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Pendant toute la nuit, le grand-père fut en mouvement. Il allait, venait de la chambre à la grange, cherchant des planches, prenant une scie, emportant un marteau, enfonçant des clous. Il sciait et il tapait avec frénésie. Personne ne put dormir.

Et le lendemain, aux premiers rayons de l'aurore, il pria son fils de mettre les boeufs à la charrette, pour le conduire au chemin de fer.

Vous ne ferez pas ces deux petites lieues à pied ? répondit Marianne en ricanant.

- J'ai à emporter une petite caisse dont je ne veux pas me séparer. Je la mettrai dans la charrette et je m'asseoirai dessus.

Martial et sa femme se regardèrent stupéfaits. Mais Noémi et son mari, Nicolas Fantin, avaient déjà appris que le père allait partir en emportant une malle qu'il ne voulait confier à personne.

Le vieillard, toujours calme, montra une petite caisse fermée avec un soin exagéré; des barres transversales la consolidaient dans tous les sens. Fantin la souleva négligemment; elle était très lourde. Il la laissa retomber brusquement, on entendit comme un son métallique. Tous les yeux s'illuminèrent.

-Je te le disais bien que c'était un cachottier, murmura Noémi.

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J'étais sûr qu'il avait un magot,12 ajouta tout bas Nicolas.

Le « vieux > eut l'air de ne s'apercevoir de rien. Il répéta tranquillement: Mettez les boeufs à la charrette.

Mais, notre père, s'écria Nicolas Fantin, si vous avez des difficultés avec Martial, venez chez

nous.

- Pourquoi cela? répliqua Marianne; et de sa voix la plus douce: J'ai eu des torts envers le père, je pense qu'il me les pardonnera si je suis bien repentante.

- Puisque la petite Fanchette doit partir, reprenait Noémi, il sera mieux chez nous.

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Mais Fanchette ne partira pas, si le père désire la garder, riposta Marianne.

Et Fanchette, folle de joie, sauta au cou de son grand-père, et l'enlaçant dans ses bras elle lui criait :

Non, non, tu ne t'en iras pas..

La paix était scellée. Le vieillard embrassa tendrement sa petite-fille; puis, regardant ses enfants avec un sourire narquois, il cacha la précieuse caisse avec toutes sortes de précautions et n'en parla plus.

Mais le fils acheta deux chiens de garde, et, quand il s'absentait, le gendre accourait avec un fusil de chasse et s'installait dans la maison.

Chacun, maintenant, voulait gâter le père: c'était à qui serait le plus attentif à ses désirs et le plus prompt à les satisfaire. Il acceptait tout en souriant, avec l'air narquois qui ne le quittait plus.

14

On le gorgeait de friandises, on n'aurait pas coupé une branche morte sans le consulter. Fanchette n'en revenait pas. Elle était plus heureuse que lui de le voir si bien choyé. Il lui répétait quelquefois :

Quand je t'aurai mariée à ma guise, je n'aurai plus rien à faire en ce monde.

Ce fut lui, en effet, qui choisit le mari de Fanchette, un jeune paysan du voisinage, honnête, doux et solide à l'ouvrage.

Le bonheur de sa petite Fanchette était assuré, il ne lui en coûtait plus de mourir. 15 Il fit transporter son lit près de la fenêtre, et il s'éteignit, par une belle matinée d'automne, en souriant à sa terre bien aimée.

Fanchette seule pleura. Le premier mouvement de ses enfants fut de courir à la fameuse petite caisse si bien gardée : elle ne contenait que des cailloux.

Le vieux était vengé.

Notes grammaticales

VERBES TERMINÉS en cer et en ger.

Pourquoi écrit-on: il annonça (avec une cédille sous le c) et: il annonce (sans cédille).

Pourquoi écrit-on nous changeons au lieu de nous changons, le radical du verbe changer (première conjugaison) étant chang et la terminaison er (Français Pratique, page 111.)

PLURIEL DES NOMS EN au, eu, ou.

Nous avons dit (Français Pratique, page 18): 1o La règle générale pour former le pluriel des noms est d'ajouter un s au singulier. 20 Les noms terminés au singulier en s, x, z ne changent pas au pluriel.

30 La plupart des noms terminés au singulier en al changent al en aux. Les principales exceptions sont le bal, le carnaval, un régal; au pluriel: les bals, les carnavals, des régals.

Il faut ajouter: 1o que les noms terminés au singulier en au, eu

prennent un x au pluriel: un tableau, un jeu; des tableaux, des jeux. (Excepté: un landau, des landaus.)

20 Que quelques noms terminés au singulier en ou prennent aussi un x au pluriel.

Les seuls usités sont: un bijou, un caillou, un chou, un genou, un hibou (owl) un joujou; qui font au pluriel: des bijoux, des cailloux, des choux, des genoux, des hiboux, des joujoux.

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« Mettez cela sur la charrette; je m'asseoirai dessus. › Sur est une préposition et doit toujours avoir un complément, comme dans l'exemple qui précède.

Au contraire, dessus étant un adverbe n'a jamais de complément.

Il en est de même pour les prépositions ci-après et les adverbes qui leur correspondent.

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Expliquer l'emploi du verbe marier dans les phrases suivantes: « Il était veuf, avec un fils et une fille qu'il avait mariés sans dot. Tu te marieras avec un paysan comme moi.

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Son père et sa mère voulaient la marier à un avocat. Quand je t'aurai mariée à ma guise, je n'aurai plus rien à faire en ce monde. »

Verbes à conjuguer: annoncer, atteindre, changer, paître, se marier.

FAUTE DE PARAPLUIE

I..

La pluie ruisselait sur les vitres.

Réunis dans la salle à manger du château, nous contemplions, sombres et maussades,1 à travers les carreaux troublés, les pelouses et les grands arbres trempés d'eau et voilés d'une sorte de brume. Le spectacle n'était pas des plus gais.

-Chien de temps! fit l'un de nous; il sera impossible aujourd'hui de mettre le pied dehors. Notre oncle réfléchissait.

Quand on pense, fit-il tout à coup, que c'est faute d'un parapluie que je me suis marié! Oui, mes enfants, c'est à cette circonstance, toute bête,3 je vous l'accorde, que vous devez de posséder votre excellente tante.

Une histoire par une journée pareille, mais c'était le salut! La révélation, d'ailleurs, ne pouvait manquer d'être piquante.*

Mon oncle! mon oncle! criâmes-nous en chœur, racontez-nous cela.

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« Je venais d'être reçu docteur. Mon père, m'accordant un peu de relâche, m'avait expédié à son ami d'Arpentigny, que vous avez tous connu, en le priant de me procurer d'agréables vacances. Le brave homme ne faillit pas à la recommandation.

On recevait beaucoup chez lui, il avait toujours

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