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Le Chev. Monsieur, je suis plus

Le Chev. Mais si l'on doit recevoir des excuses, j'ai plus que fort et plus âgé que vous; je ne vous le droit d'en demander; c'est veux ni ne dois me battre avec un vous, monsieur, qui êtes l'aggre-enfant.

sseur.

tort.

manière.

pas...

....

Théod. Un enfant!.. Vous avez Théod. Et c'est vous qui avez treize ans, je suis dans ma treizième Jannée; ainsi nous sommes du même Le Chev. Mais quel tort?.... âge. Allons, encore une fois, fiThéod. On m'a dit que vous nissons et dépêchons-nous... aviez parlé de moi d'une certaine Le Chev. Mon épée est plus qui ne me convient grande et meilleure que la vôtre.. Théod. Je croirai que vous cherLe Chev. Cela est faux..No-chez des défaites, si vous refusez mmez-moi celui qui a inventé ce plus long-temps de vous battre. mensonge, c'est avec lui que je dois Le Chev. Non, j'ai à présent tout me battre. autant d'envie de me battre que Théod. Je ne vous nommerai vous en avez....mais je ne veux personne, j'en ai donné ma parole point d'avantage: troquons d'épées, d'honneur. et je me battrai sur le champ. Théod. Puisque vous croyez la mienne moins bonne, je dois la garder.

Le Chev. Oh bien je crois que cela n'est pas vrai, et que c'est un prétexte que vous imaginez.

Le Chev. J'ai déjà sur vous l'aA-vantage de la force.

Théod. Comment, monsieur, vous me donnez un démenti! Ilons, allons, l'épée à la main, vous plaît.

s'il

Theod. Et moi, j'ai celui de l'adresse; je fais des armes mieux que

Le Chev. Je sais très-bien la vous. Allons, mettez-vous en véritable raison de votre colère garde.

c'est que vous êtes jaloux de n'avoir pas dansé la cosaque...

Le Chev. Un moment....(Le Chevalier s'avance avec rupidité Théod. Monsieur, vous devinez vers Théodore, lui arrache son épée, fort mal: votre opinion m'est très-et lui jette la sienne). indifférente; mais je veux vous Théod. O Ciel! que faites-vous! faire connaître qu'elle n'a pas le Le Chev. Prenez mon épée; j'ai sens commun. Ainsi, apprenez que la vôtre à présent battons-nous. je respecte beaucoup mademoi- Théod. Je ne veux point de votre selle Amélie, mais qu'elle n'est point épée; rendez-moi la mienne.... du tout la personne que je préfère, C'est m'insulter, que de vouloir la et qu'en un mot, j'en aime une retenir.

autre.

Le Chev. Ramassez cette épée, Le Chev. Et depuis quand donc ? finissons; allons, défendez-vous... Théod. Oh, de tout temps.... Théod. Je ne me battrai qu'avec il y a plus de six semaines, avant des armes égales; et si vous êtes que je connusse mademoiselle A-réellement généreux, vous ne m'amélie. Mais terminons cet entre-ttaquerez pas, et vous ne me fortien; allons, monsieur finissons, cerez point à combattre d'une made grâce. Inière indigne.... Arrêtez un instant

il me vient une idée; toutes les cris rien; souvenez-vous que vous épées des danseurs sont sur ce ca-l'avez offensé, que vous l'aimiez napé, j'en vais choisir une pareille à autrefois, et dites-lui ce que votre la vôtre. cœur vous inspirera.

Le Chev. J'y consens.

Theod. Sij'osais, j'irais l'embra

Théod. Allons, dépêchons-nous. sser...

(Ils vont au canapé, et choisissent Le Chev. (allant à lui). Viens, une épée, en la mesurant à celle du mon ami.

Chevalier). Celle-ci est justement [Ils courent l'un à l'autre, et s'emsemblable. Ne perdons plus de brassent à plusieurs reprises.]

temps.

Le Chev. De tout mon cœur. (Ils se mettent en garde. Dans cet instant, la porte du cabinet s'ouvre, le Baron et l'Abbé paraissent).

SCÈNE IX.

L'Abbé. (au Baron). Les charmans enfans!....

Le Bar. A présent, Théodore, venez aussi recevoir mon pardon, |(Il lui tend la main, Théodore la baise) car vous avez cruellement loffensé mon cœur: vous m'avez promis une entière confiance, et vous prenez la résolution de vous battre sans m'en faire part, sans me consulter!.. Et sachant même que votre ressentiment était aussi Théod. Ciel..c'est mon papa!.. bizarre qu'injuste, la certitude de Le Bar. (se mettant au milieu m'affliger mortellement n'a pu vous d'eux). Théodore, et vous, mon retenir.... Mais tout est oublié ; je cher Chevalier, voulez-vous bien me flatte que cette aventure vous consentir à me prendre pour ar-fera connaitre à quel point vous devez craindre vos premiers mou

Le Baron, L'Abbé, Le Chevalier,
Theodore.

bitre?....

mieux.

Le Chev. Ah, je ne demande pas vemens, et que désormais vous travaillerez avec ardeur à modérer L'Abbé. Et qu'en dit M. Théo-l'impétuosité de votre caractère.. dore? Theod. Oui, papa, à l'avenir, Théod. J'attends les ordres de vous y pouvez compter, je ne ferai papa; j'y suis soumis d'avance. plus rien sans vos conseils.. Vous

Le Bar. Eh bien, puisque vous êtes si bon, si juste, qu'il faudrait me prenez pour juge, je vais pro-que je fusse bien ingrat, pour avoir noncer. Tout le tort est du côté de la répugnance à vous toutconde mon fils: je me flatte qu'il le fier; quand j'aurai envie de faire sent à présent, et qu'il cherchera une étourderie, je viendrai vous le les moyens de réparer son impru-dire sur le champ, et vous n'aurez dence, son emportement, et son jamais de peine à m'en détourner; injustice. car je vous assure, que lorsque je Théod. Oui, papa, je reconnais vous écoute, je suis presque aussi ma faute; je vous supplie de me raisonnable que vous. la pardonner, et de me dicter les Le Bar. Maintenant, mes enexcuses que je dois à M. le Cheva-fans, retournez au bal. lier de Verville. Le Bar. Non, je ne vous pres-point parler de cette petite avenprie, mon cher Chevalier, de ne

Je vous

ture; elle vous donnerait un ridi- Le Chev. Viens, mon cher Thécule à l'un et à l'autre; votre duel odore, et, je t'en prie, ne nous prouverait que vous n'avez même brouillons plus. (Il se prennent pas la raison qu'on doit avoir à sous le bras, et s'en vont ).

douze ans.
dresse nécessaire pour combattre;
vos corps sont faibles, vos principes
sont encore incertains; vos notions
sur le point d'honneur ne peuvent
être qu'imparfaites: enfin, sachez

Vous n'avez point l'a

SCENE X. et dernière.

Le Baron, L'Abbé.

que dans un enfant, l'unique espèce Le Bar. Eh bien, l'Abbé, êtesde courage qui promette pour l'a- vous fâché à présent que j'aie tenté venir, c'est de supporter les mala- cette épreuve ?

dies et la doulenr avec patience et L'Abbé. Vous êtes un heureux sans se plaindre: c'est surtout de père, et vous le méritez bien. Je savoir maîtriser ses fantaisies, gar- ne puis vous peindre le plaisir que der ses résolutions, et se corrigerje trouvais à vous regarder quand de ses défauts. La bravoure, qui nous étions dans ce cabinet; quelle n'a point pour base cet empire ab. satisfaction, quelle joie éclataient solu sur soi-même, n'est qu'un in-sur votre visage pendant la questinct aveugle, et souvent dange-relle de ces deux aimables enfans! reux; mais le vrai courage vient de Qu'il est attendrissant, qu'il est l'âme: celui-là seul, invariable au- doux de contempler les mouvemens tant qu'intrépide, peut conduire à expressifs de la physionomie d'un la gloire, et fait également les héros père satisfait! Oui, c'est voir l'image et les sages. Théodore, nous re-la plus parfaite du bonheur le plus prendrons cet entretien: il est tard: pur qui soit sans doute sur la allez, mes enfans, dans le bal; j'irai terre. bientôt vous rejoindre....

Le Bar. Mais, parlons de ces Le Chev. Monsieur, permettez-enfans; parlons-en, mon cher Abbé: moi une question: Vous étiez dans que de courage, de générosité, de ce cabinet, vous nous avez donc délicatesse, que de qualités enfin entendus? ils ont montrées dans le court Le Bar. Oui.... espace d'une demi-heure!.... Mon Le Chev. Eh bien, puisque vous fils!....comme son cœur est noble savez ce que j'ai dit au sujet de et sensible!.... Cette crainte de mademoiselle Amélie, je puis vous m'affliger, qui le troublait au milieu en parler, et c'est pour vous prier de son dépit et de sa colère.... de demander encore la cosaque, afin Vous rappelez-vous de quel ton il que Théodore la puisse danser aussi. a dit qu'il voulait bien ne point se Theod. Mais, non; je ne m'en battre à cause de moi?.... soucie pas; je vous assure.... L'Abbé. Rien ne m'est échappé,

Le Chev. Eh bien, ce sera par soyez-en sûr complaisance pour moi.

Le Bar. Théodore aura

Le Bar. Convenez qu'il justifie cette bien ma tendresse... Mais, mon

générosité; allez, mes amis, je vous cher Abbé, si cette tendresse pa

suis dans l'instant.

Théod. Allons, chevalier.

ssionnée m'aveugle jamais, éclairezmoi, je vous en conjure: hélas! ce

n'est que pour l'intérêt de cet en-voir le père du chevalier, pour lui fant si cher que je craindrais de conter cette charmante histoire. Il m'abuser.... Ah, préservez-moi du est au bal, allons le chercher. malheur affreux de gâter, par une L'Abbé. De grâce, que je sois faiblesse coupable, votre ouvrage et présent à cet entretien. Mais auparavant, faites demander la cole mien ! L'Abbé. Non, cet ouvrage ne saque pour notre aimable Théodore. peut être que perfectionné; il fera Le Bar. Oh, cela est trop juste. la gloire et les délices de votre vie, Venez, mon ami.

n'en doutez pas.

Le Bar. Je meurs d'envie de

[Ils sortent].

L'ENFANT GÂTÉ.

PERSONNAGES.

Mélanide, Veuve.

Lucie, Nièce de Mélanide.

Dorine, Maîtresse de Musique et de Dessin de Lucie,
et logeant chez Mélanide.

Toinette, Fille d'une Femme de Chambre élevée,
avec Lucie.

La Scène est à Paris chez Mélanide

ACTE I.

SCENE PREMIÈRE.

Le Théatre représente un Cabinet d'Etude; on y voit des Livres, des Globes, des Sphères, &c.

Mélanide, Dorine.

Mél. Il y a long-tems, ma chère cacher ce que je pense: et, d'aDorine, que j'ai envie d'avoir une illeurs, madame est si pénétrante.. Mél. Moi! point du tout. Voilà conversation un peu détaillée avec

Vous

sur ma nièce; je veux que précisément ce que je ne suis pas; vous me parliez franchement. Je et puis la dissipation dans laquelle vous ai mise auprès d'elle, non je vis, me laisse-t-elle le tems de seulement pour cultiver son cœur et réfléchir?.... J'aime le monde; son esprit, et lui donner des talens mais j'aime encore mieux ma nièce, agréables, mais surtout pour me et si j'avais moi-même plus d'indire la vérité, et m'aider à la co-struction, j'aurais tout quitté avec joie pour me consacrer entièrement nnaître. Dor. J'ai le défaut de ne pouvoir à l'éducation de Lucie.

Dor. Personne n'est plus en état plus jolie. On pense alors avec que madame.... tant de plaisir que des amis valent Mel. Non, je me rends justice; mieux que des admirateurs! je n'ai nul talent, je ne sais rien; Dor. Madame a un fond de moj'ai eu des maîtres dans ma jeu- rale qui me charme toujours. nesse, mais je fus élevée dans un Mel. J'espère que Lucie, inscouvent: voilà la meilleure excuse truite, élevée par vous, en aura daque je puisse donner de mon igno-vantage encore. L'étude et la lecrance. Enfin, Lucie m'est chère ture donneront à son esprit ce qui au-delà de l'expression: je suis manque au mien.

veuve, je n'ai point d'enfans, elle Dor. D'autant mieux qu'elle a est ma seule héritière. je ne veux une application, une mémoire.... pas qu'elle puisse me reprocher un et un goût naturel...

jour la négligence dont mille fois au Mél. Oui, elle a beaucoup de fond du cœur je n'ai pu m'empêcher goût; cela se voit dans les plus ped'accuser mes parens à mon égard. tites choses....Je crois qu'elle se Dor. Mademoiselle Lucie est mettra fort bien.... Elle se coiffe bien digne de votre tendresse; elle déjà avec grâce..mais je ne croyais est charmante. pas qu'elle fût très-appliquée. Mél. Voilà ce que vous lui ré- Dor. Ah! trop peut-être pour pétez sans cesse, et ce que je lui sa santé, car elle a des nerfs d'une dis souvent moi-même; et nous délicatesse.. avons tort, nous la gâtons.

Mél. Elle tient cela de moi.. Dor. Ah! madame, ce n'est pas mais vous m'assurez toujours que un caractère comme le sien qu'on vous êtes enchantée d'elle, qu'elle peut gâter. apprend à merveille; et cependant,

Mél. Il est vrai qu'elle est plus que sait-elle? formée qu'on ne l'est ordinairement Dor. Elle est si jeune..

à son âge.... Par exemple, sa fa- Mél. Quand j'assiste à vos lecilité à contrefaire tout le monde, çons, je vous avoue que sa disest une chose que je n'ai vue qu'à traction et votre indulgence m'imelle. patientent toujours.

ans.

Dor. Et elle n'a pas quatorze Dor. Mais, madame, je vous en ai déjà expliqué les raisons; votre Mél. Il est certain qu'elle pro-présence l'intimide ou l'occupe; met beaucoup; mais je voudrais elle vous regarde, pense à vous, qu'elle joignît à tous ses agrémens et....

naturels de grands talens et un bon Mél. Ma chère Dorine, vous me cœur. Sans talens on s'ennuie; flattez:

moi je l'éprouve. Recevoir et faire Dor. Mon Dieu, madame, tenez, des visites, est un plaisir dont on encore hier j'ai grondé mademoise lasse si promptement! Et voilà selle sur ce qu'elle avait mal joué cependant la plus grande ressource du piano devant vous; elle m'a des personnes désœuvrées. Enfin, répondu : C'est que ma tante était je lui désire une âme sensible, parce vis-à-vis de moi, et je pensais qu'il que sans elle on ne jouit de rien, n'y a pas dans le monde de plus et que c'est toujours une excellente beaux yeux que les siens, de plus chose à retrouvrer quand on n'est expressifs, de plus brillans.

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