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matière. (A Lucrèce) Vous êtes chère nièce, ce n'est pas mon dema nièce, (à Aminte) vous, ma voi- ssein, comme on sait, de marier ma sine, (à M. Guillaume et à M. Josse) fille avec qui que ce soit, et j'ai et vous, mes compères et mes amis; mes raisons pour cela; mais le je vous prie de me conseiller tout conseil que vous me donnez de la ce que je dois faire. faire religieuse est d'une femme

M. Jo. 'Pour moi, je tiens que qui pourrait bien souhaiter charila braverie, que l'ajustement est la tablement d'être mon héritière unichose qui réjouit le plus les filles; verselle. Ainsi, messieurs et meset, si j'étais que de vous, je lui dames, quoique tous vos conseils acheterais dès aujourd'hui une belle soient les meilleurs du monde, garniture de diamans, ou de rubis, vous trouverez bon, s'il vous plaît, ou d'éméraudes. que je n'en suive aucun. (Seul.) M. Gui. Et moi, si j'étais à Voilà de mes donneurs de conseils votre place, j'acheterais une belle à la mode. tenture de tapisserie de verdure, ou à personnages, que je ferais mettre dans sa chambre, pour lui réjouir l'esprit et la vue.

Am. Pour moi, je ne ferais pas tant de façons; je la marierais fort bien, et le plutôt que je pourrais, Les avec cette personne qui vous la fit, dit-on, demander, il y a quelque temps.

Lu. Et moi, je tiens que votre fille n'est point du tout propre pour

MOLIERE.

Scènes du Mariage Forcé.

hommes sont quelquefois la dupe des conseils qu'ils demandent, parce qu'ils n'en veulent que de conformes à leurs propres sentimens.

le mariage. Le monde n'est point Sga. (parlant à ceux qui sont du tout son fait; et je vous con-dans sa maison.) Je suis de retour seille de la mettre dans un cou-dans un moment. Que l'on ait vent, où elle trouvera des diver-bien soin du logis, et que tout aille tissemens qui seront mieux de son comme il faut. Si l'on m'apporte humeur. de l'argent, que l'on me vienne

Sga. Tous ces conseils sont ad-quérir vite chez le seigneur Géromirables, assurément: mais je les nimo; et si l'on vient m'en detrouve un peu intéressés, et trouve mander, qu'on dise que je suis sorque vous me conseillez fort bien ti, et que je ne dois revenir de pour vous. Vous êtes orfèvre, toute la journée. monsieur Josse, et votre conseil sent son homme qui a envie de se défaire de sa marchandise. Vous vendez des tapisseries, monsieur Guillaume, et vous avez la mine

Scène suivante.

Sganarelle, Geronimo.

d'avoir quelque tenture qui vous Gér. (ayant entendu les derniincommode. Celui que vous aimez, ères paroles de Sganarelle.) Voilà ma voisine a, dit-on, quelque in-un ordre fort prudent

clination pour ma fille; et vous ne Sga. Ah! seigneur Géronimo, seriez pas fachée de la voir femme je vous trouve à-propos; et j'allais d'un autre. Et quant à vous, ma chez vous vous chercher.

VOL. I. Le Lecteur Français.

E

Gér. Et pour quel sujet, s'il

vous plaît ?

Gér. Oui.

Sga.

Ma foi, je ne sais; mais

Sga. Pour vous communiquer je me porte bien.

une affaire que j'ai en tête, et vous Gér. Quoi! vous ne savez pas àprier de m'en dire votre avis. peu-près votre âge?

Gér. Très-volontiers. Je suis Sga. Non; est-ce qu'on songe à bien aise de cette rencontre; et cela?

liberté.

nous pouvons parler ici en toute Gér. Hé! dites-moi un peu, s'il vous plaît, combien aviez-vous d'aSga. Mettez donc dessus, s'ilnnées, lorsque nous fîmes connalvous plaît. Il s'agit d'une chose ssance? de conséquence que l'on m'a pro- Sga. Ma foi, je n'avais que vingt posée; et il est bon de ne rien ans alors. faire sans le conseil de ses amis.

Gér. Combien fûmes-nous en

Gér. Je vous suis obligé de m'a- semble à Rome ? voir choisi pour cela. Vous n'avez Sga. Huit ans. qu'à me dire ce que c'est.

Sga. Mais, auparavant, je vous conjure de ne me point flatter du tout, et de me dire nettement votre pensée.

Gér. Je le ferai, puisque vous le voulez.

Gér.

Quel temps avez-vous demeuré en Angleterre ? Sga. Sept ans.

Gér. Et en Hollande, où vous fûtes ensuite?

Sga. Cinq ans et demi.

Gér. Combien y a-t-il que vous

Sga. Je ne vois rien de plus con-êtes revenu ici? damnable qu'un ami qui ne nous

parle point franchement,

Gér. Vous avez raison.

Sga. Je revins en cinquante

deux.

Gér. De cinquante-deux à soi

Sga. Et dans ce siècle on trouve xante-quatre il y a douze ans, ce peu d'amis sincères.

Gér. Cela est vrai.

me semble; cinq ans en Hollande font dix-sept; sept ans en Angle

Sga. Promettez-moi donc, sei-terre font vingt-quatre; huit dans gneur Géronimo, de me parler avec notre séjour à Rome font trentetoute sorte de franchise.

deux; et vingt que vous aviez lorsque nous nous connûmes, cela fait justement cinquante-deux: si Dites-moi bien seigneur Sganarelle, que, sur votre propre confession, vous êtes environ à votre cinquante-deuxième ou cinquante-troisième année. Sga. Qui? moi? cela ne se peut

Gér. Je vous le promets. Sga. Jurez-en votre foi. Gér, Oui, foi d'ami. seulement votre affaire. Sga. C'est que je veux savoir de vous si je ferai bien de me marier. Gér. Qui? vous ?

pas.

Sga. Oui, moi-même, en propre personne. Quel est votre avis là- Gér. Mon Dieu! le calcul est dessus? juste; et là-dessus je vous dirai Gér. Je vous prie auparavant de franchement et en ami, comme me dire une chose.

Sga. Et quoi?

vous m'avez fait promettre de vous parler, que le mariage n'est guère

Ger. Quel âge pouvez-vous bien votre fait. C'est une chose à laavoir maintenant ?

Sga. Moi?

quelle il faut que les jeunes gens pensent bien mùrement avant que

de la faire; mais les gens de votre tre ses dents.) Ne fais-je pas viâge n'y doivent point penser du goureusement mes quatre repas tout; et si l'on dit que la plus par jour? Et peut-on voir un esgrande de toutes les folies est celle tomac qui ait plus de force que le de se marier, je ne vois rien de mien? (Il tousse.) Hem, hem, plus mal-à-propos que de la faire, hem! Hé, qu'en dites-vous ? cette folie, dans la saison où nous Gér. Vous avez raison. Je m'édevons être plus sages. Enfin, tais trompé. Vous ferez bien de

je vous en dis nettement ma pen-vous marier. sée: je ne vous conseille point de Sga. J'y ai répugné autrefois ; songer au mariage, et je vous trou-mais j'ai maintenant de puissantes verais le plus ridicule du monde, raisons pour cela. Outre la joie si, ayant été libre jusqu'à cette que j'aurai de posséder une belle heure, vous alliez vous charger femme qui me dorlotera, et me vimaintenant de la plus pesante des endra frotter lorsque je serai las; outre cette joie, dis-je, je considère,

chaînes.

Sga. Et moi, je vous dis que je qu'en demeurant comme je suis, suis résolu de me marier, et que je je laisse périr dans le monde la ne serai point ridicule en épousant race des Sganarelles, et, qu'en me la fille que je recherche. mariant, je pourrai me voir revivre Gér. Ah! c'est une autre chose.Jen d'autres moi-mêmes. Que Vous ne m'aviez pas dit cela. j'aurai de plaisir à voir de petites Sga. C'est une fille qui me plaît figures qui me ressembleront et que j'aime de tout mon cœur. comme deux gouttes d'eau, qui se Gér. Vous l'aimez de tout votre joueront continuellement dans la maison, qui m'appelleront leur pa

cœur ?

Sga. Sans doute: et je l'ai de- pa quand je reviendrai de la ville, mandée à son père. et me diront de petites folies les Gér. Vous l'avez demandée ? plus agréables du monde! Tenez, Sga. Oui, c'est un mariage que il me semble déjà que j'y suis, et je dois conclure ce soir, et j'ai do- que j'en vois une demi-douzaine nné ma parole. autour de moi.

Gér. Oh, mariez-vous donc; je Gér. Il n'y a rien de si agréable ne dis plus mot. que cela; et je vous conseille de Sga. Je quitterais le dessein que vous marier le plus vite que vous j'ai fait! Vous semble-t-il, sei-pourrez.

gneur Géronimo, que je ne sois Sga. Tout de bon, vous me le plus propre à songer à une femme? conseillez?

Ne parlons pas de l'âge que je puis Gér. Assurément. Vous ne sauavoir; mais regardons seulement riez mieux faire,

les choses. Y a-t-il homme del Sga. Vraiment, je suis ravi que trente ans qui paraisse plus frais et vous me donniez ce conseil en véplus vigoureux que vous me voyez? ritable ami.

N'ai-je pas tous les mouvemens de Gér. Hé! quelle est la personne, mon corps aussi bons que jamais s'il vous plaît, avec qui vous allez Et voit-on que j'aie besoin de ca- vous marier?

rrosse ou de chaise pour cheminer ?

Sga. Dorimène.

N'ai je pas encore toutes mes dents Gér. Cette jeune Dorimène si les meilleures du monde? (Il mon-galante et si bien parée.

Sga. Oui.

cier! de 'quoi s'avise-t-il de nous

Gér. Fille du seigneur Alcan- venir demander de l'argent? et que

tor?

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ne lui disais-tu que monsieur n'y est pas ?

La Vio. Il y a trois quarts d'heure que je le lui dis; mais il ne veut pas le croire, et s'est assis là-dedans pour l'attendre.

Sga. Qu'il attende tant qu'il

Gér. Bon parti ! Mariez-vous voudra.

promptement.

Don Ju. Non; au contraire,

Sga. N'ai-je pas raison d'avoir faites-le entrer. C'est une fort fait ce choix ? mauvaise politique que de se faire Gér. Sans doute. Ah! que vous céler aux créanciers. Il est bon serez bien marié! Dépêchez-vous de les payer de quelque chose; et de l'être. j'ai le secret de les renvoyer satisSga. Vous me comblez de joie faits sans leur donner un double. de me dire cela. Je vous remercie de votre conseil, et je vous invite ce soir à mes noces.

Scène suivante.

Gér. Je n'y manquerai pas; et Don Juan, M. Dimanche, Sganaje veux y aller en masque, afin de relle, La Violette, Ragotin. les mieux honorer.

Sga. Serviteur.

Que je suis que je veux ne vous pas J'avais do

Don Ju. Ah! monsieur DiGer. (a part) La jeune Dori-manche, approchez. mème, fille du seigneur Alcantor, ravi de vous voir! et avec le seigneur Sganarelle, qui n'a de mal à mes gens de que cinquante-trois ans ! ô le beau faire entrer d'abord! mariage! (ce qu'il répète plusieurs nné ordre qu'on ne me fit parler à fois, en s'en allant.) personne: mais cet ordre n'est pas Sga. (seul) Ce mariage doit être pour vous, et vous êtes en droit de heureux; car il donne de la joie à ne trouver jamais de porte fermée tout le monde, et je fais rire tous chez moi. ceux à qui j'en parle. Me voilà maintenant le plus content hommes !

Le même.

Scènes du Festin de Pierre.

M. Di. Monsieur, je vous suis des fort obligé.

Don Juan; Sganarelle, La Violelle,
Ragotin, ses valets.

La Vio. Voilà votre marchand, monsieur Dimanche, qui demande à vous parler.

Don Ju. (parlant à La Violettc et à Ragotin) Parbleu, coquins, je vous apprendrai à laisser monsieur Dimanche dans une antichambre, et je vous ferai connaître les gens.

M. Di. Monsieur, cela n'est rien. Don Ju. (à M. Dimanche) Comment! vous dire que je n'y suis pas, à monsieur Dimanche, au meilleur de mes amis !

M. Di. Monsieur, je suis votre serviteur. J'étais venu--Sga. Bon! voilà ce qu'il nous Don. Ju. Allons, vite, un siége faut qu'un compliment de créan-'pour monsieur Dimanche.

M. Dr. Monsieur, je suis bien comme cela.

Don Ju. Et le petit Colia faitil toujours bien du bruit avec son

M. Di. Toujours de même,

Don Ju. Point, point: je veux tambour? que vous soyez assis comme moi. M. Di. Cela n'est point néce-monsieur. Je--ssaire.

Don Ju. Et votre petit chien

Don Ju. Otez ce pliant, et a-Brusquet, gronde-t-il toujours aussi fort, et mord-il toujours bien aux pportez un fauteuil.

M. Di. Monsieur, vous vous jambes des gens qui vont chez moquez, et

vous?

M. Di. Plus que jamais, monDon Ju. Non, non; je sais ce que je vous dois; et je ne veux sieur, et nous ne saurions en chepoint qu'on mette de différence en-vir. tre nous deux.

M. Di. Monsieur,—

Don Ju. Ne vous étonnez pas si je m'informe des nouvelles de toute la famille, car j'y prends

Don Ju. Allons, asseyez-vous. M. Di. Il n'est pas besoin, mon-beaucoup d'intérêt. sieur, et je n'ai qu'un mot à vous dire. J'étais

Don Ju. Mettez-vous là, vous dis-je.

M. Di. Non, monsieur, je suis bien. Je viens pour

Don Ju. Non, je ne vous écoute point, si vous n'êtes point assis.

M. Di. Monsieur, je fais ce que vous voulez. Je

monsieur

Don Ju. Parbleu!
Dimanche, vous vous portez bien.

M. Di. Oui, monsieur, pour vous
rendre service. Je suis venu---
Don Ju. Vous avez un fonds del
santé admirable, des lèvres fraîches,
yeux
un teint vermeil, et des
M. Di. Je voudrais bien---
Don Ju. Comment se porte ma-
dame Dimanche votre épouse?

vifs.

M. Di. Nous vous sommes infiniment obligés. Je--

Don Ju. (lui tendant la main Touchez donc là, monsieur Di Etes-vous bien de mes manche. amis?

M. Di. Monsieur, je suis votre serviteur.

Don Ju. Parbleu! Je suis à vous de tout mon cœur.

M. Di. Vous m'honorez trop.

Je--

Don Ju. Il n'y a rien que je ne

fasse

vous. pour

M. Di. Monsieur, vous avez trop de bonté pour moi.

Don Ju. Et c'est sans intérêt, je vous prie de le croire.

M. Di. Je n'ai point mérité cette grâce, assurément.

M. Di. Fort bien, monsieur, monsieur--Dieu merci.

monsieur. Je venais--

Mais,

Don Ju. Or ça, monsieur Di

Don Ju. C'est une brave femme. manche, sans façon, voulez vous M. Di. Elle est votre servante, souper avec moi ? M. Di. Non, monsieur, il faut Don Ju. Et votre petite fille que je m'en retourne tout à l'heure. Claudine, comment se porte-t-elle ? |Je--

Don Ju. (se levant) Allons, vite, M. Di. Le mieux du monde. Don Ju. La jolie petite fille que un flambeau pour conduire monc'est! Je l'aime de tout mon cœur. sieur Dimanche; et que quatre ou M. Di. C'est trop d'honneur que cinq de mes gens prennent des - mousquetons pour vous lui faites, monsieur. Je vous--

l'escorter.

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