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SCENE VIII.
SCÈNE

M. de Ferval, Antoine, Julien.

Jul. M. Mondor, monsieur, vous demande; il a quelque chose de pressé à vous dire.

Ant. Est-ce à moi?

Jul. A vous? parbleu nori.

Je

lui ouvrira les yeux-le rendra sans doute à lui-même. J'entends du bruit; le voici sûrement. (Il va s'asseoir d'un air rêveur.)

SCENE X.

M. de Ferval, Antoine, Julien.

M. de Fer. (entre d'un air som

me suis expliqué, je pense ; j'ai bre. Il parait plongé dans le cha

dit que c'était à monsieur.

grin le plus profond). Prépare

M. de Fer. Sais-tu ce qu'il me nos chevaux, Julien; dans un

veut ?

Jul. Non, monsieur.

quart-d'heure je ne suis plus ici.

Ant. Peut-on vous demander où

M. de Fer. Quel homme! il va, vous allez, monsieur?

je gage, m'assommer de nouveaux reproches; j'ai envie de n'y point aller. A Julien. Dis-lui que je

suis sorti.

(Julien sort.)

SCÈNE

SCENE XI. et dernière.

M. de Ferval, Antoine.

Ant. Donnez-vous bien de garde de cela; ce sont peut-être des nouvelles importantes. Que sais- M. de Fer. (jette un coup d'œil je, moi? des nouvelles peut-être pour voir si Julien est parti: il emde votre père. brasse ensuite tendrement Antoine)

M. de Fer. Vous avez raison, Ah! mon cher Antoine! mon allons. (Il sort avec Julien.)

Ant.

SCENE IX.

vrai, mon unique ami, je perds le meilleur de tous les pères. Que dis-je? malheureux! c'est moi qui lui ai porté le poignard dans le

(seul. Il se promène à sein. (Il se renverse sur un fauteuil grands pas, et d'un air pensif. Il dans l'attitude d'un homme désolé.) dit ceci par intervalles et très-lente- Ant. Remettez-vous, monsieur'; ment). Voilà le coup de partie-et pour vous consoler, allons, raJe vais voir un homme bien con- contez-moi la cause de vos chasterné. Mais n'y a-t-il pas de la grins.

Darbarie à le déchirer aussi impi- M. de Fer. (lui serrant la main) toyablement? car enfin, je suis sûr Que je te les raconte! j'expirerais de l'excellence de son cœur, de sa avant que d'avoir fini ce triste rétendresse pour moi. Non-il ne cit. Ah! mon pauvre père! monstre faut rien moins que des coups de que je suis! Adieu, mon cher Ancette force pour le retirer de son toine, adieu homme loyal et vraidéréglement. Toutes ces folies ment respectable; souvenez-vous qu'il m'a débitées, sa raison égarée quelquefois d'un ami qui fut plus les justifie, son amour propre les imprudent que criminel. caresse. Mais l'état cruel où il saura Ant. Mais je ne vous quitte pas; que sa mauvaise conduite a réduit où prétendez-vous aller? quel est un père qui l'aime si tendrement, votre dessein?

M. de Fer. Non, Antoine, vous de votre âge, et peut-être la dureté ne me suivrez point. Abandonnez de votre oncle, ont été les seules à son mauvais sort un malheureux causes d'un dérangement qui, j'en en horreur au ciel et à la terre, qui suis sûr, vous est actuellement en a mérité la malédiction de son père, horreur. Ne pleurez plus un père qui lui a porté le coup de la mort, qui vit encore, et qui ne vit que Ah! quel pays, quel désert pourra pour vous aimer.

cacher mes remords et mon igno- M. de Fer. (se jetant aux pieds minie? (à Antoine qui veut par-de son père) Ah! vous êtes mon ler) Cessez de me presser; tous père! Comment ai-je pu vous méles malheurs sont à ma suite; ma connaître ? Mais dans quel état! fortune même s'est évanouie, à---Ah! mon père. peine me reste-il le plus étroit né- M. de Fer. père. Ne me reprochez pas, mon fils, d'avoir use de

cessaire.

Ant. Hé bien! monsieur, j'ai ce déguisement; il m'a si bien un petit bien fort honnête, suffisant servi à sonder votre cœur! Ah! pour nous mettre l'un et l'autre au-si le déréglement de votre conduite dessus du besoin, nous le partage-l'eût gâté, ce cœur que je retrouve enfin digne de vous et de moi; de

rons.

M. de Fer. Que ce trait-là est quel chagrin, mon fils, n'eussé-je admirable! mais il ne me surprend pas été accablé ! non, jamais je n'y point. (Affectueusement) Oui, mon aurais survécu. N'en voulez pas digne ami, j'accepte vos offres: non plus à votre oncle d'avoir doque deviendrais-je sans vous ? J'ai nné les mains à mon projet. La perdu le meilleur des pères, vous lettre, le naufrage, le congé; tout m'en tiendrez lieu; vous le rem-cela était concerté entre nous. placerez dans tous ses droits: Tout a réussi au gré de nos désirs. qu'il me sera doux de vous donner Retournons auprès de votre oncle; ce titre ! vous, vous y trouverez une sœur Ant. Monsieur, vous oubliez ce qu'à ses vertus vous reconnaîtrez que je suis. pour la vôtre; moi, dans les emM. de Fer. Je me souviens de brassemens d'enfans aussi bien vos vertus. Non, si mon malheu-nés, je coulerai des jours que reux père vivait, il ne penserait, il pourraient envier les plus heureux n'agirait pas autrement; je ne sen- mortels. Votre oncle sentira comtirais pas pour lui plus d'attache- bien la manière dure et impérieuse ment, plus de vénération. avec laquelle il vous a traité est

Ant. (se jetant au cou de M. de dangereuse, et capable de vicier les Ferval) Mon fils, mon cher fils, plus heureux caractères: il s'aembrassez-moi. Vos sentimens ré-ppliquera ce proverbe dont il ne pondent à mes espérances: je cherchera sans doute plus à conm'aperçois que la séduction des tredire la vérité: « Plus fuit doumauvaises compagnies, l'étourderie/ceur que violence."

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Mervain, Madame Mervain.

fils muet! Je ne sais pas ce que je ne préférerais point à ce malheur; mais, monsieur, votre sang-froid sur cet article me met hors de moimême. Vous traitez ceci comme un

Mde. Mer. Voilà pourtant huit accident ordinaire; il semble qu'on jours, monsieur.

Mer. Je le sais. Oui, voilà le huitième jour.

Mde. Mer. Huit grands jours sans parler.

Mer. Cela vous paraît monstru

eux.

vous dise que votre fils a la migraine: il est muet, monsieur--muct-ce qu'on appelle muet.

Mer. Et vous voulez me rendre sourd?

Mde. Mer. C'est votre cœur qui Pest. Oui, vous êtes insensible au Mde. Mer. Et à vous, monsieur? plus grand, au plus affreux des Mer. Cela me paraît d'une bi- malheurs. La douleur où l'a jeté zarrerie, d'un entêtement inconce- votre défense de parler à Emilie, et surtout d'espérer jamais de l'évable.

Mde. Mer. Un entêtement ?--- pouser, a fait, sans doute, une révo◄ Non, monsieur, non; c'est une ma-lution subite d'humeurs, qui aura ladie affreuse, suite du chagrin que frappé sa langue de paralysie. Voyez donc ce qu'il y a à faire là, vous lui avez causé.

Mer. Un entêtement, vous dis-je, dessus. J'ai fait venir chaque jour et d'autant plus singulier, qu'il ses meilleurs amis, mais il n'y en Vous ressemblait un peu, qu'il a pas un qui lui ait arraché un mot. avait le défaut de trop parler, et Si ce n'était que pour vous qu'il se qu'il passait même pour indiscret. tut, je n'en serais pas surprise: Ét, en effet, c'est à son indiscrétion votre dureté, votre avarice lui ont que j'ai dà la découverte de sa souvent fermé la bouche; mais c'est passion pour Emilie, pour une fille pour moi-même, c'est pour tout le dont je hais le père, et dont je me monde. N'y a-t-il donc point de suis bien promis de ne jamais faire remède à cela? et serai-je la plus infortunée des mères ? ma belle-fille. Mer. Si vous imaginez, ma Mde. Mer. Vous voilà bien avancé! vous aurez un fils muet! Un femme, que ce soit une maladie,

SCENE III.

Mervain, père, Mervain, fils.

faites-le voir à notre voisin le doc-
teur, à M. L'Aposème. J'y con-
sens, mais je ne sais si la faculté a
des remèdes pour cela. Le doc-
teur vous dira bien, en voyant que
votre fils ne parle point, qu'il est Mer. père. Eh bien! mon ami,
nuet; c'est à dire, qu'il en saura qu'est-ce? Veux-tu toujours dé-
autant que le Sganarelle de Mo-sespérer ta mère et moi, par un si-
lière; mais pour le faire parler, flence opiniâtre ?

c'est une autre affaire. Ecoutez, ma Mer. fils, salue son père, le re-
femme, vous savez que les grandes garde, et se tait.

querelles de votre fils et de moi Mer. père. Mon fils, tu m'etombaient toujours sur l'argent, ffrayes.

dont je n'étais jamais assez pro

Mer. fils, prend la main de son

digue envers lui: eh bien ! envoyez-père, et la serre avec tendresse.

le moi, ma femme, je vous en prie.

Mer. père. Quoi! tu ne nous

Mde. Mer. Ne lui parlez pas diras rien? d'Emilie ; vous aggraveriez son mal.

Mer. fils, fait signe qu'il ne le

peut pas.

Mer. Soit: je n'en parlerai pas. Mer. père. C'est une chose aMde. Mer. Ah; mon ami! s'il ffreuse. Mais, mon fils, écoutedit un mot, faites-moi appeler sur moi: je sais que tu m'as boudé le champ, que je jouisse du plaisir quelquefois, à cause de l'épargne de l'entendre. que je mettais à ta dépense; tu Mer. Je n'y manquerai pas. m'as pris pour un avare, et je n'étais Mde. Mer. De grâce, de la dou-qu'un père attentif à ne pas donner ceur avec lui, et rendez-moi mon trop d'alimens à des goûts toujours fils, si vous le pouvez. dangereux à ton âge. Tiens, veux

Mer. Eh! allez, vous dis-je ; je tu que je te donne une preuve que l'attends. (Elle sort.)

SCÈNE II.

Mervain, seul.

de ma part ce n'est point un vil attachement à l'argent? Vois-tu cette bourse; il y a 25 beaux louis-d'or dedans. Les veux-tu ?

Mer. fils, fait signe qu'oui, et lend les mains.

Mer. père. Tu entends bien que mets une condition à cela, et que compte sur ta reconnaissance. Mer. fils, peint la reconnaissance

Que diantre imaginer sur tout ceci? Une révolution d'humeurs je ---une paralysie---cela est incroy-je able---mais huit jours sans avoir proferé une seule parole---avec sa qu'il en aura.

mère qui le gâte, avec ses meilleurs Mer. père. Tu acceptes donc le amis, avec son valet, avec moi-un marché? Tiens, les voilà ; ils sont étourdi, un causeur éternel comme à toi.

sa mère---cela me passe, mais je Mer. fils, demande par signes,

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le vois.

Is'ils sont bien à lui.

donne.

Mer. père. Oui, oui---je te les, La Ro. Vous vouliez le prendre par l'argent, et ce n'était pas mal pan-imaginé de votre part; mais moi, je connais un autre faible, et je voulais en profiter. Monsieur, et monsieur, je l'aperçois: ah! de grâce, laissez-moi avec lui.

Mer. fils, exige, toujours en tomime, que son père en jure. Mer père. Oui, foi de père. Mer. fils, embrasse son père, se sauve avec la bourse.

SCENE IV.

Mervain père.

Mer. Mervain---il fuit à toutes jambes. Oh! parbleu, ce n'est pas là mon compte ; pas un mot de remerciement, et j'en suis pour 25 louis? La Rose ! La Rose !

SCENE V.

Mervain, père, La Rose.

La Rose. Que vous plaît-il monsieur ?

Mer. père. Allons: fais ce que tu voudras; je me retire; mais dislui que je ne prétends pas qu'il garde mon argent pour rien. (Il sort.)

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Mervain fait signe à La Rose, qu'il veut changer d'habit, et qu'il Mer. père. As-tu vu passer mon en veut un brode. fils?

La Ro, Monsieur, je n'entends

La Ro. Oui, monsieur, fort vite pas.

et fort gaiement. Qu'a-t-il done?

Autre pantomime de Mervain

Il y a huit jours qu'il n'a eu l'air pour se faire comprendre. aussi ouvert.

La Ro. Ah! cui! oui! je com

Mer. père. J'ai voulu le faire prends---j'y vais. parler en lui offrant de l'argent ; il n'a pas dit un mot, et s'est enfui avec ma bourse.

La Ro. C'est qu'il n'est pas manchot.

Mervain se promène sans mot dire, se met le doigt sur la bouche, et semble se recommander le silence. La Ro. (apportant un habit nvir) Le voilà, monsieur.

Mer. père. Je le vois bien; mais Mervain, les yeux enflammés, le dis-moi penses-tu comme ma prend à la gorge, et lui explique femme, qu'il est véritablement, ab- de nouveau par signes ce qu'il desolument, muet? mande; La Rose sort: autre pan

La Ro. Ce qu'il y a de certain, tomime.

La voilà votre

monsieur, c'est qu'il n'a pas pro- La Ro. Que ne le disiez-vous noncé une syllabe de toute la se-plus clairement ? maine. Mais c'est plaisant: vous robe de chambre.

avez fait une tentative de votre cô- Mervain frappe du pied.

té; et moi du mien, j'en voulais La Ro. Bon; voilà la machine faire une, mais votre peu de succès en mouvement; il accouchera peutm'épouvante

Mer. père. De quoi était-il question?

être.

Nouvelle explication, par signes, de ce que Mervain demande. La

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