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Un profond silence a régné.

S. M. a prononcé le discours suivant :

"Messieurs, lorsque l'année derniere j'assemblai pour la premiere fois les deux chambres, je me félicitai d'avoir par un traité honorable rendu la paix à la France. Elle commençait à en goûter les fruits, toutes les sources de la prospérité publique se rouvraient, une entreprise criminelle secondée par la plus inconcevable défection est venue en arrêter le cours. Les maux que cette usurpation éphémere a causés à notre patrie, in'affligent profondément. Je dois cependant déclarer ici que s'il eût été possible qu'ils n'atteignissent que moi, j'en bénirais la Providence; les marques d'amour que mon peuple m'a données dans les moments même les plus critiques m'ont soulagé dans mes peines personnelles; mais celles de mes sujets, de mes enfants, pesent sur mon cœur, et pour mettre un terme à cet état de choses, plus accablant que la guerre même, j'ai dû conclure avec les puissances, qui, après avoir renversé l'usurpateur, occupent aujourd'hui une grande partie de notre territoire, une convention qui regle nos rapports présents et futurs avec elles. Elle vous sera communiquée, sans aucune restriction, aussitôt qu'elle aura reçu sa derniere forme. Vous connaîtrez, Messieurs, et la France entiere connaîtra la profonde peine que j'ai dû ressentir; mais le salut même de mon royaume rendait cette grande détermination nécessaire; et quand je l'ai prise, j'ai senti les devoirs qu'elle m'imposait. J'ai ordonné que cette année il fût versé du trésor de ma liste civile, dans celui de l'Etat, une portion considérable de mon revenu. Ma famille, à peine instruite de ma résolution, m'a offert un don proportionné. J'ordonne de sembables diminutions sur les traitements et dépenses de tous mes serviteurs, sans exception. Je serai toujours prêt à m'associer aux sacrifices que d'impérieuses circonstances imposent à mon peuple. Tous les états vous seront remis, et vous connaîtrez l'importance de l'économie que j'ai commandée dans les départements de mes ministres et dans toutes les parties de l'administration. Heureux si ces mesures pouvaient suffire aux charges de l'Etat! Dans tous les cas, je compte sur le dévouement de la nation et sur le zele des deux chambres.

"Mais, Messieurs, d'autres soins plus doux et non moins importants vous réunissent aujourdhui; c'est pour donner plus de poids à vos délibérations, c'est pour en

recueillir moi-même plus de lumieres que j'ai créé de nouveaux pairs, et que le nombre des députés des départements a été augmenté. J'espere avoir réussi dans ines choix et l'empressement des députés dans ces conjonctures difficiles, est aussi une preuve qu'ils sont animés d'une sincere affection pour ma personne et d'un amour ardent de la patrie.

Cette

Assez

"C'est donc avec une douce joie et une pleine confiance que je vous vois rassemblés autour de moi, certain que vous ne perdrez jamais de vue les bases fondamentales de la félicité de l'état, union franche et loyale des chambres avec le Roi, et respect pour la charte constitutionnelle. charte que j'ai méditée avec soin avant de la donner, à laquelle la réflexion m'attache tous les jours davantage, que j'ai juré de maintenir, et laquelle vous tous, à commencer par ma famille, allez jurer d'obéir, est sans doute comme toutes les institutions humaines, susceptible de perfectionnement: mais aucun de nous ne doit oublier qu'auprès de l'avantage d'améliorer est le danger d'innover. d'autres objets importants s'offrent à nos travaux ; faire refleurir la religion, épurer les mœurs, fonder la liberté sur le respect des lois, les rendre de plus en plus analogues à ces grandes vues, donner de la stabilité au crédit, récomposer l'armée, guérir des blessures qui n'ont que trop déchiré le sein de notre patrie, assurer enfin la tranquillité intérieure, et par-là faire respecter la France au-dehors; voilà où doivent tendre tous nos efforts. Je ne me flatte point que tant de biens puissent être l'ouvrage d'une session: mais si à la fin de la présente législature, on s'aperçoit que nous en ayons approché, nous devrons être satisfaits de nous. Je n'y épargnerai rien, et pour y parvenir, je compte, Messieurs, sur votre coopération la plus active."

M. le chancelier, averti par un signe du grand-maître des cérémonies, a pris les ordres de S. M. et a indiqué aux princes de la famille royale et aux princes du sang que c'était le moment de prêter le serment.

Monsieur s'est levé et a dit:

"Je jure d'être fidele au Roi, d'obéir à la Charte constitutionnelle et aux lois du royaume."

Mgr. le duc d'Angoulême, Mgr. le duc de Berri, Mgr. le duc d'Orléans, et Mgr. le prince de Condé ont fait successivement le même serment.

M. le chancelier a lu ensuite la formule du serment de MM. les pairs, et en fait l'appel nominal; la formule était ainsi conçue:

"Je jure d'être fidele au Roi, d'obéir à la Charte constitutionnelle et aux lois du royaume, et de me conduire en tout comme il appartient a un bon et loyal pair de France."

Chacun de MM. les pairs a répondu debout, de sa place, ces mots: "Je le jure."

Le serment de MM. les pairs terminé, M. le ministre secrétaire-d'état de l'intérieur a lu la formule du serment de MM. les députés, et en a fait l'appel nominal. La formule était ainsi conçue:

"Je jure d'être fidele au Roi, d'obéir à la Charte constitutionnelle et aux lois du royaume, et de me conduire en tout comme il appartient à un bon et loyal député.

Un membre de la chambre des députés, M. Domingon appelé à prêter le serment, a demandé à prendre la parole: M. le duc de Richelieu, président du conseil des ministres, s'est à l'instant approché du Roi, a pris ses ordres, et a dit: L'usage immémorial de la monarchie ne permet pas dans de semblables circonstances de prendre la parole en présence du Roi sans la permission de Sa Majesté; S. M. ordonne que l'appel nominal soit continué."

Le député a prêté le serment.

Le serment de MM. les députés terminé, M. le chancelier de France a déclaré, au nom du Roi, que la session de la chambre des pairs et de la chambre des députés, pour l'année 1815 était ouverte, et que les chambres devaient se rassembler lundi prochain, pour commencer le cours de leurs séances.

S. M. est alors descendue de son trône et a quitté la salle au milieu des mêmes acclamations qui l'avaient accueillie à son arrivée.

Des salves d'artillerie ont annoncé le départ du Roi et son retour au château des Tuileries.

A l'exception de M. le comte de la Bourdonnaie de Blossac, et du comte Jules de Polignac, qui ont désiré motiver leur serment.

Extrait d'un Journal Anglais.

Un correspondant de Paris nous mande, dit un journal anglais: "Vous avez sans doute déjà reçu le discours prononcé par Sa Majesté à l'ouverture de la session. Ce discours n'a pas satisfait la grande majorité du public. Les termes vagues dans lesquels on y parle du traité causent laplus vive inquiétude. Les fonds baisserent aussitôt que des personnes qui l'avaient entendu arriverent à la bourse. On observe encore avec peine que le Roi a annoncé aux Chambres qu'elles ne doivent point s'occuper de revoir la Charte Constitutionnelle, quoiqu'il · eût annoncé lui même, il y a quelque temps, en termes exprès, qu'elle devait subir des altérations, et même qu'il eût indiqué nominativement les articles sur lesquels elles devaient plus particulierement porter leur attention. On n'a pas moins vu avec beaucoup de peine l'interruption imposée, suivant les formalités arbitraires de l'ancien régime, à deux membres qui désiraient expliquer et motiver leur serment de fidélité à la Charte. On avait préparé une tribune exprès pour la Duchesse d'Angoulême; mais S. A. R. ne vint point en prendre possession, probablement par la répugnance qu'elle devait avoir à sanctionner par sa présence le serment de fidélité à cette même Charte que les princes de sa famille devaient prêter. Le ministre de la police générale a ordonné à tous les rédacteurs de journaux de ne pas faire mention de l'insurrection qui a eu lieu lors du licenciement de la cavalerie à Niort, ce qui fait croire que cette insurrection est d'une nature alarmante.

Imprimé pour SCHULZE et DEAN, 13, Poland St., Oxford-St. chez lesquels on peut souscrire, à Londres, ainsi que chez M. PELTIER, 1, Hinde Street, Manchester Square. Prix Cinq Guinées par An.

OU

VARIÉTÉS LITTÉRAIRES ET POLITIQUES.

No. CCCCLII.-Le 20 Octobre, 1815.

SUR LES MONUMENTS ENLEVÉS AU MUSÉE

FRANÇAIS.

Lettre du Duc de Wellington, à Lord Castlereagh. Paris, 23 Septembre.

Mylord,

On a beaucoup parlé ici en dernier lieu des mesures que j'ai été obligé de prendre, afin d'obtenir pour le Roi des Pays-Bas, ses tableaux et les autres objets à lui appartenant dans le Musée, et comme ces bruits peuvent parvenir aux oreilles du Prince Régent, je vous adresse le compte qui suit de toute l'affaire, pour l'instruction de Son Altesse Royale.

Peu de temps après l'arrivée des Souverains à Paris, le ministre du roi des Pays-Bas demanda les tableaux, etc, appartenant à son maître, ainsi que le firent les ministres des autres souverains, et il ne put, à ce que j'appris, recevoir une réponse satisfaisante du gouvernement français. Après avoir eu plusieurs conversations avec moi à ce sujet, il adressa à votre seigneurie une note officielle qui fut mise sous les yeux des ministres des puissances alliées, assemblés dans des conférences où l'affaire fut prise en considération à différentes reprises, afin d'aviser aux moyens de rendre justice aux réclamants d'objets d'art dans le Musée, sans blesser la sensibilité du roi de France.

Dans les entrefaites, les Prussiens avaient obtenu de Sa VOL. LI.

K

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