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prus criminelle. Il est juste qu'un Vraiment oui, mon papa, réponenfant, instruit des ordres de Dieu dit Albert: il y aurait alors bien et de ceux de son père, soit double-plus de maisons qu'il n'y en a. ment puni, lorsqu'il a l'indignité de les enfreindre.

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As-tu bien pensé, répondit M. Durand, à ce que tu me dis-là, mon fils? Sais-tu combien d'arts et de métiers appartiennent à la construction d'une maison comme celle-ci ? Il faudrait donc qu'un homme seul qui en entreprendrait l'édifice, se formât dans toutes ces professions,

M. Durand se promenait un jour en sorte qu'il passerait sa vie enavec le petit Albert, son fils, surtière à acquérir ces diverses coune place publique. Ils s'arrêtè-nnaissances, avant de pouvoir être rent devant une maison qu'on bâ- en état de commencer un bâtiment. tissait, et qui était déjà élevée jus- Mais supposons qu'il pût s'inqu'au second étage. struire en peu de temps de tout ce

Albert remarqua plusieurs ma-qu'il doit savoir pour cela. Voyonsnœuvres placés l'un au-dessus de le tout seul, et sans aucun secours, l'autre, sur les bâtons d'une échelle: creuser d'abord la terre pour y jeils haussaient et baissaient succes-ter ses fondemens, aller ensuite sivement leurs bras. Ce spectacle chercher ses pierres, les tailler, g^piqua sa curiosité. Mon papa, s'é- cher le mortier, le plâtre. et la cria-t-il, quel jeu font ces hommes-chaux, et préparer tout ce qui doit là? Approchons-nous un peu plus entrer dans sa maçonnerie. I du pied de l'échelle. voilà qui, plein d'ardeur, dispose

Ils allèrent se placer dans un en-ses mesures, dresse ses échelles, Aroit où ils n'avaient aucun danger à établit ses échafauds; mais dans craindre. Ils virent un homme qui combien de temps penses-tu que sa allait prendre un moellon dans un maison puisse étre élevée jusqu'au gros tas, et le portait à un autre toit?

homme, placé sur le premier éche- Albert. Ah! mon papa, je crains lon. Celui-ci élevant ses bras au-bien qu'il ne vienne jamais à bout dessus de sa tête présentait le mo- de l'achever.

ellon à un troisième élevé au-de- M. Durand. Tu as raison, mon ssus de lui, lequel, par la même opé-fils: et il en est de cette maison ration le fesait passer à un quatri- comme de tous les travaux de la ème, et ainsi de main en main, le société. Lorsqu'un homme veut moellon parvenait, en un moment, se retirer à l'écart, et travailler à la hauteur de l'échafaud, sur le- pour lui seul; lorsque, dans la quel étaient les maçons prêts à crainte d'être obligé de prêter ses l'employer. secours aux autres, il refuse d'en Que penses-tu de ce que tu vois? emprunter de leur part; il ruine ses dit M. Durand à son fils. Pourquoi forces dans son entreprise et se tant de personnes sont-elles em-voit bientôt contraint de l'abandoployées à bâtir cette maison? Ne se-nner au lieu que si les hommes se rait-il pas mieux qu'un seul homme prêtent mutuellement leur assisy travaillat, et que les autres a-tance, ils exécutent en peu de temps Ilassent faire chacun son édifice? les choses les plus compliquées et

les plus pénibles, et pour lesquellesmirent en devoir d'exécuter leur il aurait fallu le cours d'une vie en- projet. Le succès en fut heureux. tière à chacun d'eux en particu-Ils trouvèrent dans le nid trois pelier. tits. Le père et la mère jetaient

Il en est de même encore des plai-des cris plaintifs, en se voyant ensirs de la vie. Celui qui voudrait lever leurs enfans, qu'ils avaient en jouir tout seul, n'aurait à se pro- pris tant de peine à nourrir; mais curer qu'un bien petit nombre de Robert et ses sœurs étaient si transjouissances. Mais que tous se ré-portés de joie, qu'ils ne firent auunissent pour contribuer au bon-cune attention à ces plaintes. heur les uns des autres, chacun y Il se trouvèrent d'abord un peu trouve sa portion. embarrassés sur l'usage qu'ils deTu dois un jour entrer dans la vaient faire de leurs prisonniers. société, mon fils: que l'exemple Adeline, la plus jeune, d'un caracde ces ouvriers soit toujours pré-tère doux et compatissant, voulait sent à ta mémoire. Tu vois com- qu'on les mit dans une cage. Elle bien ils s'abrègent et se facilitent se chargeait d'en avoir soin, et de leurs travaux par les secours mutu- leur donner tous les jours leur nouels qu'ils se donnent. Nous repa- rriture. Elle peignit vivement à sserons dans quelques jours, et nous son frère et à sa sœur le plaisir verrons leur maison achevée. qu'ils auraient de voir et d'entendre Cherche donc à aider les autres ces jeunes oiseaux, lorsqu'ils se dans leurs entreprises, si tu veux raient devenus grands. qu'ils s'empressent, à leur tour, de travailler pour toi.

BERQUIN.

LE NID DE MOINEAUX.

Cette proposition fut combattue par Robert. Il soutint qu'il valait mieux les plumer tout vifs, et qu'il y aurait bien plus de plaisir à les voir sautiller tout nus dans la chambre, qu'à les voir tristement renfermés dans une cage

Cécile, qui était l'aînée, se déclaLE petit Robert aperçut un ra pour l'avis d'Adeline: Robert jour un nid de moineaux sous le s'obstina dans le sien. Enfin, combord du toit de sa maison. Aussi-me les deux petites filles virent que tot il courut chercher ses sœurs, leur frère ne voulait point céder, pour leur faire part de sa décou- et que d'ailleurs il tenait le nid en verte, et ils cherchèrent ensemble son pouvoir, elles consentirent à comment ils pourraient se rendre tout ce qu'il voulait. maîtres de la couvée.

Il n'avait pas attendu leur aveu

Il fut convenu entre eux, qu'il pour commencer son exécution; il fallait attendre que les petits se avait déjà plumé le premier. "En fussent couverts de leurs premières voilà un de déshabillé," dit-il, en le plumes, qu'alors Robert applique- mettant à terre. Dans un moment

rait une échelle à la muraille, et toute la petite famille fut dépouque ses sœurs la tiendraient par le illée de ses plumes naissantes, Les pied, tandis qu'il grimperait au pauvres bêtes jetaient des cris douhaut, pour atteindre le nid. loureux, elles tremblotaient, elles Lorsqu'ils jugèrent que les oisi- agitaient tristement leurs ailes; llons s'étaient bien emplumés, ils se mais Robert, au lieu de se laisser

attendrir par leurs souffrances, ne Rob. Non, certainement; mais borna pas là ses persécutions. Il je ne croyais pas que cela les fit les poussait du pied pour les faire souffrir. avancer, et lorsqu'elles fesaient une

Le Précep. Eh bien, approchez;

culbute, il poussait de grands éclats je veux vous en convaincre.

de rire. A la fin, ses sœurs se

mirent à rire avec lui.

Tandis qu'ils se livraient à cet

(Il lui tire quelques cheveux.) Rob. Aïe aïe !

Le Précep. Est-ce que cela vous

amusement barbare, ils virent, de fait mal?

loin, venir leur précepteur! Pst! Rob. Vous croyez donc que cechacun met un oiseau dans sa poche, la fait du bien d'arracher des cheet se sauve à toutes jambes.

Eh bien, leur cria le précepteur, où allez-vous? Revenez.

Cet ordre les obligea de s'arrêter: ils s'avancèrent lentement, et les yeux baissés vers la terre.

veux ?

Le Précep. Bon! il n'y en a qu'une douzaine.

Rob. Mais c'est trop.

Le Précep. Que serait-ce donc si l'on vous arrachait toute la cheLe Précepteur. Pourquoi, donc, velure? Concevez-vous la douleur fuyez-vous ma présence? que vous en ressentiriez ? Voilà ceRobert. C'est que nous étions pendant le supplice que vous avez en train de jouer. fait endurer à ces pauvres oiseaux,

Le Précep. Vous savez que je qui ne vous avaient fait aucun mal. ne vous ai pas interdit les amuse-Et vous, mesdemoiselles, vous qui mens, et que je n'ai jamais tant de êtes nées avec un cœur plus sensiplaisir que lorsque je vous vois bien ble, vous l'avez souffert!

joyeux.

Les deux petites filles étaient Rob. Nous avions peur que vous restées debout en silence, mais en ne vinssiez nous gronder. entendant ces dernières paroles, a

Le Précep. Est-ce que je vous ccablées du reproche, elles allèrent gronde, lorsque vous prenez une s'asseoir, et des larmes roulèrent récréation innocente? Vous avez dans leurs yeux.

fait, je le vois quelques malices. Le précepteur remarqua leurs Pourquoi avez-vous tous une main regrets; il en fut touché, et ne dit dans la poche? Je veux savoir ce plus rien. Robert ne pleurait pas, que c'est; présentez-moi votre main, et il chercha à se justifier de cette et ce que vous y tenez.

(Ils présentent chacun la main

avec un oiseau plumé.)

manière.

Je ne croyais pas leur faire du mal; ils ne cessaient pas de chanLe Précep. (avec un mouvement ter, et ils battaient des ailes, comme mêlé de pitié et d'indignation.) Et s'ils avaient du plaisir.

qui vous a donné l'idée de traiter Le Précep. Vous appelez leurs de la sorte ces pauvres petites bêtes? cris des chansons? Mais pourquoi Rob. C'est qu'il est si drôle de chantaient-ils ?

voir sauter des moineaux sans Rob. Apparemment pour appeplumes! ler leur père et leur mère.

Le Précep. Vous trouvez donc Le Précep. Sans doute. Et lorsbien drôle de voir souffrir d'inno- que leurs cris les auraient attirés, centes créatures, et d'entendre leurs que voulaient-ils leur témoigner en cris douloureux ? battant des ailes?

VOL. I. Le Lecteur Françai

B

Rob. Je ne le sais pas trop.'bien, son plus jeune fils. C'était C'tait, peut-être, pour leur de- un beau jour d'automne, et il fesait mander du secours. encore grand chaud.

Le Précep. Vous l'avez dit. Mon papa, lui dit Fabien, en Ainsi, si ces oiseaux avaient pu tournant la tête du côté d'un jars'exprimer en langue humaine, din, le long duquel ils marchaient vous les auriez entendu s'écrier; alors, j'ai bien soif.

"Ah! mon père et ma mère, sau- Et moi aussi, mon fils, lui réponvez-nous. Nous sommes malheu-dit M. de la Ferrière. Mais il faut reusement tombés entre les mains prendre patience, jusqu'à ce que d'enfans barbares, qui nous ont nous arrivions à la maison arraché toutes nos plumes. Nous Fabien, Voilà un poirier chargé avons froid, nous souffrons. Venez de bien belles poires. Voyez, c'est nous réchauffer, et nous panser, du doyenné. Ah! que j'en manou nous allons mourir." gerais une avec plaisir !

Les petites filles ne purent y M. de la Ferrière. Je le crois tenir plus long-temps: elles ca- sans peine. Mais cet arbre est chèrent en sanglotant, leur visage dans un jardin fermé de toutes dans leur mouchoir. parts.

C'est toi, Robert, dirent-elles, Fab. La haie n'est pas trop fouqui nous a poussées à cette méchan-rrée, et voici un trou par où je pouceté. Nous en avions horreur. rrais bien passer.

Robert lui-même sentit, en ce

M. de la Fer. Et que dirait le moment, toute sa faute. 11 en maître du jardin, s'il était là ? avait déjà été puni par les cheveux Fab. Oh! sûrement, il n'y est que son précepteur lui avait arra- pas, et il n'y a personne qui puisse chés; il le fut bien plus encore par nous voir.

les reproches de son cœur. Le M. de la Fer, Tu te trompes, précepteur n'avait pas besoin d'a- mon enfant. Il y a quelqu'un qui jouter à ce double châtiment. Cenous voit, et qui nous punirait avec n'était pas en effet par un instinct justice, parce qu'il y aurait du mal de cruauté, mais seulement par un à faire ce que tu me proposes. défaut de réflexion, que Robert Fab. Et qui serait-ce donc, mon avait commis ces meurtres. La papa?

pitié qu'il prit, dès ce moment, pour M. de la Fer. Celui qui est prétoutes les créatures plus faibles sent partout, qui ne nous perd jaque lui ouvrit son cœur aux senti- mais un instant de vue, et qui voit mens de bienfesance et d'humanité jusque dans le fond de nos pensées, qui l'ont animé tout le reste de sa Dieu vie,

Le même.

Fab. Ah! vous avez raison: je n'y songe plus.

Au même instant, il se leva de derrière la haie, un homme qu'ils n'avaient pu voir, parce qu'il était

SI LES HOMMES NE TE VOIENT PAS, étendu sur un banc de gazon.

DIEU TE VOIT.

M. de la Ferrière se promerait un jour dans les champs avec Fa

C'était un vieillard à qui appartenait le jardin, et qui parla de cette manière à Fabien:

"Remercie Dieu, mon enfant,

de ce que ton père t'a empêché de M. de la Fer. Le bon vieillard te glisser dans mon jardin, et d'y t'a dit ce qui te serait arrivé. venir prendre une chose qui ne Fab. Mes pauvres jambes l'ont t'appartenait pas. Apprends qu'au échappé belle! Mais ce n'est pas pied de ces arbres, on a tendu des Dieu qui a tendu lui-même ces piéges pour surprendre les voleurs ; piéges?

tu t'y serais cassé les jambes, et tu M. de la Fer. Non sans doute, serais resté boiteux pour toujours. ce n'est pas lui-même; mais les Mais, puisqu'au premier mot de la piéges n'ont pas été tendus à son sage leçon que t'a faite ton père, tu insçu, et sans sa permission. Dieu, as témoigné de la crainte de Dieu, mon cher enfant, règle tout ce qui et que tu n'as pas insisté plus long-se passe sur la terre, et il dirige temps sur le vol que tu méditais, toujours les événemens de manière je vais te donner avec plaisir des à récompenser les gens de bien de fruits qui tu désires." leurs bonnes actions, et à punir les

A ces mots, il alla vers le plus méchans de leurs crimes. Je vais beau poirier, secoua l'arbre, et por-te raconter, à ce sujet, une aventa à Fabien son chapeau rempli de ture qui m'a trop vivement frappé poires. dans mon enfance, pour que je

M. de la Ferrière voulait tirer de puisse l'oublier de toute ma vie. l'argent de sa bourse, pour récom- Fab. Ah! mon papa, que je suis penser cet honnête vieillard; mais heureux aujourd'hui ! de la promeil ne put jamais l'engager à céder nade, des poires, et une histoire à ses instances. J'ai eu du plaisir, encore !

monsieur, à obliger votre enfant, et M. de la Fer. "Quand j'étais enje n'en n'aurais plus, si je m'en core aussi petit que toi, et que je laissais payer. Il n'y a que Dieu vivais auprès de mon pere, nous qui paye ces choses-là. avions deux voisins, l'un à la droite, M. de la Ferrière lui tendit la l'autre à la gauche de notre maison. main par-dessus la haie; Fabien le Le premier s'appellait Dubois et le remercia aussi dans un assez joli second Verneuil.

compliment; mais il lui témoignait "M. Dubois avait un fils nosa reconnaissance d'une manière inmé Silvestre, et M. Verneuil en encore bien plus vive, par l'air d'a- avait aussi un, nommé Gaspard. ppétit avec lequel il mordait dans "Silvestre, lorsqu'il était seul les poires, dont l'eau ruisselait de dans le jardin de son père, s'amutous côtés. sait à jeter des pierres dans tous les Voilà un bien brave homme, dit jardins d'alentour, sans faire réFabien à son papa, lorsqu'il eut fini flexion qu'il pouvait blesser quella dernière poire, et qu'ils se furent qu'un. M. Dubois s'en était aperéloignés du vieillard." çu, et lui en avait fait de vives répri

M. de la Ferrière. Oui, mon mandes, en le menaçant de le châami: il l'est devenu, sans doute, tier, s'il y revenait jamais. Mais pour avoir pénétré son cœur de par malheur, cet enfant ignorait, cette grande vérité, que Dieu ne ou ne pouvait se persuader qu'il ne laisse jamais le bien sans récom- faut pas faire le mal même lorspense, et le mal sans châtiment. qu'on est seul, parce que Dieu est

Fabien. Dieu m'aurait donc pu- toujours auprès de nous, et qu'il ni, si j'avais pris les poires? voit tout ce que nous fesons. Un

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