmaïaghth (le Victorieux), de la race des Pagratides, marzban d'Arménie et du pays de Vergan, nommé par Chosroès II, ou Khosrou-Perwiz.

601. David, prince de la race des Saharhouniens, nommé par le même roi.

625. Varazdirots, de la race des Pagratides, fils de Sempad, nommé aussi par Khosrou Perwig, gouverne pendant sept

ans.

lui dit : « Mon fils est lumineux et exhale une agréable odeur; toi tu es ténébreux et ami du mal. » Comme il pleura amèrement, il lui donna la royauté pour mille ans.

Ayant engendré un second fils, il le nomma Ormuzd, et enleva la royauté à Ahriman pour la lui donner, en disant: « Puisque j'ai offert des sacrifices pour toi, c'est à toi maintenant d'en offrir pour moi.

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Ef Ormuzd fit le ciel et la terre, et Ahriman créa contre lui le mal, divisant ainsi en deux les créatures: les anges, qui viennent d'Ormuzd, et les dews ("). C'est ainsi que tous les biens existants aux cieux etici-bas viennent d'Ormuzd; tandis que Ahriman est l'auteur de tout le mal qui arrive dans les deux mondes. De même Ormuzd a fait tout ce qui est bon sur la terre, et ce qui n'est pas bon, c'est Ahriman qui l'a fait. Ainsi Ormuzd a créé l'homme, et Ahriman les maux, les maladies et la mort. Toutes les inimitiés et les événements fâcheux, les guerres pleines d'amertumes sont les œuvres du mauvais principe; et les choses heureuses, la puissance, la gloire, les honneurs, les avantages du corps, la beauté du visage, l'éloquence, la longévité, tout cela est le produit du bon principe. A tout ce qui est différent, il s'y trouve mêlé un élément mauvais.

« Tous ceux qui disent que Dieu a créé la mort, et que le mal et le bien procèdent de lui, sont dans l'erreur. Surtout les chrétiens, qui soutiennent que Dieu est susceptible de colère, qu'il a créé la mort, et soumis l'homme à cette punition, parce qu'il avait mangé une figue. Cependant si l'homme ne porte pas d'ordinaire cette haine à un autre homme, encore moins Dieu aux autres hommes; celui qui dit cela est aveugle et sourd; il a été séduit par les dews d'Ahriman.

« Il est encore une autre erreur que commettent ceux qui disent que Dieu, le créateur des cieux et de la terre, est

(*) Nom des mauvais génies, dont on croit retrouver le radical dans les mots diabolus, devil, etc.

descendu et est né d'une femme nommée Marie, dont le mari s'appelle Joseph. Beaucoup se sont égarés à la suite de cet homme. Si le pays des Romains est enseveli dans la plus profonde ignorance, et s'il s'est séparé de notre religion parfaite, c'est qu'il ne s'inquiète pas du mal qui peut en résulter. Pourquoi, vous autres, vous livrez-vous aux mêmes égarements? La religion que suit votre maître est aussi la vôtre, et nous cherchons à vous convertir, étant obligés de rendre compte un jour a Dieu de vous.

« Ne vous fiez pas à vos chefs que vous nommez Nazaréens, car ils sont très-fourbes; et ce qu'ils vous enseignent par leurs paroles, ils ne peuvent le réaliser par leurs œuvres. Manger de la viande, disent-ils, n'est pas un péché, et eux-mêmes refusent d'en manger. Il est permis de prendre une femme, disent-ils encore, et cependant ils refusent de regarder les femines. C'est un grand péché, selon eux, d'amasser des richesses; et ils estiment plus la pauvreté que l'opulence. Ils respectent la misère et ils condamnent les riches. Ils se rient de la fortune, et méprisent la gloire. Ils aiment les vêtements grossiers, et ils préfèrent ce qui est vil aux choses honorables; ils louent la mort et méprisent la vie; ils dédaignent d'avoir une postérité, et ils honorent le célibat. Si vous les écoutiez, et si vous vous éloigniez de vos femmes, la fin du monde viendrait promptement.

<< Mais je n'ai pas l'intention de vous mettre par écrit toutes leurs erreurs, car il y a encore beaucoup de choses qu'ils disent. Le pire de tout ce que nous vous avons écrit, c'est de prêcher aux hommes que Dieu a été mis en croix, qu'il est mort, qu'il a été enseveli, qu'ensuite il est ressuscité, et qu'il est monté aux cieux. N'était-il pas digne de vous de juger ici des doctrines aussi détestables? Les dews ne sont pas méchants; ils ne peuvent être ni prís, ni tourmentés par les hommes; bien moins encore le Dieu créateur de tous les êtres; choses absurdes, que nous rougissons de répéter. »

Les évêques, assemblés par le patriarche Joseph I", protestèrent contre cet édit, et demeurèrent, avec la masse de la nation, inébranlablement attachés à la foi chrétienne. Quelques princes apostasièrent. Cet exemple produisit d'heureux résultats, chose assez extraordinaire, car le peuple, indigné de cette lâcheté, court aux armes; le patriotisme est exalté par le zèle religieux, et les étrangers idolâtres sont repoussés. Les nombreuses forteresses dont les Persans avaient couvert le pays, sont détruites; et tout ce qui tombe sous la main des Arméniens est emmené en captivité, hommes, femmes et enfants. Les temples des mages sont renversés, et les ornements qui les décorent servent à embellir les églises du vrai Dieu. De cette manière, dit l'historien Élisée, à la place des idoles on vit briller la croix du Christ rédempteur, et tous les cœurs s'ouvrirent à l'espérance.

Comme la puissance des Perses était trop formidable pour que les Arméniens espérassent pouvoir résister seuls à de nouvelles attaques, et comme, d'un autre côté, ils savaient que l'humiliation des dernières défaites avait allumé chez leurs ennemis la soif de la vengeance, ils songèrent à chercher un appui et des défenseurs parmi les Grecs. Ils envoyèrent donc une ambassade à Constantinople. L'empereur Théodose expirait, et Marcien, son successeur, partisan trop zélé du concile de Chalcédoine, refusa de prêter son assistance à des schismatiques. D'après les conseils de quelques patriciens mal intentionnés, il envoya un ambassadeur à la cour de Perse, en lui recommandant de traiter secrètement avec le roi. Il promettait en outre de s'opposer à toutes tentatives d'insurrection des Arméniens. Ceux-ci ne furent point découragés par cette défection; réunis sous le commandement de Vartan, ils allèrent présenter bataille à l'ennemi sur les frontières de la Géorgie, et remportèrent une victoire complète. Le roi de Perse accourt venger la défaite de l'apostat Vasag, son général, et trouve Vartan dans les

plaines d'Artaxate. Vartan avait environ soixante-six mille hommes sous ses ordres, tous disposés à verser la dernière goutte de leur sang pour la conservation de leur foi et de leur patrie. Les évêques, les prêtres et les docteurs de la nation étaient venus se mêler aux troupes, non pour prendre une part active au combat, mais pour relever le courage des soldats par leurs exhortations.

Le 2 juin de l'année 451, les deux armées en vinrent aux mains. « La bataille, dit le même historien Élisée, se livra à la fin du printemps; et les prairies verdoyantes furent dévastées par la foule. Le cœur saignait à la vue des monceaux de cadavres; ajoutez à ce spectacle, les lamentations des blessés, le rôle des mourants, la fuite précipitée des lâches, des femmes; les gémissements des enfants, les plaintes des parents et des amis, et vous aurez encore une faible idée de cette scène déchirante. » Le brave général Vartan cueillit, dans cette journée, la palme du martyre; il périt au fort de la mêlée, et sa mort ne fit qu'exciter les adorateurs du feu, qui firent main basse sur tous ceux qui résistaient. Les débris de l'armée arménienne se réfugièrent dans une forteresse, que le manque de vivres et les assauts réitérés des Persans les forcèrent bientôt d'abandonner. Sept cents hommes se frayèrent un passage au travers de l'armée ennemie, et opérèrent leur retraite; le reste fut massacré.

L'apostat Vasag fut investi du gouvernement du pays; mais ses compatriotes rougirent de se soumettre à son autorité. Aussi les voyait - on déserter en foule les villes et les bourgades; l'épouse quittait sa couche, et le nouveau marié la chambre nuptiale; les vieillards étaient arrachés à leur demeure, et les petits enfants au sein de leurs mères. Les jeunes hommes et les jeunes filles fuyaient dans les retraites inaccessibles des montagnes. Vivre à la manière des bêtes sauvages au fond des antres, leur paraissait préférable à une vie tranquille dans leurs demeures, achetée au prix de l'apos

tasie. Ils se nourrissaient, sans murmurer, d'herbes et de racines, oubliant leurs mets accoutumés: et les voûtes de leurs souterrains leur semblaient aussi douces à habiter que de riches appartements lambrissés. Les chants qu'ils faisaient entendre étaient les psaumes, et l'Écriture sainte était leur lecture. Chacun se tenait lieu à soi-même de temple et de pontife; leur corps était le saint autel, et l'âme la victime de l'holocauste. Ils supportaient avec calme la perte de leurs biens; et jamais il ne revenait à leur mémoire qu'autrefois ils les avaient possédés. Toutes leurs espérances étaient en Dieu; et la seule demande qu'ils lui faisaient, c'était qu'il ne les exposât pas à devenir les témoins de la ruine de sa sainte Église.

Telle est la peinture touchante que les historiens contemporains nous font des malheurs de l'Arménie; et cependant ils n'étaient en quelque sorte que le prélude de plus effroyables désastres qui ne cessèrent de l'accabler.

La famille des Vahan fournit de nombreux chefs distingués par leur valeur, et qui organisèrent contre la Perse une guerre sanglante de partisans. Ils réussirent à conférer la dignité de marzban à Sahag, de la famille des Pagratides; mais l'Arménie resta toujours soumise à la Perse; et le schisme religieux, alors croissant, favorisa les vues des Chosroès, en jetant de nouvelles semences de division entre les Grecs et les Arméniens.

« En ces jours, dit Jean l'historien, parut Mahomet, audacieux novateur, qui prétendait être envoyé de Dieu pour prêcher les vérités de la foi d'Abraham et de la loi de Moise. Injuste dans sa justice, déshonoré dans ses honneurs, parjure dans ses serments, ses offrandes ne pouvaient être agréées de Dieu, et sa pitié était cruelle. Cela devait être; jamais le fils de l'esclave n'a pu être l'héritier de l'enfant libre; et le fidèle n'a jamais pu céder ses droits à l'incroyant.

Les forces de l'Ismaélite étaient grandes, et il défit toutes les troupes de l'empereur Héraclius. Bientôt la

plaine de l'Ararat fut envahie; Tovin fut emportée d'assaut. Un nombre considérable d'habitants perdit' la vie. Trente-cinq mille furent vendus et emmenés dans la Syrie.

La force de la nation était totalement éteinte, quand le voile sombre du Sud fut déchiré, et qu'il s'éleva contre nous un vent mortel et brûlant, qui, desséchant toutes les jeunes plantes du jardin de notre Église, les flétrit de son souffle: alors, au bout de peu d'années, la race des Ismaélites, après avoir mis la confusion et le désordre dans le Nord, s'empara de tout le pays. A cette vue, Théodore et d'autres grands, saisis d'épouvante, se soumirent à ces brigands, faisant un pacte avec la mort et une alliance avec l'enfer. Ils avaient abandonné le parti de l'empereur, qui, après avoir rassemblé une armée nombreuse, vint en diligence en Arménie pour les soumettre. Il ne trouva d'obéissants que les Géorgiens, ce qui redoubla la colère de Constantin, en sorte qu'il pensait à exterminer notre pays. Heureusement les supplications du patriarche Nersès changèrent la résolution du roi, qui vint avec des sentiments pacifiques dans la ville de Tovin, et prit son logement dans le palais patriarcal (*).

Après un ou deux engagements, les Arabes restèrent maîtres de l'Arménie, et prirent pour otages les femmes, les fils et les filles de tous les princes du pays. Théodore accompagna les Arabes en Syrie avec toute sa maison, et il y mourut. Son corps fut rapporté et déposé dans le tombeau de ses ancêtres. Lorsque le patriarche Nersès eut appris sa mort, et qu'il ne vit plus le pays inquiété par les Arabes, il retourna à son siége, et, de concert avec les grands, il nomma prince de l'Arménie Hamazasb, Mamigonéan, homme qui, outre son amour pour les lettres, et son instruction variée, s'efforçait encore de compléter la gloire de la valeur de ses ancêtres.

Affranchis du joug onéreux et dur des Arabes, les Arméniens se sou

(*) Jean, patr., pag. 147, 162.

au

mirent à l'empereur, à qui Nersès demanda qu'Hamazasb fút créé curɔpalate et gouverneur de l'Arménie. Înformé de cela, l'émir fit massacrer tous les otages des Arméniens, nombre de plusieurs mille. A partir de ce jour, l'esprit de discorde fut suscité par Dieu, et jeté au milieu du camp des Arabes, qui se levèrent les uns contre les autres; et, tirant leur glaive, firent entre eux un horrible carnage. L'émir lui-même fut tué, et on lui en substitua un autre (*).

Les troupes arabes d'Egypte, en faisant leur paix avec l'empereur, embrassèrent la foi chrétienne; et seize mille environ recurent le baptême. Mava, élu général, après le meurtre de l'autre émir, eut la domination universelle des Arabes, et il fit régner la paix dans tout son empire.

Hamazasb, après avoir été revêtu trois années de la dignité de curopa late, arriva au terme de sa carrière, mourut, et fut réuni à ses pères.

Sempad le Pagratide prit en main le commandement. Alors Merwan fut envoyé dans l'Arménie comme osdigan (**), et il livra de fréquents combats à la nation. Tous ceux qu'il prenait, il les tuait et les mettait en pièces surle-champ. L'île de Sevan, située dans le lac de Khegham, ne fut pas emportée dès la première attaque, mais un ou deux ans plus tard. Elle leur fut livrée, et tous ceux qui se trouvaient dans la forteresse furent emmenés captifs; et, après avoir pris tout le butin, ils la détruisirent de fond en comble.

L'an 85 de l'ère des Arabes, Abd-elMelek était calife. Ses troupes qui étaient en Arménie mirent tout à feu et à sang, comme si le démon avait soufflé en eux sa rage. Au moyen de promesses trompeuses, de fausses espérances et d'autres séductions, on parvint à réunir dans un même lieu les corps formés de la noblesse à cheval, et ils inscrivirent leurs noms dans le

(*) Jean, patr., pag. 163, 174.

(**) L'osdigan était un préfet ou proconsul, chargé de régir le pays dont il recevait le gouvernement au nom du calife.

tribunal, comme si l'on devait leur distribuer la solde annuelle. Ensuite, lorsqu'ils furent désarmés, on les renferma dans l'église de la ville de Nakhdchivan; puis, ayant muré les portes avec des briques, on leur boucha ainsi toutes les issues. Ces infortunés, se voyant surpris, chantèrent le cantique des enfants de la fournaise, tandis que leurs impitoyables bourreaux, après avoir enlevé le toit de l'église, la remplirent de feu, dont les flammes s'élevèrent avec plus de furie que celles de Babylone, au moyen des matières inflammables, du toit en bois de l'église, et des briques ardentes que l'on versait sur eux; et cependant leur cantique d'actions de grâces ne cessa qu'avec le dernier soupir. Ces barbares, pour se délivrer de la crainte que leur inspirait des soldats aussi braves, firent prisonniers ceux que le feu avait épargnés, et les conduisirent à Tovin, d'où ils les envoyèrent sous bonne escorte à Damas (*).

Abd-el-Melek eut pour successeur au califat son fils Velid, qui, étant mort au bout de peu de temps, fut remplacé par son frère. Puis vint Omar, qui fit tourmenter cruellement Vahan, lequel, après avoir fait les plus belles actions pour le nom du Christ, reçut à Houroudjaph, ville de Syrie, la couronne du martyre.

Les funestes effets de l'esprit de parti, qui, dans les matières religieuses, dégénère toujours en fanatisme, sont bien sensibles dans ce fait rapporté par le même historien, avec un air d'approbation tacite, bien qu'on voie des chrétiens recourir à l'intervention des musulmans pour sévir contre d'autres chrétiens. « Pendant qu'Élie était patriarche, dit Jean, un certain Nersès, archevêque d'Albanie, égaré par un orgueil impie, se déclara le partisan de la secte de Chalcédoine; et, ayant gagné la princesse qui était alors chargée du gouvernement de cette province, ils travaillaient de concert à précipiter le pays dans la scandaleuse hérésie de Léon, qui fait

(*) Jean, patr., pag. 163, 174.

de Jésus-Christ un homme. Ce fait étant venu à la connaissance des grands, ils en avertirent le grand patriarche Nersès, qui, malgré le zèle qu'il déploya, et les nombreuses lettres qu'il leur envoya à deux reprises diverses, pour leur expliquer la vraie foi, ne put les ramener de leur funeste erreur. Alors le patriarche, mettant à exécution les conseils de sa sagesse et de sa longanimité, écrit une lettre au calife Omar, dont voici la teneur : « Nous avons dans notre pays un prélat et une princesse qui, sortis des voies de la soumission qu'ils doivent à Votre Majesté, refusent aussi de nous obéir, à nous qui mentionnons toujours votre nom dans nos prières, tandis qu'eux cherchent à soumettre notre pays au roi de la ville de Rome; et, si vous ne vous empressez de les enlever d'ici, ils s'entendront avec les Romains pour ce qui regarde les tributs et les autres règlements. » En recevant cette lettre, le calife traita avec la plus haute distinction l'envoyé du patriarche; et lui-même lui dépêcha le chef de ses eunuques, avec l'ordre de lui amener sur-le-champ les deux coupables. Lorsqu'il fut venu en Arménie, il s'empara de leurs personnes, les chargea de fers, et, les faisant monter sur des chameaux, il revint vers le calife. Ainsi la pru dence du patriarche éloigna de son troupeau la mort spirituelle, en faisant punir Nersès et la princesse. Ensuite il consacra un autre archevêque, et le mit à la place de l'hérétique.

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Vers ce temps, le calife envoya comme osdigan de l'Arménie un certain Échid, qui, arrivé dans la ville de Nakhdchivan, nomma dans chaque province des commandants et des gouverneurs. Lorsqu'il eut soumis la province de Pakrevan, il y établit pour préfet un de ses favoris, lequel étant venu dans le couvent de Saint-Grégoire, situé en ce canton, y fixa sa résidence. Il avait été frappé de la beauté et de la magnificence de tous les objets d'or et d'argent servant au culte des autels, des couleurs vives et variées du rideau du sanctuaire et des vêtements saccr

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