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Agar. J'ai voulu te garantir duf soleil. Je me suis levée..J'ai renversé ce vase, et je t'ai donné la

mort!....

Ism. Non maman•• non..cette eau n'aurait pu me suffire.

SCENE II.

L'Ange, Agar, Ismaël.

L'Ange. Agar!....

Agar. Que vois-je!..(Elle re

Agar. Quelle pâleur couvre son garde son fils toujours étendu à

ront! mon fils!....

terre sans mouvement.) O mou

Ism. Maman, donnez-moi votre fils!....

main que je la baise encore.

L'Ange. (s'approchant.) Agar!

Agar. La sienne est froide et Essuyez vos larmes. tremblante.. Mon enfant!..Il ne Agar. Mon fils va donc m'être me répond pas!....Ismaël, ouvre rendu! Mais, ô Ciel! il est toujours les yeux! Embrasse encore une sans mouvement. Ismaël..Ismaël! fois ta malheureuse mère. (Elle Ah! c'en est fait, il n'est plus !.. met la main sur son cœur.) Il bat (Elle se lève impétueusement, et encore...(Elle se met à genoux.) court se précipiter aux pieds de O toi, Etre suprême et bienfaisant, l'Ange.) Dois-je donc perdre tout à qui tout est possible! toi, sou-lespoir?...

tien, protecteur des infortunés. L'Ange. Votre confiance, Agar, daigne jeter un regard sur moi! et votre foi n'égalent-elles pas votre Je me soumets, si tu l'ordonnes; soumission?

mais ma confiance en ta bonté, Agar. (toujours aux pieds de égale mon obéissance! Conserve-l'Ange.) Oui, je suis résignée... moi le bien que tu m'as donné; Hélas! si Dieu l'exige, je m'interou du moins, grand Dieu! ne me dirai jusqu'à la plainte. Mais mon condamne point à vivre! Tu vas courage n'abandonne..un doute prononcer, j'attends mon arrêt..affreux glace mon cœur.....Dieu Mais c'est un père qui va le rendre! veut-il m'éprouver, ou combler ma (Elle retombe auprès de son fils, misère? le visage caché.) Après un long L'Ange. Lui sacrifiericz-vous, sans murmure, le seul bien qui vous L'Ange (derrière le théâtre.) reste cet enfant si chéri? Agar!.... Agar. Je le tiens de sa bonté.. Agar. Qu'entends-je ? et quelle il peut me retirer ses bienfaits.. voix céleste vient ranimer mon (Elle se relève, et court auprès de son fils.) Mon fils!.. C'est en vain (On entend une symphonie douce.) que je l'appelle. Hélas! il m'en

silence.

cœur?

Où suis-je ?

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La

tendrait s'il respirait encore.
voix de sa mère désolée ranimerait
ses sens. Mes cris sont superflus.

La toile du fond se lève, et l'on Ismaël, n'y peut répondre...... découvre l'Ange sur un nuage, Ismaël! ô nom jadis si doux à réune palme à la main. Le théá-péter!..nom chéri! maintenant tre change, et représente un je ne puis le prononcer qu'en frépaysage charmant, orné de fleurs missant.

et de fruits.)

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LE LECTEUR FRANCAIS

L'Ange, Agar! pourquoi vous Ager. Qu'entends-je, ô Ciel! livrer à ce vain désespoir?....vous quelles paroles consolantes et dipleurez votre fils. Il paraît mort à vines!

vos yeux: mais doutez-vous de la L'Ange. Levez les yeux: voyez, puissance immortelle du Seigneur? heureuse Agar; la bonté du SeiAgar (se relevant). Sa pui-gneur fait encore un nouveau prossance! Ah! sans doute, il peut dige pour vous.

tout, il peut tarir la source de mes (L'Ange touche la terre avec sa larmes; il peut me rendre mon fils. palme, il en jaillit à l'instant une Insensée que je suis! je pleurais, fontaine abondante.)

et Dieu me voit et m'entend. Agar. O mon Dieu! tant de L'excès de ma douleur l'offensait bienfaits ne me seront pas inutiles. peut-être. Cette idée m'accable Vouz voulez que j'en jouisse; Iset me déchire.... Pardonne-moi, maël va donc revivre? grand Dieu, de coupables trans- L'Ange. (s'approche d'Ismaël). ports!.... Daigne jeter sur cet en- Approchez-vous, Agar!

fant un regard paternel: que son Agar. (courant se précipiter à innocence te touche! Ah! puisse-genoux aux pieds de son fils). Ah! t-il du moins n'être pas la victime grand Dieu! mon fils! Mais n'estdes fautes et de la faiblesse d'une ce point une illusion? Sa pâleur se mère infortunée!....O Ciel! que dissipe. O Ciel! si je m'abusais! ta colère ne tombe que sur moi!.. (Elle lui prend la main.) Sa main mais rends le jour à mon fils: qu'il n'est plus froide..Ismaël! Mon vive! que je puisse encore une fois Dieu! achève ton ouvrage!.. lui parler et l'entendre, ô mon (Après un moment de silence, elle Dieu!.... et j'adorerai, je bénirai, regarde attentivement son fils.) en expirant, et ta justice et ta Il ouvre les yeux; ô mon fils!.... bonté. Je me meurs. (Elle tombe sur le

L'Auge. Agar, tout ce qui vous lit de gazon.) environne déjà vous retrace, ou L'Ange. Agar, Agar, ranimezvous présage sa bienfaisance infinie; vous pour louer, pour adorer le il a transformé l'affreux désert où Seigneur! vous gémissiez, en un séjour délicieux. Sa puissance et sa gloire éclatent et brillent autour de vous. Agar, et regardez votre fils. Agar. Hélas! un seul objet

Agar. (revenant à elle). Ismaël!
L'Ange. Reprenez vos sens,

Agar. Mon fils!.... mest

frappe ici mes yeux. Je n'y puis rendu! Quoi! ce n'est point un voir qu'Ismaël privé de la vie.

songe.

L'Ange. Ne vous laissez point Ism. (se soulevant). Ah! je reabattre, Agar. Vous êtes fidelle nais!.

et soumise? N'avez-vous pas l'heu- Agar. Ah! mon fils! cher enreux droit de tout espérer? Quel fant, viens dans mes bras, viens miracle est impossible à l'Etre su-embrasse la plus heurense des mèprême, qui lit au fond de votre res!.... Que dis-je!..Non, proscœur? Il vous juge, Agar, et vous ternons-nous, et remercions le protège. Il punit avec indulgence; Ciel.

et lui seul sait récompenser sans

mesure.

Ism. Que ne lui dois-je pas maman! Il nous réunit.

L'Ange. Jouissez désormais, Agar. Ah! pourrais-je y manAgar, d'un bonheur inaltérable : quer après de tels bienfaits? Dieu m'ordonna de vous éprouver. L'Ange. Que votre exemple, Il est satisfait, et tous vos maux Agar, serve à jamais de leçon; sont finis. Elevez cet enfant; do- qu'il corrige les murmures des mornnez-lui des vertus; inspirez-lui la tels insensés, et qu'il apprenne que crainte, et sur tout l'amour du Sei-Dieu sait récompenser la patience, gneur. Voilà le plus digne ho- la soumission, le courage, et la mmage que vous puissiez offrir de vertu.

tre reconnaissance.

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lombe; mais prenez bien garde de lui faire du mal!.. Doucement

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Le Théâtre représente un Jardin. donc, vous allez la blesser....Là, Rosine, Amélie, Colin.

fort bien, délicatement, comme cela. Attendez, Colin; que je lui [La toile se lève, et l'on voit Amélie dise adieu!....(Elle la baise encore auprès d'un arbre, et tenant une et la caresse.) Charmante petite colombe contre son sein: Rosine créature! Allez, Colin....(Colin tient une corbeille de fleurs, et sort avec la colombe.)

considère sa sœur en révant, elle

est appuyée sur un oranger; Colin arrose l'oranger.]

Rosine [après un moment de silence.] Elle ne songe qu'à sa colombe!

SCENE II.

Rosine, Amelie.

Ros. En vérité, ma sœur, je vous Amél. Pauvre petite colombe, admire, de pouvoir ainsi, à votre comme elle reste là sur mon cœur !âge, vous occuper d'un oiseau!.... Comme elle est douce et tranquille! Amél. Mais, moi, je ne critique que je l'aime! (Elle la baise). pas votre goût pour les fleurs; Ros. (haussant les epaules). Cela pourquoi, Rosine, vous moqueż est touchant! vous de ma colombe?....

Amél. Colin, avez-vous mis du Ros. Ah, quelle différence! Les grain et de l'eau dans la volière? fleurs ne sont pour moi qu'un simCol. Oui, mademoiselle.... ple amusement; et votre triste Amel. Tenez, portez-y ma co-tourterelle est pour vous l'objet VOL. I. Le Lecteur Français.

G

.

d'un sentiment très-vif, très ten-moi votre confiance et votre tendre... dresse...

Amel. Très-vif..... très-tendre! Amél. Vous méritez l'une et ....quelle folie!.... Mais après l'autre, et vous êtes ma sœur; tout, une colombe douce, sensible, ainsi, quand Zélis aurait toutes les est plus faite pour intéresser qu'une qualités qui m'attachent à vous, je vous aimerais toujours mieux

rose....

Ros. Aussi vous sacrifierais-je qu'elle... sans peine toutes mes roses, mes Ros. Parce que je suis votre orangers, mon lilas blanc, et jus-sœur! Ah, que cela est froid!.... qu'au myrte charmant que Zélis Amél. Mais comptez-vous pour m'a donné; et vous, Amélie, vous rien le noeud si doux qui nous unit, ne pourriez vous résoudre à me ces liens sacrés du sang qui nous donner votre colombe. font un devoir de nous chérir?.... Amél. Que signifient ces re- Ros. Ainsi donc vous ne m'aimez proches?....Depuis quand, Ro-que par devoir!.... sine, doutez-vous de mon amitié? S'est-elle jamais dementie? Ros. Ah, je m'entends.

....

Amél. Non, mais ce devoir me rend ma tendresse plus chère. Ros. Oh! que nous sentons di

Amél. Pour moi, je ne vous com-fféremment! Mais quelqu'un vi

prends pas.....

Ros. Changeons d'entretien...

Zélis arrive aujourd'hui.

ent...

Amél. C'est peut-être Zélis!...
Ros. En effet, je crois reco-

Amél. Après six mois d'absence, nnaître sa voix...

qu'il me sera doux de la revoir!.. Amél. (Elle court au devant de Ros. Oh! je n'en doute pas; car Zélis). Ah! c'est elle sûrement. s'il faut expliquer ma pensée, vous Ros. Quelle joie!.... Quels n'avez jamais rien aimé comme transports! Que ferait-elle de plus pour moi?....Allons, conAmél. (souriant). Le croyez-vous, traignons-nous.

Zélis...

ma sœur?....

Ros. Oui, pas même votre colombe...

...

(Amélie et Zélis reviennent en se tenant sous le bras.)

SCENE III.

Rosine, Amélie, Zélis

Amél. Je me rappelle qu'autrefois vous eûtes l'injustice de croire que je vous préférais Zélis; mais, depuis son départ, vous me paraissiez entièrement guérie de cette Zel. Où est-elle donc? prévention... Quand vous m'en a- Amél. La voilà. (Rosine fait ssuriez, vous me trompiez donc, ma quelques pas, Zélis court à elle, et l'embrasse.)

sœur...

Ros. Je ne vous tromperai ja- Zel. Rosine, Amélie, quel bonmais, Amélie.... mais je vous aime heur pour moi de me retrouver avec trop pour n'être pas souvent in-vous!....

quiète, agitée, et peu d'accord avec Ros. Croyez que mon cœur le moi-même... Vous êtes ma seule partage...

et véritable amie, et je ne puis Amél. et Ros. Nous ne vous asouffrir qu'une autre partage avee;ttendions que ce soir.

Zél. Oh! nous sommes venues d'une eau sale!....Et puis pas sans nous arrêter.... Ma mère avait une fleur. Imaginez-vous que j'y tant d'impatience de revoir la vôtre; ai cherché tout un jour de la viocar elle l'aime comme nous nous lette, aimons. Pendant qu'elles sont en-brin. fermées ensemble, causons en li

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sans en trouver

un seul

Ros. Oh, j'aime mieux notre aberté: on a tant de choses à se llée de saules sur le bord de la ridire, après une absence aussi vière. longue!....

Zél. Et moi aussi, je vous as

Amél. D'abord vous nous con- sure.

terez vos voyages.

Amél. Voyez un peu comme les

Zél. Oh! ce sera le sujet de voyageurs mentent, avec tous leurs

plus d'un entretien.

Ros. Combien avez vous fait de lieues!....

beaux récits des Tuileries!....

Zel. Moi, qui suis vraie, vous pouvez m'en croire; le séjour que Zél. J'en ai fait le calcul sur mon nons habitons vaut mille fois mieux journal... Je vais vous le dire, a-que Paris. Ici l'air est si pur, si ttendez Il y a d'ici à Paris qua-parfumé..la eampagne si fleurie, rante lieues. Quarante lieues pour si riante!.... J'étais triste à Paris; pour revenir, toujours des murs, des maisons, aller, quarante lieues point de verdure au mois de Juin; cela fait quatre-vingts lieues. Ros. et Amél. (ensemble). Vous si vous saviez comme cela serre le avez fait quatre-vingts lieues?..

Zél. Tout autant..

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Ros. Cela est prodigieux?

cœur!

Ros. Oh, je l'imagine facile

....ment...

Amél. Quatre-vingts lieues en

Amél. Vous serez donc bien aise

six mois ! Vous devez être bien de revoir toutes nos anciennes profatiguée!....

Zél. Non, pas trop.

menades?.... Zél. Oh, demain je me lève avec Ros. Ah çà,, parlez-nous donc le jour... Mais par où commencede Paris. Comment l'avez-rons-nous? peu vous trouvé?....

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Amél. Vous avez vu les Tuileries, l'Opéra?....

Žél. Oui. Mais je n'aime pas T'Opéra, il y fait trop chaud; et

Ros. Nous irons à la prairie.
Zel. Oh, la prairie!.... Que j'y
Ah, j'ou-
sauterai de bon cœur.....
bliais de vous dire... Il est défendu
de sauter aux Tuileries.....

Amél et Ros. Bon!....
Zél. Oui, réellement défendu..

puis l'on est enfermé là comme Il faut s'y promener d'un pas bien dans une prison. Il n'y a que les grave, comme cela.... demoiselles qui chantent et qui [Elle se promène avec une gravité dansent, qui soient aux bonnes ridicule].

Ros. Ah, juste Ciel, quel pays!

places. Ros. Et les Tuileries!.... On.... J'espère que je n'y voyagerai dit que c'est une si belle prome-jamais.... Zél. Oh, vous en verrez bien nade. Zél. Pas trop. De grandes a-d'autres, quand je vous lirai mon llées toutes droites, un grand rond journal..... Vous y trouverez le

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