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HISTOIRE DES INCAS,

PREMIERE PARTIE

LONSO SANCHEZ étoit un très bon Pilote, qui náquit à Huelva Bourg d'Espagne, fitué dans le Comté de Niebla, & faifoit le commerce des Marchandifes d'Efpagne aux Canaries, & à l'Ifle de Madere. Environ l'an 14845 il fut battu d'une fi forte tempête, qu'il n'eut point d'autre parti à prèn

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que celui de s'abandonner à la violence du vent, qui le conduifit pendant 29. jours, fans qu'il lui fût poffible de prendre aucune hauteur, ainfi l'on peut juger de tous ce que fouffrirent Sanchez & fon Equipage; mais enfin, le vent changea, & le calme ayant fuccedé, ils fe trouverent auprès Tome I. A

d'une Ifle, dont on ne fçait pas le nom, mais que l'on croit être celle qui depuis a été nommée. St. Domingue. Ce qu'il y a de fingulier dans cette découverte, c'eft que cette Ifle étant à l'oueft des Canaries, que il faut que ce Vaiffeau ait été emporté par un vent d'Eft, qui calme ordinairement les Mers.

Sanchez releva les Terres, fit un journal Très-exact de ce qui lui étoit arrivé, & remit à la voile après avoir fait de l'eau & du bois; mais comme il ignoroit la route qu'il devoit tenir, il fut plus long-tems à revenir qu'il ne l'avoit imaginé. L'eau & les provifions lui manquerent, & ces incommodités fe joignant aux fatigues précedentes, il perdit douze hommes, & il n'en avoit plus que quatre avec lui en arrivant dans l'Ile de Tercere. Le fameux Chriftophe Colomb Gênois, connu dès-lors pour un grand Pilote, & célebre par les Cartes marines qu'il faifoit, les logea dans fa maifon, & les accabla de bons traitemens, pour s'inftruire à fond de ce qui leur étoit arrivé. Malgré Tous les foi ns qu'il prit de fes hôtes, ils moururent en très-peu de jours.

Leur mort, leurs périls & leurs fatigues, n'effrayerent point Chriftophe; il forma le projet d'ouvrir aux Européens la route de

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te nouveau monde, & l'executa enfin à la gloire & à l'avantage de l'Efpagne. Lopez de Gomara a écrit dans fon hiftoire les avantures de Colomb, mais d'une maniere abregée, & il ne parle point de cette circonftance de la découverte je puis en parler fçavament, l'ayant entendu raconter dans les Indes à mon Pere, & aux Vieildards de fon tems. Ils s'entretenoient fouvent des évenemens confiderables arrivés pendant les conquêtes des Efpagnols, & je me fouviens non-feulement de ce que je viens de rapporter, mais de ce que je dirai dans la fuite, car il eft à préfumer qu'ils étoient inftruits. J'avoue cependant que j'étois fort jeune alors, & que je ne les écou tois pas toujours avec une égale attention fans cela je fçaurois beaucoup d'autres cho

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que l'on trouveroit avec plaifir dans cet ouvrage ; mais ne pouvant faire mieux, je vais toujours rapporter celles que je fçai. (a) En faifant l'Hiftoire du Perou, 'il eft na turel de rapporter l'origine de ce nom, qui n'a rien de commun avec le langage des

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(a) Le Pere Jofeph Acofta, fait mention de la découverte du nouveau monde, à peu près de la même façon, au dixiéme Chapitre de fon dixhuitiéme Livre, mais il ignoroit le nom du Pilore Efpagnol.

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Indiens. La Mer du Sud fut découverte en 1513. par un Gentilhomme nommé Vafco Nunez de Balboa, né à Xeres de Badajos. Les Rois Catholiques lui donnerent le titre d'Amiral de cette Mer, avec le Gouvernement de tous les Royaumes dont il feroit la découverte. Mais il ne joüit pas long tems de cet honneur; car le Gouverneur Pedro Arias d'Avila, dont il avoit épousé la Fille, lui fit indignement trancher la tête. Ce brave. Vafco avoit fait tout fon poffible pour fçavoir le nom de tous le pays, qui s'étend depuis Panama jufqu'au Sud, & pendant qu'il fe préparoit à la conquête de ces pays, il envoya trois ou quatre Vaiffeaux à la découverte en differentes faifons. Un de ces Bâtimens alla plus avant que les autres, & paffa la Ligne du côté du Sud. Comme iĺ étoit près de terre, on apperçût un Indien qui pêchoit à l'embouchure d'une Riviere. Celui qui commandoit fit mettre à terre (affez loin de l'Indien & fans qu'il s'en apperçût) quatre Efpagnols qui couroient & qui nageoient à merveille; il ne leur fut pas difficile de prendre un homme furpris & dans l'admiration d'un Vaiffeau fous voiles qu'il voyoit pour la premiere fois; éperdu & hors de lui-même, les Soldats le conduifirent au Navire. On lui fit toutes les cars

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