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délicatesse qui va jusqu'à la défi

Ros. Ah, plût au Ciel!.... Zil. Voyez-vous comme elle seance, est un tourment pour celle corrige!.... Elle vient de louer qui l'éprouve, et la plus mortelle votre raison, mais au fond du injure pour l'objet qui l'a fait naître. cœur, elle voudrait vous voir par-Songez-y bien, chère Rosine, et répétez-vous chaque jour, que l'amitager sa folie.... Amél. Non, non, Rosine a trop tié ne peut exister sans l'estime et sentir que la la confiance. d'esprit pour ne pas

LE BAL D'ENFANS; OU, LE DUEL.

PERSONNAGES.

Le Baron.

Théodore, Fils du Baron, âgé de douze ans.
L'Abbé, Gouverneur de Théodore.

Le Chevalier de Verville, âgé de treize ans.
Champagne, Laquais de Théodore.

La Scène est à Paris, chez le Baron.

ACTE I-SCENÈ I.

Le Bar. Cela est incroyable; il

Le Théâtre représente un salon. n'aimait pas la danse l'année pa

On doit voir un canapé dans fond du salon.

L'Abbé. Oh bien à présent, c'est lessee... Il s'est levé son goût dominant. ce matin avant moi: et avant de songer à déjeuner, déjà il avait dansé trois fois la cosaque.

Le Baron, L'Abbé. Le Bar. Le grand salon est-il arrangé pour le bal?

Le Bar. Cela n'est pas naturel:

L'Abbé. Oui, monsieur, les banquettes sont posées, le buffet est il y a quelque chose là-dessous!.. dressé, tout est prêt.

L'Abbé. (riant). Eh, vraiment oui, il y a quelque chose là-de

Le Bar. Que fait mon fils?
L'Abbé. Champagne le coiffessous!..

pour la troisième fois du jour.

Le Bar. Qu'est-ce que c'est,

Le Bar. Fi donc! comment l'Abbé? Contez-moi cela. souffrez-vous cela?

L'Abbé. C'est que mademoiselle L'Abbé. Que voulez-vous, mon- Amélie vient ce soir au bal; c'est sieur? Ce bal que vous donnez, que mademoiselle Amélie est charlui tourne la tête: il veut, dit-il, mante, et qu'elle danse la cosaque danser ce soir la cosaque! il saute, à merveille..

il se demène, se met en nage, en

Le Bar. Bon!.... Vous croyez

répétant cette maudite cosaque; que c'est là le motif?....

on est obligé de le recoiffer d'heure

Il

L'Abbé. Oh, j'en suis sûr.

Le Bar. C'est un cœur bien

en heure, et même de le changer aime mademoiselle Amélie de tout de chemise: je n'ai jamais rien vu son cœur. de pareil: il est comme un fou.

pressé: songez-vous que Théodore tout dire.... Tenez, entre nous... n'a que douze ans ? vous allez rire; mais c'est que

L'Abbé. Je vous assure qu'il vous connaisez bien mademoiselle parle des talens et des grâces de Amélie ?.... mademoiselle Amélie, comme s'il

en avait dix-huit.

L'Abbé. Oui....

Champ. Eh bien, c'est elle qui

Le Bar. Il parle, dites-vous; est la cause de toutes les gambades ah, cela est de trop: il faut luide M. Théodore...Il n'y a plus apprendre à se taire. Puisqu'il d'enfant....

veut se donner les airs d'aimer, il L'Abbé. Qu'est-ce qui vous perfaut qu'il commence par devenir suade cela?

discret. Mais j'ai quelques ordres Champ. Pardi, cela est clair à donner; l'Abbé, attendez-moi comme le jour.... Je m'en doutais ici, je reviendrai dans un moment.depuis trois semaines, mais au(Il sort.) jourd'hui j'en suis certain.

Il a

L'Abbé. (seul.) Le bon père!..fait des vers ce matiu, où il dit et une tendresse pour son fils si qu'il aimera toute sa vie la charclairvoyante, si bien entendue....mante Amélie, il y a cela....c'est qu'un gouverneur est heureux, un enfant qui a un esprit! Il a quand le père de son élève le se- oublié ses vers sur une table, et je conde ainsi! C'est la vertu ou la les ai lus; et puis il a envoyé folie des parens, qui fait les bons chercher tout-à-l'heure le maîtreou les mauvais instituteurs•••

SCÈNE II.

L'Abbé, Champagne.

d'hôtel, pour le prier de faire des glaces à l'ananas, parce que mademoiselle Amélie les aime....et puis, il a toujours dans sa poche une rose artificielle, que mademoiselle Amélie a perdue au dernier

L'Abbé. Ah, Champagne.... bal; enfin, il ne pense qu'à elle; enfin, monsieur Théodore a-t-il c'est bien drôle.......... achevé sa toilette?

Champ. Oui, monsieur; et je viens vous prévenir que je lui ai ditil que vous le demandiez, parce que s'il reste un quart-d'heure livré à lui-même, la cosaque ira son train. L'Abbé. Il m'a cependant promis qu'il se tiendrait tranquille.

L'Abbé. Paix, je l'entends. Champ. Tenez, je vous le disais, chante la cosaque.

SCÈNE III.

L'Abbé, Théodore, Champagne.

L'Abbé. Champagne, laissez

(Théodore entre en chantant).

Champ. C'est plus fort que lui. Pendant que je le coiffais, il la nous. (Champagne sort) chantait, il battait la mesure, il se trémoussait....Oh, il m'a bien fait enrager anjourd'hui.

L'Abbé. Eh bien, monsieur, comme vous voilà déjà dépoudré? L'Abbé. Il fallait m'appeler. Théod. (faisant quelques pas de Champ. Monsieur, je vous en danse). Ce maudit pas! Je ne prie, ne lui parlez point de cela; l'attraperai jamais....

il ne mérite pas d'être grondé..

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L'Abbé. J'admire votre obéi

M. le Baron m'a ordonné de vous ssance,et la solidité de vos paroles

d'honneur....Je ne danserai plus, qu'on puisse recevoir, et que me disiez-vous; je vous le promets.. l'honneur impose l'indispensable Theod. (d'un ton piqué). C'est obligation d'exposer sa vie pour vrai, j'ai dit cela, mais je ne vous s'en venger?

Théod. Ah, je vous assure que

ai point donné ma parole d'honneur... Je ne manque point à nia dès à présent, excepté de mon parole d'honneur, M. l'Abbé. papa, je ne souffrirais un démenti

LAbbé. Ainsi, à moins d'un de qui que ce soit dans l'univers. L'Abbé. Vous vous battriez?.. serment, on ne peut compter sur vos protestations.... On ne doit Théod. Assurément, je me bapas prodiguer sa parole d'honneur; ttrais....Je n'ai que douze ans ; fait sa n'a-t-il pas on ne la donne que dans les occa-mais mon papa sions extraordinaires; par consé-première campagne à douze ans? quent, habituellement, dans le Ainsi, dès qu'à cet âge on peut cours commun de la vie, je ne vous bien servir le roi, on peut se battre aussi pour sa querelle parcroirai plus. Théod. Vous ne me croirez ticulière.... Un boulet, une épée, tout cela est égal....cela tue, ou plus!....

L'Abbé. Ai-je tort? Je vous en cela fait honneur, tout de même. fais juge.

L'Abbé Cela tue tout de même; ́ mais l'honneur est différent : il y a

Théod. Mais... L'Abbé. Et je ne vous cache un peu plus de gloire à combattre pas, que prenant ainsi l'habitude pour sa patrie et son roi, qu' se de douter de votre véracité dans battre contre un de ses compatriles petites choses, vous me per-otes. Il faut une grande réunion suaderez moins facilement dans les de choses, pour qu'un duel ne soit grandes, et votre parole d'honneur pas très-blamable aux yeux des fera moins d'impression sur moi gens éclairés. L'humanité et les que n'en fesait autrefois la plus lois le condamnent également; et véritablement quand ce n'est pas simple promesse. Theod. C'est me dire, M. l'Abbé, l'honneur qui le prescrit, il n'est que vous n'avez plus d'amitié pour plus qu'un honteux égarement moi.... Quand on aime quelqu'un, produit par la folie et la férocité. Theod. Mais quand la cause est on ajoute foi à ses paroles.... Moi,

je crois tout ce que vous me dites, bien juste?

et....

L'Abbé. On fait alors son dévoir, Mais L'Abbé. Mais, vous ai-je jamais et l'on a l'intérêt et l'approbation de tous les honnêtes gens. trompé ? cela est si rare!....On peut avoir Théod. Oh, non•••• L'Abbé. Vous me croyez tou-un sujet indispensable de se battre, jours, et pourtant je ne vous ai sans avoir la justice de son côté. jaimais donné ma parole d'honneur Théod. Comment cela?

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Sachez donc, monsieur, que le

L'Abbé. Pour un démenti, par oui et le non d'un honnête homme exemple, si celui qui le reçoit l'a et s'il est menteur et valent tous les sermens du monde. mérité ; La vérité n'est-elle pas la première brave, il se battra, et fera bien, de toutes les vertus, puisqu'un dé-puisqu'il n'y a pas là-dessus d'autre Mais qu'en menti est le plus horrible affront parti à prendre.

résultera-t-il ?. Il prouvera seule- Théod. Mon Dieu! Monsieur ment, qu'il n'est pas lâche; il n'en l'Abbé?

conservera pas moins au fond de L'Abbé. Eh bien, vous avez les l'âme le remords affreux d'avoir larmes aux yeux; que signifie mérité une imputation déshono- ceci?

rante. Il n'en gardera pas moins Théod. En me rétractant tout sa réputation de menteur; en se de suite, appellerez-vous cela avoir battant, il se vengera, mais ne manque à ma parole?

pourra se justifier. Vous convien- L'Abbé. Une prompte réparadrez que ce n'est pas là une cause tion, bien franche et bien claire, qui puisse faire honneur.

Jefface tout.

Théod. Je comprends bien cela. Théod. Papa.... c'est que.... M. l'Abbé je vous donne ma pa-en effet je n'aime pas les glaces role d'honneur que je serai toujours d'ananas; cela m'est égal, pour de la plus grande vérité jusques moi, qu'il n'y en ait pas....mais dans les plus petites choses, et que....pourtant je suis fâché.... mes oui et non vaudront les vôtres. parce que l'autre jour plusieurs L'Abbé. Voilà un engagement demoiselles chez ma tante en dequi me fait un grand plaisir, et je mandèrent....et voilà pourquoi le regarde comme inviolable.

Théod. Ah, voici papa.

SCENE IV.

Le Baron, L'Abbé, Théodore.

rien?

....

je désirais qu'il y en eût ce soir.

Le Bar. Il ne fallait donc pas dire que cela vous était égal.

Théod. Mais cela m'est bien égal, pour moi, papa; c'est ce que je voulais dire.

Le Bar. Théodore, je vous Le Bar. Ah, Théodore, point cherche pour vous dire une fâcheuse de détours; voyez à combien de nouvelle; c'est qu'on n'a pas pu fautes une première faute vous trouver d'ananas; ainsi les glaces entraîne. Vous n'avez d'abora que vous aviez commandées. fait qu'un léger mensonge, causé Théod. Oh, papa, cela est égal..par l'embarras; et à présent, pour Le Bar. Cela ne vous fait donc vous excuser, vous employez avec moi la fausseté et la dissimulation: Théod. Non, papa.. pourquoi ces frivoles artifices? II Le Bar. J'ai peine à me le per-y a tant de courage et de noblesse reconnaître ingénument ses L'Abbé. Oh, dès que monsieur fautes. Théodore dit non, vous pouvez le Théod. Eh bien, papa, je vous croire, monsieur; un non dans sa ai dit non d'abord mal-à-propos; bouche a toute la force d'un ser- mais cela m'est échappé, et au même instant j'ai eu l'intention de Le Bar. Ah, tant mieux, mon me dédire. fils; qu'il m'est doux de vous

suader.

ment.

de tels principes!

Theod. Papa!....

voir

L'Abbé. Ce qui est d'autant mieux, que vous nous aviez persuadés. On justifie la confiance qu'on

Le Bar. Qu'avez-vous, mon inspire, quand on est incapable d'en ami? Pourquoi donc cet air abuser.

triste?

Le Bar. Allons, Théodore, vous

Le Bar. On dit que vous êtes

renez de vous expliquer avec franchise, tout est oublié. Mais, dites-très-occupé d'elle; vous répétez moi, quelles sont donc ces demoi-sans cesse son nom; vous faites selles qui aiment tant les glaces son éloge à tout le monde; vous vous en entretenez avec tout ce qui d'ananas? Théod. (avec embarras et très-vous entoure; je suis le seul à qui bas.) Papa....c'est mademoiselle vous n'en ayez jamais parlé. SavezThéodore? vous ce que cela prouve, Amélie. Que vous oubliez qu'il ne vous est possible de faire un choix qu'avec mon aveu; que d'ailleurs, vous n'avez pas en moi la confiance qui Le Bar. Mais.... plusieurs de-m'est due, et que vous manquez de moiselles, disiez-vous? Pourquoi discrétion...

Le Bar. Hem, je n'entends pas.
Théod. Mademoiselle Amélie.
Le Bar. Et les autres?....
Théod. Papa....voilà tout.

parliez-vous de plusieurs au lieu Théod. Oh, non, papa..je n'ai d'une seule? c'était par distraction de confiance qu'en vous et M. l'Abbé. apparemment?

Théod. Non, papa...c'était ex

près.

L'Abbé. Il est vrai, monsieur, que vous m'avez beaucoup parlé de mademoiselle Amélie; mais je ne

Le Bar. Et à quoi bon cela? Theod. Parce que je n'osais par- puis me dissimuler que vos plus ler de mademoiselle Amélie toute intimes confidences à cet égard ont été faites à Champagne, à Brunel, seule. Le Bar. Venez m'embrasser, à Bertrand, enfin à tous les gens de Théodore: voilà ce qui s'appelle la maison. Le Bar. Voilà de dignes confirépondre sans détour; si vous saviez à quel point cela me charme, dens! .... Ainsi tout le monde et combien cette candeur est ai-croit que mademoiselle Amélie vous mable! Mon enfant, vous avez une tourne la tête: on se trompe, Théâme honnête et pure, n'employez odore; si vous l'aimiez réellement, donc jamais de vains déguisemens; vous seriez plus discret, vous res laissons au vice le mensonge et la pecteriez davantage sa réputation. Theod. Ah, papa, elle ne m'a dissimulation, il en a besoin pour cacher sa difformité: mais un cœur jamais témoigné la moindre préfédroit abhorre jusqu'à l'apparence rence, et je l'ai bien dit. Le Bar. Si elle vous en avait de l'artifice; plus il est bon, plus il est franc; il aime enfin à se laisser montré, pourriez-vous en convenir? pénétrer par la flatteuse et douce certitude d'attacher mieux en se dévoilant.

Theod. Non, papa.

Le Bar. Ainsi donc vos protestations à cet égard ne font rien

Théod. Papa, je serai toujours pour elle; on peut penser que vous cachez le retour qu'elle vous avrai, je vous assure... Le Bar. A présent, mon fils, ccorde, par la certitude qu'en le conavouez-moi pourquoi vous avez tant fiant vous passeriez pour un fat et de repugnance à me parler de ma-un malhonnête homme. D'ailleurs, beaucoup de gens sont persuadés demoiselle Amélie.

Théod. En vérité je n'en sais pas qu'on n'a point la tête tournee pour
June femme, sans avoir de grandes

la raison....

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