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Er. Oui. Je serais bien aise de donner quelques ordres, et vous n'avez qu'à revenir à cette maisonlà.

Sbri. Nous sommes à vous tout Jà l'heure.

Er. (à M. de Pourceaugnac) Je vous attends avec impatience. M. de Pour. (à Sbrigani) Voilà une connaissance où je ne m'attendais point.

Sbri. Il a la mine d'être honnête homme.

Er. (seul) Ma foi, monsieur de

M. de Pour. Il me donna un Pourceaugnac, nous vous en dosoufflet, mais je lui dis bien son nnerons de toutes les façons; les fait. choses sont préparées, et je n'ai

Er. Assurément. Au reste, je qu'à frapper. ne prétends pas que vous preniez d'autre logis que le mien.

M. de Pour. Je n'ai garde de--Er. Vous moquez-vous? Je ne souffrirai point du tout que mon meilleur ami soit autre part que dans ma maison.

M. de Pour. Ce serait vous--Er. Non, vous avez beau dire, vous logerez chez moi.

Le même.

Scènes de l'Avocat Patelin.

M. Patelin. Cela est résolu: il faut aujourd'hui même, quoique je n'aie pas le sou, que je me donne un habit neuf.---Ma foi! on Shri. (à M. de Pourccaugnac) |a bien raison de le dire, il vaudrait Puisqu'il le veut obstinément, je autant être ladre que d'être pauvre. vous conseille d'accepter l'offre. Qui diantre, à me voir ainsi habillé, me prendrait pour un avocat? ne M. de Pour. Je les ai laissées dirait-on pas plutôt que je serais avec mon valet, où Je suis descen-un magister de ce bourg? Depuis du. quinze jours que j'ai quitté le viEr. Envoyons-les quérir par llage où je demeurais pour venir quelqu'un. m'établir en ce lieu-ci, croyant d'y

Er. Où sont vos hardes?

M. de Pour. Non; je lui ai dé-faire mieux mes affaires---elles fendu de bouger, à moins que je vont de mal en pis. J'ai de ce n'y fusse moi-même, de peur de côté-là, pour voisin, mon compêre quelque fourberie. le juge du lieu---pas un pauvre Shri. C'est prudemment avisé. petit procès De cet autre côté, un M. de Pour. Ce pays-ci est un riche marchand drapier---pas de peu sujet à caution. quoi m'acheter un méchant habit

tout.

Er. On voit les gens d'esprit en--ah! pauvre Patelin, pauvre Patelin! comment feras-tu pour conSbr. Je vais accompagner mo- tenter ta femme qui veut absolunsieur, et le ramenerai où vous vou-ment que tu maries ta fille? Qui drcz. diantre voudra d'elle en te voyant

ainsi déguenillé ? Il te faut bien, vait au vôtre trois cents écus, et par force, avoir recours à l'indus- comme je suis homme d'honneur, trie-oui, tâchons adroitement à je viens vous payer. M. Guil. Me payer? attendez, nous procurer, à crédit, un bon habit de drap dans la boutique de monsieur, s'il vous plaît---je me monsieur Guillaume, notre voisin. remets un peu votre nom. Si je puis une fois me donner l'ex-je connais depuis long-temps votre térieur d'un homme riche, tel qui famille. refuse ma fille

Scène suivante.

M. Patelin, M. Guillaume.

M. Pat (à part) Bon! le voilà seul; approchons.

Oui,

Vous demeuriez au village ici près; nous nous sommes connus autrefois. Je vous demande excuse; je suis votre très-humble et très-obéissant serviteur. (Lur offrant sa chaise.) Asseyez-vous la, s'il vous plaît, asseyez-vous là. M. Pat. Monsieur !

que

M. Guil. Monsieur ! M. Pat. (s'asseyant) Si tous M. Guil, (à part feuilletant son livre) Compte du troupeau-six ceux qui me doivent étaient aussi exacts que moi à payer leurs dettes, cents bêtesM. Pat. (à part, lorgnant le je serais beaucoup plus riche drap) Voilà une pièce de drap qui je ne suis; mais je ne sais point ferait bien mon affaire-(A M.retenir le bien d'autrui. M. Guil. C'est pourtant ce qu'auGuillaume) Serviteur, monsieur. M. Guil. (sans le regarder) Est-jourd'hui beaucoup de gens savent ce le sergent que j'ai envoyé qué-fort bien faire. rir? qu'il attende.

M. Pat. Je tiens que la premiM. Pat. Non, monsieur, je suis---ère qualité d'un honnête homme M. Guil. (l'interrompant en leest de bien payer ses dettes, et je regardant) Une robe---le procu-viens savoir quand vous serez en commodité de recevoir vos trois reur donc ?---Serviteur.

M. Pat. Non, monsieur, j'ai cents écus. l'honneur d'être avocat.

M. Guil. Je n'ai pas besoin d'avocat: je suis votre serviteur.

M. Guil. Tout à l'heure.

M: Pat. J'ai chez moi votre argent tout prêt, et bien compté ; M. Pat. Mon nom, monsieur, mais il faut vous donner le temps ne vous est sans doute pas inconnu. de faire dresser une quittance pardevant notaire. Ce sont des charJe suis Patelin l'avocat.

M. Guil. Cela est juste. Eh

M. Guil. Je ne vous connais ges d'une succession qui regarde ma fille Henriette, et j'en dois point, monsieur. M. Pat. (à part) Il faut se faire rendre un compte en formes. connaître. (A M. Guillaume) J'ai trouvé monsieur, dans les mé-bien, demain matin à cinq heures. moires de feu mon père, une dette qui n'a pas été payée, et—

M. Pat. A cinq heures, soit. J'ai peut-être mal pris mon temps,

M. Guil. (l'interrompant) Ce monsieur Guillaume? je crains de ne sont pas mes affaires; je ne vous détourner.

dois rien.

M. Guil. Point du tout; je ne

M. Pat. Non, monsieur: c'est suis que trop de loisir; on ne vend au contraire feu mon père qui de- rien. VDL. I. Le Lecteur Français,

F

M. Pat. Et vous appreniez tout

M. Pat. Vous faites pourtant, plus d'affaires, vous seul, que tous ce qu'on voulait. les négocians de ce lieu.

M. Guil. A dix-huit ans je sa

M. Guil. C'est que je travaille vais lire et écrire. beaucoup.

M. Guil. Fort beau.

M. Pat. Quel dommage que

M. Pat. C'est que vous êtes, ma vous ne vous soyez pas appliqué foi, le plus habile homme de tout aux grandes choses! Savez-vous ce pays. (Examinant la pièce de bien, monsieur Guillaume, que drap.) Voilà un assez beau drap. vous auriez gouverné un état? M. Guil. Comme un autre. M. Pat. Tenez, j'avais justement dans l'esprit une couleur de drap comme celle-là. Il me soumer-vient que ma femme veut que je me fasse faire un habit. Je songe que demain matin à cinq heures,

M. Pat. Vous faites votre commerce avec une intelligence!

M. Guil. Oh, monsieur! M. Pat. Avec une habileté veilleuse !

M. Guil. Oh, oh, monsieur. M. Pat. Des manières nobles en portant vos trois cents écus, je et franches qui gagnent le cœur de prendrai peut-être de ce drap. tout le monde ! M. Guil. Je vous le garderai. M. Guil. Oh! point, monsieur. M. Pat. (à part) Le garderaiM. Pat. Parbleu! la couleur ce n'est pas là mon compte. (A de ce drap fait plaisir à la vue. M. Guillaume) Pour racheter une M. Guil. Je le crois, c'est cou-rente, j'avais mis à part ce matin leur de marron. douze cents livres, où je ne voulais M. Pat. De marron? que cela pas toucher; mais je vois bien, M. est beau! gage, monsieur Gui-Guillaume, que vous en aurez une llaume, que vous avez imaginé cette partie. couleur-là? M. Guil. Ne laissez pas de raM. Guil. Oui, oui, avec mon cheter votre rente; Vous aurez teinturier. toujours de mon drap.

M. Pat. Je l'ai toujours dit, il y a plus d'esprit dans cette tête-là, que dans toutes celles du village M. Guil. Ah! ah! ah! M. Pat. (tálant le drap) Cette laine me parait assez bien conditionnée.

M. Pat. Je le sais bien; mais je n'aime point à prendre à crédit -Que je prends de plaisir à vous voir frais et gaillard! quel air de santé et de longue vie!

M. Guil. Je me porte bien.
M. Pat. Combien croyez-vous

M. Guil. C'est pure laine d'An- qu'il me faudra de ce drap, afin gleterre. qu'avec vos trois cents écus, je

M. Pat. Je l'ai cru---à propos porte aussi de quoi le payer? d'Angleterre, il me semble, mon- M. Guil. Il vous en faudra--sieur Guillaume, que nous avons Vous voulez sans doute l'habit autrefois été à l'école ensemble? complet?

M. Guil. Chez monsieur Nico- M. Pat. Oui, très-complet: dème? justaucorps, culotte, et veste, douM. Pat. Justement. Vous étiez blées de même, et le tout bien beau comme l'amour. long et bien large.

M. Guil Je l'ai ouï dire à ma mère.

M. Guil. Pour tout cela, il vous en faudra---oui---six aunes. Vou

lez-vous que je les coupe en atten-là; à demain à dîner; ma femme

dant?

M. Pat. En attendantmonsieur, non, l'argent à la s'il vous plaît, l'argent à la c'est ma méthode.

Cro

les apprête à miracle---Par ma foi! -non, il me tarde qu'elle me voie sur le main, corps un habit de ce drap. main :yez-vous qu'en le prenant demain matin, il soit fait à dîner?

M. Guil. Elle est fort bonne.] M. Guil. Si vous ne donnez (A part) Voici un homme très-du temps au tailleur, il vous le gâ

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M. Pat. Ce serait grand do

M. Pat. Vous souvient-il, M. Guillaume, d'un jour que nous mmage. Soupâmes ensemble à l'Ecu de M. Guil. Faites mieux. Vous France? avez, dites-vous, l'argent tout prêt? M. Pat. Sans cela, je n'y songe

M. Guil. Le jour qu'on fit la fête

du village?

rais pas.

M. Guil. Je vais le faire porter

M. Pat. Justement. Nous raisonnâmes, à la fin du repas, sur les chez vous par un de mes garçons. affaires du temps, et je vous ouis Il me souvient qu'il y en a là de dire de belles choses. coupé justement ce qu'il vous en

M. Guil. Vous vous en souve- faut.

nez?

M. Pat. (prenant le drap) Cela M. Pat. Si je m'en souviens? est heureux! Vous prédites dès-lors tout ce que M. Guil. Attendez. Il faut aunous avons vu depuis dans Nostra-paravant que je l'aune en votre damus. présence.

M. Guil. Je vois les choses de M. Pat. Bon! est-ce que je ne me fie pas à vous?

loin.

M. Pat. Combien, M. Gui- M. Guil. Donnez, donnez; je llaume, me ferez-vous payer de vais vous le faire porter, et vous l'aune de ce drap? m'enverrez par le retour--

M. Guil. (regardant la marque) M. Pat. (l'interrompant) Le Voyons---un autre en payerait, ma- retour---non, non: ne détournez foi! six écus; mais allons---je vous pas vos gens, je n'ai que deux pas le baillerai à cinq écus. à faire d'ici chez moi---comme

M. Pat. (à part) Le Juif !--- vous dites, le tailleur aura plus de (A M. Guillaume) Cela est trop temps. honnête! six fois cinq écus, ce sera M. Guil. Laissez-moi vous dojustement--nner un garçon qui me rapportera

M. Guil (l'interrompant) Trente l'argent.

écus.

Je

M. Pat. Eh, point, point. M. Pat. Oui, trente écus; le ne suis pas glorieux, il est presque compte est bon-Parbleu! pour nuit; et sous ma robe on prendra renouveler connaissance, il faut que ceci pour un sac de procès. nous mangions demain à dîner une M. Guil. Mais, monsieur, je vais oie, dont un plaideur m'a fait pré-toujours vous donner un garçon

sent.

pour me-

M. Guil. Une oie! je les aime M. Pat. (l'interrompant) Eh, point de façon, vous dis-je---à cinq M. Pat. Tant mieux. Touchez heures précises, trois cent trente

fort.

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ça, il

écus, et l'oie à dîner-Oh
se fait tard: adieu, mon cher voi-
sin, serviteur.

M. Guil. Serviteur, monsieur,
(M. Pat. entre chez

serviteur.

lui.)

Brutys et Palaprat.

Scène du Grondeur.

M. Grichard, vieux

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M. Gri. Non.

L'Ol. Voulez-vous que je la tienne fermée ? M. Gri. Non.

L'Ol. Si faut-il, monsieur--M. Gri. Encore! tu raisonneras, ivrogne?

Ar. Il me semble, après tout, mon frère, qu'il ne raisonne pas mal; et l'on doit être bien aise d'avoir un valet raisonnable.

M. Gri. Et il me semble à moi, médecin; monsieur mon frère, que vous raiL'Olive, son valet, Ariste, frère sonnez fort mal, Oui, l'on doit être bien aise d'avoir un valet raisonnable, mais non pas un valet

de Grichard.

M. Gri. Bourreau, me feras-tu raisonneur. toujours frapper deux heures à la porte?

L'Ol. Morbleu! j'enrage d'avoir raison.

M. Gri. Te tairas-tu?

L'Ol. Monsieur, je me ferais

L'Ol. Monsieur, je travaillais au jardin. Au premier coup de marteau j'ai couru si vite que je suis hacher; il faut qu'une porte soit tombé en chemin. ouverte, ou fermée: choississez

M. Gri. Je voudrais que tu te comment la voulez-vous? fusses rompu le cou, double chien: M. Gri. Je te l'ai dit mille fois, que ne laisses-tu la porte ouverte ? coquin. Je la veux---je la---ma' L'Ol. Eh! monsieur, vous me voyez ce maraud-là, est-ce à un grondâtes hier à cause qu'elle l'é- valet à me venir faire des questait: quand elle est ouverte, vous tions? Si je te prends, traître, je vous fàchez; quand elle est fer-te montrerai bien comment je la mée, vous vous fàchez aussi ; je ne veux. Vous riez, je pense, monsais plus comment faire, sieur le jurisconsulte?

M. Gri. Comment faire!

Ar. Moi? point. Je sais que Ar. Mon frère, voulez-vous les valete ne font jamais les choses bien-? comme on leur dit.

M. Gri. Oh, donnez-vous patience. Comment faire, coquin! Ar. Eh, mon frère, laissez-là ce valet, et souffrez que je vous parle de

M. Gri. Vous m'avez pourtant donné ce coquin-là

Ar. Je croyais bien faire.

M. Gri. Oh, je croyais-? Sachez, monsieur le rieur, que je M. Gri. Monsieur mon frère, croyais n'est pas le langage d'un quand vous grondez vos valets, on homme bien sensé.

vous les laisse gronder en repos. Ar. Et laissons cela, mon frère, Ar. (A Part) Il faut lui laisser et permettez que je vous parle passer sa fougue. d'une affaire plus importante, dont M. Gri. Comment faire, infame! je serais bien aise—

L'Ol. Oh ça, monsieur, quand M. Gri. Non, je veux auparavous serez sorti, voulez-vous que je vant vous faire voir à vous-même laisse la porte ouverte ? comment je suis servi par ce pen

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