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être comprises que sous le nom de fou de m'aller fourrer parmi eux,
métier misérable de gladiateur, de pour recevoir quelque coup qui me
ferait mal.
chanteur, et de baladin.
Le m. d'arm. Allez, philosophe

de chien.

Le m. de mus.

pédant.

Allez, belître de

Scène suivante.

Le maître de philosophie, M. Jour-
dain, un Laquais.

Le m, à dans. Allez, cuistre fieffé. Le m. de phil. Comment, marauds que vous êtes---(Le philoso- Le m. de phil. (raccommodant phe se jelle sur eux, et tous trois le son collet) Venons à notre leçon. M. Jour. Ah! monsieur, je suis chargent de coups.) M. Jour. Monsieur le philo-fâché des coups qu'ils vous ont doInnés. sophe!

Le m. de phil. Infames, coquins, insolens!

M. Jour.

sophe!

Le m. de phil. Cela n'est rien. Un philosophe sait recevoir comme

Monsieur le philo-il faut les choses, et je vais composer contre eux une satire du

Le m. d'arm. La peste de l'ani-style de Juvénal, qui les déchirera mal!

M. Jour. Messieurs !
Le m. de phil. Impudens!

M. Jour.

Sophe!

de la belle façon. Laissons cela: que voulez-vous apprendre?

M. Jour. Tout ce que je pou

Monsieur le philo-rrai; car j'ai toutes les envies du monde d'ètre savant, et j'enrage

Le m. à dans. Diantre soit de que mon père et ma mère ne

l'âne bâté !

M. Jour. Messieurs !

Le m. de phil. Scélérats.

M. Jour. Monsieur le philo

sophe!

m'aient pas
fait bien étudier dans
toutes les sciences, quand j'étai
jeune.

Le m. de phil. Ce sentiment est raisonnable; nam sine doctrinâ vi

Le m. de mus. Au diable l'im-ta est quasi mortis imago. Vous pertinent !

M. Jour. Messieurs !

Le m. de phil. Fripons! gueux traîtres! imposteurs!

!

entendez cela, et vous entendez le Latin sans doute ?

M. Jour. Oui, mais faites comme 1 je ne le savais pas: expliquez

Le m. de phil.

M. Jour. Monsieur le philo-moi ce que cela veut dire. Cela veut dire sophe! messieurs! monsieur le philosophe! messieurs! monsieur que sans la science, la vie est le philosophe! (Ils sortent en se presque l'image de la mort.

ballant.)

Scène suivante.

M. Jourdain, un Laquais.

M. Jour. Ce Latin-là a raison. Le m. de phil. N'avez-vous point quelques principes, quelques commencemens des sciences ?

M. Jour. Oh, oui, je sais lire et écrire.

Le m. de phil. Par où vous plaîtM. Jour. Oh! battez-vous tant qu'il vous plaira, je n'y saurais que il que nous commencions? voulezfaire, et je n'irai pas gåter ma robe vous que je vous apprenne la lo pour vous séparer. Je serais bien gique?

M. Jour. Qu'est-ce que c'est que foudre, la pluie, la neige, la grêle, les vents, et les tourbillons.

cette logique ?

M. Jour. Il y a trop de tinta

Le m. de phil. C'est elle qui enseigne les trois opérations de l'es-marre là-dedans, trop de brouillaprit?

M. Jour. Qui sont-elles, ces trois opérations de l'esprit.

mini.

Le m. de phil. Que voulez-vous donc que je vous apprenne?

M. Jour. Apprenez-moi l'ortho

Le m. de phil. La première, la seconde, et la troisième. La pre-graphe. mière est de bien concevoir par le Le m. de phil. Très-volontiers. moyen des universaux, la seconde M. Jour. Après, vous m'apprende bien juger par le moyen des ca-drez l'almanach, pour savoir quand tégories, et la troisième de bien il y a de la lune et quand il n'y en tirer une conséquence par le moyen a point. des figures. Barbara, celarent, Le m. de phil. Soit. Pour bien darii, ferio, baralipton.

M Jour. Voilà des. mots cont trop rébarbatifs. Cette gique-là ne me revient point. pprenons autre chose qui soit joli.

suivre votre pensée et traiter cette qui matière en philosophe, il faut colo-mmencer, selon l'ordre des choses, A-par une exacte connaissance de la plus nature des lettres, et de la differente

manière de les prononcer toutes.

Le m. de phil. Voulez-vous a-Et là-dessus j'ai à vous dire que les pprendre la morale?

M. Jour. La morale!

Le m. de phil. Oui.

M. Jour. Qu'est-ce qu elle dit, cette morale ?

Le m. de phil. Elle traite de la felicité, enseigne aux hommes à modérer leur passions.

lettres sont divisées en voyel les,
ainsi dites voyelles, parce qu'elles
expriment la voix, et en consonnes
ainsi appelées consonnes, parce
qu'elles sonnent avec les voyelles,
et ne font que marquer les diverses
articulations des voix. Il y a cinq
voyelles, ou voix, A, E, I, O, U.
M. Jour. J'entends tout cela.
Le m. de phil. La voix A se
fort la bouche,

M Jour. Non, laissons cela: je
suis bilieux comme tous les diables,
et il n'y a morale qui tienne; je forme en ouvrant
me veux mettre en colère tout mon A.
soul, quand il m'en prend envie.

Le m. de phil. Est-ce la physique que vous voulez apprendre?

Oui.

M. Jour. A, A. Le m. de phil. La voix E se forme en rapprochant la mâchoire M. Jour. Qu'est-ce qu'elle chante, d'en bas de celle d'en haut, A, E. cette physique? M. Jour. E, E, A, E. Ma foi,

Le m. de phil. La physique est oui. Ah! que cela est beau! celle qui explique les principes des Le m. de phil. Et la voix I en choses naturelles, et les propriétés rapprochant encore davantage les des corps; qui discourt de la na-mâchoires l'une de l'autre, et écarture des élémens, des métaux, des tant les deux coins de la bouche minéraux, des pierres, des plantes, vers les oreilles. A, E, I. et des animaux, et nous enseigne M. Jour. A, E, I, I, I, I. Ce.a les causes de tous les météores, est vrai. Vive la science! l'arc-en-ciel, les feux volans, les Le m. de phil. La voix O se coinètes, les éclairs, tonnerre, la forme en rouvrant les mâchoires.

et rapprochant les lèvres par les haut du palais, de sorte qu'étan deux coins, le haut et le bas. O. frôlée par l'air qui sort avec force, M. Jour. O, O. Il n'y a rien elle lui cède et revient toujours au de plus juste. A, E, I, O, I, O. même endroit fesant une manière Cela est admirable. I, O, I, O. de tremblement. R, RA.

Le m. de phil. L'ouverture de la M. Jour. R, R, RA, R, R, R, bouche fait justement comme un R, R, RA. Cela est vrai. Ah! petit rond qui représente un O. l'habile homme que vous êtes, et M. Jour. O, Ò, O. Vous avez que j'ai perdu de temps! R, R, R, raison. O. Ah! la belle chose que RA.

de savoir quelque chose!

Le m. de phil. Je vous expliqueLem. de phil. La voix U se forme rai à fond toutes ces curiosités. en rapprochant les dents sans les M. Jour. Je vous en prie. Au joindre entièrement, et alongeant reste, il faut que je vous fasse une les deux lèvres en dehors, les a-confidence. Je souhaiterais que pprochant ainsi l'une de l'autre sans vous m'aidassiez à écrire quelque les joindre tout-à-fait, U. chose dans un petit billet que je veux laisser tomber aux pieds d'une personne de grande qualité. Le m. de phil. Fort bien.

M. Jour. U, U. Il n'y a rien de plus véritable. U.

M. Jour. Cela sera galant, oui ! Le m. de phil. Sans doute. Sontdes vers que vous lui voulez

Le m. de phil. Vos deux lèvres s'alongent comme si vous fesiez la moue; d'où vient que, si vous la vouliez faire à quelqu'un et vous ce moquer de lui, vous ne zauriez lui écrire? U.

dire

que

M. Jour. U, U. Cela est vrai. Ah! que n'ai je étudié plutôt, pour savoir tout cela !

Le m. de phil. Demain nous verrons les autres lettres qui sont les

consonnes.

M. Jour. Est-ce qu'il y a des choses aussi curieuses que cellesci?

M. Jour. Non, non, point de vers. Le m. de phil. Vous ne voulez que de la prose.

M. Jour. Non, je ne veux ni prose ni vers.

Le m. de phil. Il faut bien que ce soit l'un ou l'autre.

M. Jour. Pourquoi ?

Le m. de phil. Par la raison, monsieur, qu'il n'y a pour s'exLe m. de phil. Sans doute. La primer que la prose ou les vers. consonne D. par exemple, se proM. Jour. Il n'y a que la prose nonce, en donnant du bout de la ou les vers ? langue au-dessus des dents d'en haut, DA.

Le m. de phil. Non, monsieur. Tout ce qui n'est point prose est vers, et tout ce qui n'est point vers

M. Jour. DA, DA. Oui. Ah! les belles choses! les belles choses !est prose. Le m. de phil. L'F, en appuyant, les dents d'en haut sur la lèvre de dessous, FA.

M. Jour. FA, FA. C'est la vérité. Ah! mon père et ma mère, que je vous veux de mal!

M. Jour. Et comme l'on parle, qu'est-ce que c'est donc que cela? Le m. de phil. De la prose.

M. Jour. Quoi! quand je dis, Nicole, apportez-moi mes pantoufles, et me donnez mon bonnet Le m. de phil. Et l'R, en por-de nuit, c'est de la prose? tant le bout de la langue jusqu'au Le m. de phil. Oui, monsieur.

M. Jour. Par ma foi, il y a plus M. Jour. Cependant je n'ai pas de quarante ans que je dis de la étudié, et j'ai fait cela tont du preprose, sans que j'en susse rien, et mier coup. Je vous remercie de je vous suis le plus obligé du tout mon cœur, et je vous prie de monde de m'avoir appris cela. Je venir demain de bonne heure. voudrais donc lui mettre dans un Le m. de phil. Je n'y manquerai billet, "Belle marquise, vos beaux pas. yeux me font mourir d'amour:" mais je voudrais que cela fût mis d'une manière galante, que cela fût tourné gentiment.

Mettre que les

Le m. de phil. feux de ses yeux réduisent votre

Le même.

Scène de M. de Porceaugnac.

cœur en cendres; que vous sou-Erasle, M. de Pourceaugnac, Sbriffrez nuit et jour pour elle les vio- gani, homme d'intrigue. lences d'un

M Jour. Non, non, non, je ne Er. Ah! qu'est-ce ci? Que veux point tout cela, je ne veux vois je? Quelle heureuse renconque ce que je vous ai dit: "Belle tre! monsieur de Pourceaugnac ! marquise, vos beaux yeux me font Que je suis ravi de vous voir! mourir d'amour.” Comment! il semble que vous ayez

Le m. de phil. Il faut bien éten-peine à me reconnaitre ? dre un peu la chose. M. de Pour. Monsieur, je suis

M. Jour. Non, vous dis-je, je ne votre serviteur. veux que ces seules paroles-là dans Er. Est-il possible que cinq ou le billet, mais tournées à la mode, six années m'aient ôté de votre mébien arrangées comme il faut. Jemoire, et que vous ne reconnaissiez vous prie de me dire un peu, pour pas le meilleur ami de toute la favoir les diverses manières dont on mille des Pourceaugnacs.

les peut mettre.

M. de Pour. Pardonnez-moi.

Le m. de phil. On peut les me-(Bas à Sbrigani) Ma foi, je ne sais ttre premièrement comme vous qui il est.

avez dit: " Belle marquise, vos Er. Il n'y a pas un Pourceaubeaux yeux me font mourir d'a-gnac à Limoges que je ne COinour;" ou bien: " d'amour mou-nnaisse, depuis le plus grand jusrir me font, belle marquise, vos qu'au plus petit; je ne fréquentais beaux yeux;" ou bien: "vos beaux qu'eux dans le temps que j'y étais, yeux d'amour me font, belle mar- et j'avais l'honneur de vous voir quise, mourir;" ou bien: "mourir presque tous les jours.

vos beaux yeux, belle marquise, M. de Pour. C'est moi qui l'ai d'amour me font; ou bien: 66 me reçu, monsieur. font vos beaux yeux mourir, belle marquise, d'amour."

Er. Vous ne vous remettez pas mon visage?

M. Jour. Mais de toutes ces fa- M. de Pour. Si fait. (A Sbrifons-là laquelle est la meilleure? gani) Je ne le connais point. Le m. de phil. Celle que vous Er. Vous ne vous ressouvenez avez dite: "Belle marquise, vos pas que j'ai eu le bonheur de boire beaux yeux me font mourir d'a- avec vous je ne sais combien de

mour.

fois ?

M. de Pour. Excusez-moi. (A) M. de Pour. Je n'ai point d'onSbrigani) Je ne sais ce que c'est. cle. Er. Comment appelez-vous ce traiteur de Limoges, qui fait si temps-là--bonne chère?

M. de Pour. Petit-Jean?

Er. Le voilà. Nous allions le

Er. Vous aviez pourtant en ce

M. de Pour. Non, rien qu'une

tante.

Er. C'est ce que je voulais dire : plus souvent ensemble chez lui madame votre tante, comment se nous réjouir. Comment nommez- porte-t-elle ? vous à Limoges ce lieu où l'on se promène ?

M. de Pour. Le Cimetière des Arènes ?

M. de Pour. Elle est morte depuis six mois.

Er. Hélas! la pauvre femme; elle était si bonne personne.

M. de Pour. Nous avons aussi

Er. Justement. C'est où je passais de si douces heures à jouir de mon neveu le chanoine, qui a penvotre agréable conversation. Vous sé mourir de la petite-vérole.

ne vous remettez pas tout cela?

Er. Quel dommage ç'aurait

M. de Pour. Excusez-moi, jeété ! me le remets. (A Sbrigani) Diable soit si je m'en souviens.

M. de Pour. Le connaissezvous aussi ?

Sbri. (bas à M. de Pour.) I y a cent choses comme cela qui un grand garçon bien fait. passent de la tête.

Er. Vraiment si je le connais !

Er. Embrassez-moi donc, je vous prie, et resserrons les nœuds de notre ancienne amitié.

Sbri. (à M. de Pour.) Voilà un homme qui vous aime fort.

Er. Dites-moi un peu des nouvelles de toute la parenté. Comment se porte monsieur votre-là -qui est si honnête homme?

M. de Pour. Mon frère le consul?

Er. Oui.

M. de Pour. Pas des plus grands. Er. Non, mais de taille bien prise.

M. de Pour. Hé! oui.
Er. Qui est votre neveu.
M. de Pour. Oui.

Er. Fils de votre frère ou de votre sœur--

M. de Pour. Justement.
Er. Chanoine de l'église de---
Comment l'appelez-vous?

M. de Pour. De Saint-Etienne.
Er. Le voilà ; je ne connais au-

M. de Pour. Il se porte le mi-tre.
eux du monde.
Er. Certes, j'en suis ravi. Et dit toute la parenté.
celui qui est de si bonne humeur?
là-monsieur votre---

M. de Pour. (à Sbrigani) Il

M. de Pour. Mon cousin l'assesseur ?

Er. Justement.

M. de Pour. Toujours gai et gaillard.

Sbri. Il vous connaît plus que vous ne croyez.

M. de Pour. A ce que je vois, vous avez demeuré long-temps dans notre ville?

Er. Deux ans entiers.

M. de Pour. Vous étiez donc là, Er. Ma foi, j'en ai beaucoup de quand mon cousin l'élu fit tenir son joie. Et monsieur votre oncle, enfant à monsieur notre gouverle...

Ineur?

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