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M. Di (se levant aussi) Mon- blé, et j'ignore où je suis, qui je suis, sieur, il n'est pas nécessaire, et je et ce que je fais. Hélas! mon pauvre m'en irai bien tout seul. Mais argent, mon pauvre argent, mon (Sganarelle ôte les siéges prompte-cher ami, on m'a privé de toi ; et ment.) puisque tu m'es enlevé, j'ai perdu Don Ju. Comment! je veux mon support, ma consolation, ma qu'on vous escorte, et je m'inté-joie, tout est fini pour moi, je n'ai resse trop à votre personne. Je plus que faire au monde. Sans suis votre serviteur, et, de plus, toi, il m'est impossible de vivre. votre débiteur. C'en est fait, je n'en puis plus, je vous me meurs, je suis mort, je suis enterré. N'y a-t-il personne qui

M. Di. Ah! monsieur, vous moquez, monsieur--

Don Ju. C'est une chose que je veuille me ressusciter, en me renne cache pas, et je le dis à tout le dant mon cher argent, ou en m'amonde. pprenant qui l'a pris? Hé! que dites-vous? ce n'est personne. Il

M. Di. Si--Don Ju. Voulez-vous que je faut, qui que ce soit qui ait fait le vous conduise? coup, qu'avec beaucoup de soin on M. Di. Ah! monsieur--- ait épié l'heure; et l'on a choisi Don Ju. Embrassez-moi donc, justement le temps que je parlais s'il vous plaît. Je vous prie encore à mon traître de fils. Sortons, je une fois d'être persuadé que je suis veux aller quérir la justice, et faire tout à vous, et qu'il n'y a rien au donner la question à toute ma maimonde que je ne fasse pour votre son, à servantes, à valets, à fils, à service.

(Il sort)

Le même.

Scène de l'Avare.

fille, et à moi aussi. Que de gens assemblés! je ne jette les regards sur personne qui ne me donne des soupçons, et tout me semble mon voleur. Hé! de quoi Jest-ce qu'on parle là? de celui qui m'a dérobé? quel bruit fait-on làHarpagon, qui a perdu son trésor. haut? est-ce mon voleur qui y est? De grâce, si l'on sait des nouvelles Au voleur, au voleur, à l'assa-de mon voleur je supplie que l'on ssin, au meurtrier! Justice, juste m'en dise. N'est-il point caché là ciel! je suis perdu, je suis assassi-parmi vous ? ils me regardent tous, né, on m'a coupé la gorge, on m'a dé-jet se mettent à rire. Vous verrez robé mon argent. Qui peut-ce être ?qu'ils ont part, sans doute, au vol Qu'est-il devenu? où est-il? où se que l'on m'a fait. Allons vite, des cache-t-il? que ferai-je pour le commissaires, des archers, des prétrouver? où courir? où ne pas cou-vôts, des juges, des chaînes, des rir? n'est-il point là ? n'est-il point potences, des bourreaux. Je veux ici? qui est-ce? arrête! (à lui-faire pendre tout le monde; et si même, se prenant par le bras) je ne retrouve mon argent, je me rends-moi mon argent, coquin.---[pendrai moi-même après. Ah! c'est moi. Mon esprit est trouLe même.

Le m. de mus. Cela vous sied à

Scènes du Bourgeois Gentilhomme. merveille.

M. our.

Laquais, holà! més

M. Jourdain (bourgeois riche et deux laquais ! ridicule, qui veut prendre les Prem. laq. Que voulez-vous, airs d'un homme de qualité, pa-monsieur?

raît en robe de chambre et en M. Jour. Rien. C'est pour voir bonnet de nuit), le Maître de mu-si vous m'entendez bien. (Au sique, le Maître à danser, l'Elève maître de musique et au marire à du Maître de musique, une Mu-danser) Que dites-vous de mes sicienne, deux Musiciens, Dan-livrées? seurs, deux Laquais.

M. Jour. Eh bien, messieurs, qu'est-ce? Me ferez-vous votre petite drôlerie?

Le m. à dans. Elles sont magnifiques.

M. Jour. (entr'ouvrant sa robe, voir en fesant voir son haut-de-chausses étroit de velours rouge, et sa ca

Le m. à dans. Comment! quelle misole de velours vert) Voici enpetite drôlerie?

core un petit déshabillé pour faire

M. Jour. Hé! la-comment a-le matin mes exercices. ppelez-vous cela ? votre prologue ou dialogue de chansons et de danses?

Le m. à dans. Ah! ah!

Le m. de mus. Vous nous y voyez préparés.

Le m. de mus. Il est galant.
M. Jour. Laquais !

Prem. laq. Monsieur.
M. Jour. L'autre laquais.
Sec.laq. Monsieur.

M. Jour. Je vous ai fait un peu attendre; mais c'est que je me fais bre)

M. Jour. (ôtant sa robe de chamTenez ma robe. (Au maître habiller aujourd'hui comme les de musique et au maître à danser) gens de qualité, et mon tailleur Me trouvez-vous bien comme cela? m'a envoyé des bas de soie que j'ai pensé ne mettre jamais.

ici

Le m. de mus. Nous ne sommes que pour attendre votre loisir. M. Jour. Je vous prie tous deux

Le m. à dans.

ne peut pas mieux,

Fort bien. On

M. Jour. Voyons un peu votre

affaire.

Le m. de mus. Je voudrais bien

de ne vous point en aller qu'on ne auparavant vous faire entendre un m'ait apporté mon habit, afin que air (montrant son élève) qu'il vous me puissiez voir. vient de composer pour la séré

Le m. à dans. Tout ce qu'il vous nade que vous m'avez demandée. plaira. C'est un de mes écoliers, qui a

M. Jour. Vous me verrez équi- pour ces sortes de choses un talent pé comme il faut, depuis les pieds admirable. jusqu'à la tête.

Le m. de mus. Nous n'en tons point.

M. Jour. Je me suis fait sette indienne-ci.

M. Jour. Oui; mais il ne fallait dou-pas faire faire cela par un écolier; et vous n'étiez pas trop bon vousfaire même pour cette besogne-là. Le m. de mus. Il ne faut pas,

Le m. à dans. Elle est fort belle. monsieur, que le nom d'écolier M. Jour. Mon tailleur m'a dit vous abuse. Ces sortes d'écoliers que les gens de qualité étaient en savent autant que les plus grands comine cela le matin. maîtres; et l'air est aussi beau qu'il

s'en puisse faire. Ecoutez seule-|

ment.

M. Jour. C'est sans avoir appris la musique.

Le m. de mus. Vous devriez

M. Jour. (à ses laquais) Donnez-moi ma robe pour mieux en-l'apprendre, monsieur, comme vous tendre-attendez, je crois que je faites la danse; ce sont deux arts serai mieux sans robe-non, re-qui ont une étroite liaison ensemdonnez-la moi; cela ira mieux.

La musicienne.

Je languis nuit et jour, et mon mal
est extrême,
Depuis qu'à vos rigueurs vos beaux
yeux m'ont soumis ;

Si vous traitez ainsi, belle Iris, qui
vous aime,

ble.

Le m. à dans. Et qui ouvrent l'esprit d'un homme aux belles choses.

M. Jour. Est-ce que les gens de qualité apprennent aussi la musique?

Le m. de mus. Oui, monsieur. M. Jour. Je l'apprendrai donc. Mais je ne sais quel temps je pou

Hélas! que pourriez-vous faire àrrai prendre; car outre le maître

vos ennemis?

d'armes qui me montre, j'ai arrêté encore un maître de philosophie, qui doit commencer ce matin.

M. Jour Cette chanson me semble un peu lugubre; elle endort; Le m. de mus. La philosophie et je voudrais que vous la pussiez est quelque chose; mais la muun peu regaillardir par-ci, par-là. sique, monsieur, la musiqueLe m. de mus. Il faut, monsieur

roles.

Le m. à dans. La musique et la que l'air soit accommodé aux pa- danse-la musique et la danse, c'est là tout ce qu'il faut. M. Jour. On m'en apprit un tout-à-fait joli, il y a quelque temps.soit si utile dans un état que la Le m. de mus. Il n'y a rien qui Attendez-là- -Comment est-ce

qu'il dit?

Le m. à dans. Par ma foi, je ne

sais.

M. Jour. Il y a du mouton dedans.

Le m. d dans. Du mouton ?
M. Jour. Oui. Ah! (Il chante.)

Je croyais Janneton
Aussi douce que belle;
Je croyais Janneton
Plus douce qu'un mouton.
Hélas! hélas ! elle est cent
Mille fois plus cruelle
Que n'est le tigre aux bois.

N'est-il pas joli?

fois,

musique.

Le m. à dans. Il n'y a rien qui soit si nécessaire aux hommes que la danse.

Le m. de mus. Sans la musique un état ne peut subsister.

Le m. à dans. Sans la danse un homme ne saurait rien faire.

Le m. de mus. Tous les désordres, toutes les guerres qu'on voit dans le monde, n'arrivent que pour n'apprendre pas la musique.

Le m. d dans. Tous les malheurs des hommes, tous les revers funestes dont les histoires sont remplies, les bévues des politiques, les manquemens des grands capi

Le m. de mus. Le plus joli dutaines; tout cela n'est venu que

monde.

Le m. à dans. Et vous le chantez bien.

faute de savoir danser.

M. Jour. Comment cela?

Le m. de mus. La guerre ne

vient-elle pas d'un manque d'union ce qui ne dépend seulement que

entre les hommes ?

M. Jour. Cela est vrai.

d'un petit mouvement du poignet,

ou en dedans ou en dehors.

Le m. de mus. Et si tous les M. Jour. De cette façon donc un hommes apprenaient la musique, homme, sans avoir du cœur, est ne serait-ce pas le moyen de s'a- sûr de tuer son homme, et de n'êccorder ensemble, et de voir dans tre point tué?

le monde la paix universelle ? M. Jour. Vous avez raison.

Le m. d'arm. Sans doute. N'en vites-vous pas la démonstration ? M. Jour. Oui.

Le m. à dans. Lorsqu'un homme a commis un manquement dans sa Le m. d'arm. Et c'est en quoi conduite, soit aux affaires de sa fa- l'on voit de quelle considération, mille, ou au gouvernement d'un nous autres, nous devons être dans état, ou au gouvernement d'une un état, et combien la science des armée, ne dit-on pas toujours, un armes l'emporte hautement sur tel a fait un mauvais pas dans une toutes les autres sciences inutiles, telle affaire? comme la danse, la musique, la--Le m. à dans. Tout beau, mon

M. Jour. Oui, on dit cela.

Le m. à dans. Et faire un mau-sieur le tireur d'armes; ne parlez vais pas, peut-il procéder d'autre de la danse qu'avec respect. chose que de ne savoir pas danser? Le m. de mus. Apprenez, je vous M.. Jour. Cela est vrai, et vous prie, à mieux traiter l'excellence avez raison tous deux. de la musique.

Le m. à dans. C'est pour vous faire voir l'excellence et l'utilité de la danse et de la musique.

M. Jour. Je comprends cela cette heure.

Le même.

à

Le m. d'arm. Vous êtes de plaisantes gens de vouloir comparer votre science à la mienne!

Le m. de mus. Voyez un peu l'homme d'importance!

La m. à dans. Voilà un plaisant animal avec son plastron !

Le m. d'arm. Mon petit maître

Autre Scène du Bourgeois Genti-à danser, je vous ferais danser

lhomme.

comme il faut; et vous, mon petit musicien, je vous ferais chanter de

M. Jourdain, un Maître d'armes, la belle manière.

le Maître de musique, le Maître à danser, un Laquais tenant deux fleurets.

Le m. à dans. Monsieur le batteur de fer, je vous apprendrai votre métier.

M. Jour. (au m. à danser) EtesLe m. d'arm. Je vous l'ai déjà vous fou de l'aller quereller, lui dit tout le secret des armes ne qui entend la tierce et la quarte, et consiste qu'en deux choses; à do- qui sait tuer un homme par raison ner et à ne point recevoir; et démonstrative?

comme je vous fis voir l'autre jour Le m. à dans. Je me moque de par raison démonstrative, il est im-sa raison démonstrative, et de sa possible que vous receviez, si vous tierce et de sa quarte.

savez détourner l'épée de votre e- M. Jour. (au m. à danser) Tout nnemi de la ligne de votre corps, doux, vous dis-je.

Le m. d'arm. (au m. à danser)|ssieurs, faut-il s'emporter de la Comment, petit impertinent? sorte? Et n'avez vous point lu M. Jour. Hé! mon maître le docte traité que Sénèque a comd'armes ! posé de la colère? Y-a-t-il rien de

Le m. à dans. (au m. d'armes) plus bas et de plus honteux que Comment, grand cheval de ca-cette passion qui fait d'un homme une bête féroce? et la raison ne doit-elle pas être la maîtresse de tous nos mouvemens?

rrosse !

M. Jour. Hé, mon maître à danser !

Le m. d'arm. Si je me jette sur

vous

M. Jour. (au m. d'armes) Douce-à

Le m. d dans. Comment, monsieur, il vient nous dire des injures tous deux, en méprisant la danse que j'exerce, et la musique dont il

ment !
Le m. d dans. Si je mets sur vous fait profession?
la main---

M Jour (au m. à

Tout beau!

Le m. d'arm. Je vous d'un air--

Le m. de phil. Un homme sage danser) est au-dessus de toutes les injures qu'on lui peut dire : et la grande réétrillerai ponse qu'on doit faire aux outrages, c'est la modération et la patience.

M. Jour. (au m. d'armes) De grâce!

Le m. d'arm. Ils ont tous deux l'audace de vouloir comparer leurs

Le m. à dans. Je vous rosserai professions à la mienne. d'une manière.--

Le m. de phil. Faut-il que cela

M. Jour. (au m. à danser) Je vous émeuve? ce n'est pas de vaine vous prie. gloire et de condition que les

Le m. de mus. Laissez-nous un hommes doivent disputer entre peu lui apprendre à parler. eux; et ce qui nous distingue par

M. Jour. (au m. de muisque) faitement les uns des autres, c'est Mon Dieu, arrêtez-vous. la sagesse et la vertu.

Scène Suivante.

Le m. d dans. Je lui soutiens que la danse est une science à laquelle on ne peut faire assez d'ho

Un Maître de philosophie, M. Jour-neur.

dain, le Maître de musique, le Le m. de mus. Et moi, que la Maître à danser, le Maître musique en est une que tous les d'armes, un Laquais. siècles ont révérée.

Le m. d'arm. Et moi, je leur M. Jour. Holà, monsieur le phi-soutiens à tous deux que la science losophe, vous arrivez tout à propos de tirer des armes est la plus belle avec votre philosophie. Venez un et la plus nécessaire de toutes les peu mettre la paix entre ces per-sciences.

sonnes-ci.

Le m. de phil. Et que sera done Le m. de phil. Qu'est-ce donc, la philosophie? Je vous trouve qu'y a-t-il, messieurs? tous trois bien impertinens de parM. Jour. Ils se sont mis en co-ler devant moi avec cette arrolère pour la préférence de leurs gance, et de donner impudemment professions jusqu'à se dire des in- le nom de science à des choses jures, et en vouloir venir aux mains. l'on ne que doit pas même honorer Le m. de phil. Hé quoi! me-du nom d'art, et qui ne peuvent

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