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Rose sort, et Mervain, pendant ce temps-là, cherche des yeux dans la chambre, aperçoit une baguelle, et la met près de lui.

La Ro. (apportant l'habit brodé) Ah! pour le coup, m'y voilà, je crois.

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Mervain, père, La Rose.

Mer. père. Eh bien ! es-tu venu bout de le faire parler?

Mervain fait signe qu'il a bien La Ro. Non, de par tous les fait cette fois de ne pas se tromper. diables! il n'y a point de mauvais Il se fait mettre cet habit: La tour que je ne lui aie fait, et au lieu Rose fait mille gaucheries, et dit à de me tenir de ces discours cavapart: liers qui lui étaient ordinaires, il a Quel diable d'homme! Com- pris en silence le bâton que vous ment! il ne me dira pas une in-voyez, et m'a roué de coups. jure, lui qui en a le recueil le plus Mer père. C'est qu'il n'est pas complet ? manchot, comme tu disais. Mervain fait signe qu'il veut mon argent, lui en as-tu parlé ? écrire: nouvelles gaucheries affec- La Ro. Point de réponse, montées de la Rose, même silence de sieur: oh! il est muet comme tous la part du maître qui écrit enfin. les muets du sérail.

Et

La Ro. A-propos, monsieur, je Mer. père. Comment! est-ce viens de quitter monsieur votre que ma femme aurait raison? et père, qui est très-fâché du petit qu'une paralysie subite tombée sur tour que vous lui avez fait. Il sa langue?

comptait sur vos remerciemens: 25 La Ro. Oh oui! monsieur ; c'est louis valaient bien un petit mot; cela, à coup sûr; mais la paralysie on ferait un discours académique n'a point gagné le bras, je vous aà moins de cela.

ssure.

Mervain fait signe à La Rose de Mer. père. Vois qui est-ce qui frappe. Il faut que je sois bien

se laire.

La Ro. Oh! monsieur, cela ne malheureux! Je n'ai qu'un fils, et m'est pas si aisé qu'à vous. je ne pourrai me voir revivre dans ses enfans; car personne n'en vou

Autre signe de se taire.

La Ro. Parbleu, si tout le monde dra en cet état-là. se tait ici comme vous, cela fera une maison fort gaie. pas oublier ce que je que je parle.

La Ro. Monsieur, c'est un de Je ne veux vos voisins; c'est M. L'Aposème sais; il faut qui vient, dit-il, de la part de madame.

Mervain fait signe à La Rose de cacheter sa lettre.

La Ro. (à part) Ah! bon; nous

verrons s'il tiendra à celui-ci.

Mer. père. Faites entrer.

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La Rose brûle la lettre en la ca- M. L'Aposème, M. Mervain, père, chetant. Mervain prend un bâton,

le rosse, et s'en va.

La Rose.

La Ro. (criant) Peste soit du M. L'Apo. Monsieur, madame brutal! encore s'il avait assaisonné Mervain m'a fait l'honneur de pacela de quelques paroles! mais sser chez moi pour me dire de vepoint. nir voir monsieur votre fils, qui est

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Mer. père. Ne vous a-t-elle conté aussi ?--

L'Apo.

pas

Oui, monsieur, que c'était l'effet d'un violent chagrin. Mer. père. Eh! croyez-vous cela possible?

SCENE X.

Mervain, fils, et les mêmes.

L'Apo. Oh! qu'il a bien les yeux d'un muet!

Mer. père. Comment, est-ce que vous voyez cela dans les yeux? L'Apo. Une fonction interromL'Apo. Comment, possible? Et n'avez vous pas ouï dire cent fois pue altère toutes les autres: ne que les grandes passions sont mu-vous ai-je pas dit que la première

ettes ?

inspection--

La Ro. Oh oui! c'est vrai au Mer. père. Oui, pour un moment; mais huit jours, monsieur. moins; il ne regarde pas comme L'Apo. Il faut voir le sujet, mon-un autre: ce que c'est que la mésieur; il faut le voir. A la seule decine, pour ouvrir l'esprit! Je inspection, je vais vous dire ce qui n'avais rien vu de cela.

en est.

Mer père. Mon fils, voilà un ha

Mer. père. La Rose, fais venir bile homme qui vient examiner votre état, et y apporter du remon fils.

La Ro. Oui, monsieur. (Il sort.) mède.

SCENE IX.

M. Mervain, père, M. L'Aposème.

Mervain fail signe que le docteur n'y fera rien.

L'Apo. Tout beau! tout beau' jeune homme, est-ce que vous êtes aussi un peu incrédule en médeMer. père. Et supposé qu'il soit cine? muet, la médecine a-t-elle des secrets?

Mervain fait signe que oui. L'Apo. Tant pis, monsieur, tant L'Apo. (vivement) Si elle en pis; l'on vous guérira aussi de a? Voilà un doute bien singulier! cette maladie-là. Voyons le bras. Est-il un mal, un dérangement Eh! donnez donc, et ne faites pas physique quelconque, devant le-l'enfant. (Il tale le pouls.) La pulsation du mutisme--oui, le vrai quel la médecine s'arrête? Mer. père. Je sais que c'est l'o- pouls d'un muet. pinion de vos confrères, mais--

Mer. père. Comment! le pouls---
L'Apo. Tout s'y peint, tout s'y

L'Apo. Monsieur, les plaisanteries sur mon art sont un peu usées, mesure, pour qui sait y voir et y Dieu merci, et la confiance que entendre: vous n'avez donc pas vu sache nous avons droit d'exiger, ne se ma thèse sur le pouls? Il n'y a pas ridiculise plus en plein théâtre; un docteur Indien qui en plus long que moi là-dessus; mais prenez-y garde. Mer. père. Tout comme il vous il faut que je considère un peu plaira, pourvu que vous fassiez langue du malade. parler mon fils.

L'Apo. Si je le ferai parler! ol! je vous en réponds, quand il n aurait parlé de sa vie.

Mer, père. Le voici.

la

Mervain, fils, refuse.

L'Apo. Il le faut, jeune homme

il

le faut.

Mer. père. Ah! mon fils, je t'en

conjure.

Votre fils est muet, et

c'est à moi de le guérir.

L'Apo. Eh non! mon voisin; il revoie. n'y a qu'à le faire attacher. Mervain, fils, veut fuir; le docteur le retient.

Doucement, s'il vous plaît. Oh! vous me montrerez la langue, ou vous direz pourquoi.

La Ro. S'il est muet, comment voulez-vous qu'il vous le dise?

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Mervain, père, La Rose.

Mer. père. Ah! tu as raison mais il reviendra. Voilà mon fils

La Ro. Le docteur s'en va mècontent; car vous avez oublié la L'Apo. (à la Rose) Vous avez petite cérémonie de le payer. raison, mon ami. Ce valet a de la justesse. La Ro. Monsieur, vous êtes bien décidément muet: cependant, que j bon. suis malheureux! Il fallait qu'il L'Apo. Allons, beau muet, ne aimât prodigieusement cette Emi vous faites point tirailler, et faites lie que je lui ai défendu de voir! les choses de bonne amitié. La Ro. Voici madame.

La Ro. Pardi, je tirerais fort bien la langue à M. le docteur. Mervain, fils, rit, et montre sa langue,

L'Apo. Belle et brillante pour des yeux ignorans; mais infla

SCÈNE XII.

Madame Mervain, les précédens.

que

Mde. Mer. Je viens de renconmmatoire, engorgée pour les mienstrer le docteur. Eh bien ! -voilà qui est clair et j'ai juste-vous avais-je dit? Mervain, est ment ici sur moi une lancette pro-muet incontestablement. pre à faire une petite incision dans Mer. père. Je le sais bien j'en cette langue paresseuse. suis désespéré; car, nous ne pou

Mervain s'échappe et s'enfuit. rrons plus le marier. La Ro. Oh! notre jeune maî- Mde. Mer. Ce serait le comble tre n'aime pas la saignée; je le sa- de l'infortune, si je ne m'étais pas vais bien. conduite comme je l'ai fait. J'ai L'Apo. Monsieur, monsieur, été voir cette Emilie que vous revoilà une conduite bien légère: fusiez à mon fils. Grâces, esprit, c'est une rebellion en forme à la beauté, talens, c'est un prodige, et médecine: on n'en agit pas ainsi je serais étonnée que Mervain ne avec un homme tel que moi. Que l'eût pas adorée après l'avoir codiable, je vous dis de faire attacher nnue. J'ai fait plus: j'ai voulu voir cet homme-là, et vous n'en faites son père; vous le croyez de vos rien, et vous m'exposez à cet a- ennemis, il n'en est rien; vous en ffront. avez cru de mauvaises langues, à Mer. père. Monsieur, on lui fera ce qu'il m'a dit, et je l'ai trouvé tout disposé à faire tout pour vous. L'Apo. La paralysie a attaqué Mer. père. Comment! il désaune partie du cerveau, aussi bien voue--

entendre raison.

que la langue. Adieu, monsieur, Mde. Mer. Tout. Laissez-moi disposez votre malade, et le rendez achever. Je suis revenue à sa fille, plus docile, si vous voulez que je le je lui ai conté notre infortune, elle

L'agitation de Mervain, fils, est

encore plus grande.

y a été sensible; et, si vous le voulez, elle épouse votre fils. La Ro. Quoi! tel qu'il est? malgré toutes les paralysies possi-nnaissais point, mais que je trouve bles? Voilà une bien honnête per- charmante comme vous.

sonne.

Oui, d'Emilie-que je ne co

Mervain, fils, prend les mains

Mde. Mer. Décidez vous, mon de son père et les baise. mari. Et que savez-vous, si, en lui

Demandez-la moi en mariage,

accordant ce que vous lui aviez dé-et je vous la donne.

fendu d'espérer, vous ne lui cause- Mervain, fils, ouvre dix fois la rez pas une révolution contraire à bouche, la referme aussi-tôt, et fait celle qui lui a ôté la parole. signe à son père, qu'il ne peut la

Mer. père. Oui, vous avez rai-lui demander. son; cela est très-possible. Je vous Il faut donc y renoncer; car, avoue de tout, ma femme; mais où assurément une fille comme elle ne avez-vous laissé Emilie? s'associera à un muet. paɛ

Mde. Mer. Elle est ici dans la

chambre voisine.

Mervain se jette aux pieds de

son père.

Pauvre malheureux! ah! mon

Mer. père. Tant mieux; m'y voilà résolu; allons, je sacrifie cœur se déchire. C'en est fait, je mon petit ressentiment au bonheur n'ai plus d'espérance. Venez, ma de mon fils, au vôtre, au mien ; je femme, venez: dans notre malheur consens à tout. La Rose, allez nous sommes trop heureux qu'Efaire descendre mon fils: dites-lui milie sè condamne à le partager. qu'il n'est pas question de médecin. (La Rose sort.) Pour vous, ma femme, laissez-moi un moment

SCÈNE XIV.

essayer si la bonne nouvelle que je Les mêmes, Emilie, Madame Mervais lui donner fera quelque effet.

Mde. Mer. Vous ne voulez pas

que j'en sois témoin?

vain.

Mer. père. Rien ne peut réparer. Mer. père. Je vous appellerai sa perte, (A Emilie) puisque l'oavec Emilie quand il sera temps. ffre que je lui ai faite de vous aLe voici, rentrez vite.

SCÈNE XIII.

Mervain, père, Mervain, fils.

ccorder à sa demande, n'a pu lui arracher un seul mot.

Etonnement de Mervain, fils, en voyant Emilie; il tombe aux pieds de sa mère.

Mde. Mer. Triste infortuné! tu

Emilie conQue ne lui que

nous?

Mer. père. Rassurez-vous, mon vas du moins jouir de l'objet de tes fils, il n'est pas question du doc-vœux ; oui, mon fils, teur L'Aposème, ni d'incision au sent à s'unir avec toi. contraire, je vais vous apprendre devras-tu point ainsi une bonne nouvelle; ah! cela vous Em. Ah madame! si vous saviez émeut. Eh bien! vous ne devinez ce que cet hymen a de charmes pour moi! (A Mervain, père) Mais, Mervain, fils, fait signe que non. monsieur, c'est de votre main que Il est pourtant question d'Emilie. je veux tenir celle de votre fils.

pas?

Mer. père. Volontiers, belle Mer. père. Ma fille! un peu Emilie. (Il mel la main de son fils trop d'art peut-être— dans celle d'Emilie.) Soyez heu- Em. Vous vous trompez, monreuse, et comptez sur le père le plus sieur; ce n'est point ce dénouetendre et le plus reconnaissant. ment heureux que j'avais envisagé,

Em. Mon bonheur est sûr, et en exigeant de votre fils qu'il ne le vôtre aussi, monsieur, et le vôtre, parlât que lorsqu'il en recevrait mère charmante d'un fils à qui je l'ordre de moi. Je voulais éprouvais ordonner de sécher vos larmes. ver son amour, et surtout m'assuOui, Mervain, oui, je suis satis-rer qu'il savait se taire, et dompter faite, oui, vous méritez mon cœur:un penchant que je lui soupçonnais oui, vous savez aimer-pariez. à l'indiscrétion. Le succès a passé Mer. fils (avec transport) Ah !mon attente

mon père! oh! mère adorable! Mer. fils. Il a comblé la mienne, oh! divine Emilie: vous le savez, Emilie: je suis à vous, et j'y suis si je sais me soumettre, et vous pour la vie; je n'ai point trop obéir. acheté le plus grand des bonheurs. La Ro. Miracle! Mais laissez-moi parler désormais, Mde. Mer. Oh! mon fils! oh pour vous dire sans cesse combien moment délicieux! Je respire à je vous adore.

peine.

SCENES CHOISIES, TIRÉES DE MOLIÈRE,

ET D'AUTRES AUTEURS CELEBRES.

Scène de l'Amour Médecin.

Nos conseils sont souvent plus conformes à nos intérêts qu'à ceux des personnes qui nous les demandent.

Sganarelle, riche bourgeois, A-n'étais pas fort satisfait de sa conminte, Lucrèce, M. Guillaume, duite, et nous avions le plus souM. Josse. vent dispute ensemble. Mais enfin la mort rajuste toutes chos es

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Elle

Sga. Ah! l'étrange chose que est morte, je la pleure Si elle la vie! et que je puis bien dire était en vie, nous nous querelleriavec ce grand philosophe de l'an-ons. De tous les enfans que le tiquité que "qui terre a, guerre ciel m'avait donnés, il ne m'a laissé a, et qu'un malheur ne vient qu'une fille, et cette fille est toute jamais sans l'autre ! Je n'avais ma peine: car enfin je la vois dans qu'une femme qui est morte. une mélancolie la plus sombre du M. Gui. Et combien donc en monde, dans une tristesse épou vouliez-vous avoir ? vantable, dont il n'y a pas moyen Sga. Elle est morte, monsieur de la retirer, et dont je ne saurais Guillaume. Mon ami, cette perte même apprendre la cause. m'est très-sensible, et je ne puis moi j'en perds l'esprit, et j'aurais m'en ressouvenir sans pleurer. Jelbesoin d'un bon conseil sur cette

Pour

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