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précieuses, en brisant mon miroir et en buvant mon vin.

Oh! par exemple! s'écria Joseph, en se redressant insolemment, et vous croyez que je resterai dans votre baraque, si vous me mettez au rabais!... 16 Je m'en vais tout de suite, et sans vous donner les huit jours.17

Et il sortit avec autant d'impertinence qu'il avait eu jusque-là de respect et de souplesse.

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Ma mère, s'écria Clarita dès qu'il eut disparu, ce Joseph me donne une idée lumineuse. Nous allons tenter une épreuve sur M. le baron;18 nous lui dirons...

Un coup de sonnette à la porte d'entrée19 l'interrompit.

- C'est lui, sans doute, dit Clarita, c'est l'heure de sa visite. Écoute vite ce que je veux faire.

Et se penchant à l'oreille de sa mère, elle lui parla tout bas.

- C'est parfait, dit Mme Aubertel en souriant. Le baron entra rayonnant et le bouquet à la main. Mademoiselle, dit-il à Clarita, permettez-moi de vous offrir ces fleurs, moins fraîches que...

-Monsieur le baron, dit Mme Aubertel, en l'interrompant, j'ai une chose importante à vous dire. Laisse-nous un instant, Clarita.

La jeune fille s'empressa de sortir, et Mme Aubertel resta seule avec le baron.

- Mon cher baron, dit-elle, avant la publication des bans il faut que je vous prévienne d'une petite diminution que je suis forcée de faire au chiffre de la dot.

-Vous dites, madame?... balbutia le baron en pâlissant.

- Je comptais donner trois cent mille francs à ma fille, continua-t-elle, mais depuis quelque temps, par suite de mauvais placements, ma fortune s'est trouvée réduite, et je ne puis pas lui donner plus de cent mille francs.

A chaque parole de Mme Aubertel, la figure du baron s'allongeait comme l'ombre sur le chemin, à la fin du jour.

Cent mille francs! dit-il enfin; mais, madame, avec le luxe des femmes, les mémoires20 des couturières, des modistes et des bijoutiers, que voulezvous que fasse un pauvre mari avec cinq mille francs de rente? Cela coûte très cher, une femme.

-Oui, dit Mme Aubertel, une poupée; je sais bien que maintenant, pour les maris comme pour les enfants, les poupées ont considérablement augmenté, mais ma fille n'est pas...

Il n'en est pas moins vrai qu'il faudra la conduire au bal, à l'Opéra, lui acheter des parures... qui lui iront fort bien, car certainement elle est charmante... ravissante... mais...

Il s'embarrassait dans ses phrases et cherchait le moyen de prendre congé de Mme Aubertel le plus poliment possible, lorsque Clarita apparut tout à

coup.

Monsieur le baron, j'ai eu la curiosité de vous écouter. Je veux être aimée pour moi-même et j'apporterai ma dot à un autre. Cependant, ne doutant pas de l'intérêt que vous me portez encore, je tiens à vous rassurer sur mon compte; cette dot est toujours de trois cent mille francs. J'ai voulu tenter

une épreuve, et je vois que vous faites pour la dot ce que Joseph fait pour ses gages: vous partez comme lui quand on parle de diminution.

Le baron sortit désespéré, désappointé, et entendit jusqu'à la porte d'entrée le rire argentin de Clarita. On assure que Mme Aubertel découvrit un serviteur modèle, et que Clarita trouva un prétendu selon son cœur, qu'elle ne consentit à épouser qu'après une longue année d'observation et de sympathie.

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Notes grammaticales

EMPLOI DU SUBJONCTIF

110 Je ne crois pas qu'on t'ait donné des renseignements Que voulez-vous que fasse un pauvre mari avec cent mille

sur.

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francs? »

Les verbes employés négativement ou interrogativement sont ordinairement suivis du subjonctif, parce que le plus souvent la forme négative et la forme interrogative mettent en doute le fait exprimé par le second verbe. Exemples ci-dessus.

Mais on ne fait pas usage du subjonctif si ces formes ne mettent pas ce fait en doute.

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Quelques vieux

Ex.: Savez-vous que M. X... est décoré ? · soldats ne croient pas que Napoléon Ier est mort. Expliquer l'emploi des deux subjonctifs ci-après madame me pardonne.! — Il faut que le pauvre monde vive. »

ARTICLE DEVANT plus, mieux, moins.

Que

Devant plus, mieux, moins, suivis d'un adjectif ou d'un participe, l'article défini s'accorde avec le sujet dont on parle, quand on compare ce sujet avec d'autres.

Ex.: Madame A. était la femme la plus occupée du monde. (Elle était plus occupée que toutes les autres femmes.)

Mais quand il n'y a pas de comparaison, c'est toujours le qui précède les mots plus, mieux, moins.

Ainsi on dirait: C'était dans la matinée que madame A. était le plus (ou: le moins) occupée; parce que, dans cette phrase, madame A. n'est pas comparée avec d'autres femmes,

Quand plus, mieux, moins sont seuls ou suivis d'un adverbe, l'article défini qui les précède est toujours le.

Ex.: De toutes ces dames, c'est madame X. qui s'habille le mieux; c'est elle aussi qui s'occupe le plus souvent de... Donner quelques exemples pour l'emploi de l'article variable et pour l'emploi de le invariable.

SUPPRESSION DE L'ARTICLE

Mme Aubertel, veuve d'un riche banquier... »

Les articles the ou a, quoiqu'ils soient employés en anglais, ne le sont pas en français devant un nom en apposition, c'est-à-dire placé immédiatement après le premier et le qualifiant, comme dans l'exemple ci-dessus.

On ne pourrait pas dire: Madame A., la veuve d'un riche banquier.

De EMPLOYÉ AU LIEU DE L'ANGLAIS in.

La femme la plus occupée du monde. On ne pourrait pas dire: dans le monde (in the world).

Donner quelques exemples.

VERBES PRONOMINAUX

Les verbes pronominaux sont toujours conjugués, dans leurs temps composés, avec l'auxiliaire être.

Verbes à conjuguer : s'asseoir, se coiffer, se ganter, se plaindre, s'écrier

LE DERNIER CIGARE

Comme on venait de servir le café, la maîtresse de la maison nous dit : « Vous savez, messieurs, la fumée ne me gêne en aucune façon...'» et, en même temps, elle fit signe à son mari.

Celui-ci se leva de table et revint au bout de deux minutes avec une boîte de cigares qu'il fit circuler, une boîte rectangulaire et plate, ornée d'inscriptions, dans laquelle s'étalaient d'énormes cigares enveloppés d'un papier d'argent.

La boîte, passant de main en main, arriva jusqu'à moi; après y avoir puisé, je la tendis à mon voisin de gauche. Il repoussa doucement mon bras, et d'un ton de regret: « Merci bien, monsieur, je ne fume pas. D

Vous ne fumez pas? fit notre hôtesse; où avezvous pris cette habitude-là?

Ce n'est pas une habitude, c'est une punition.
Une punition? Je ne comprends pas.

Oh! vous ne pouvez pas comprendre. C'est tout

un roman.

Un roman? Contez-nous cela.

Mon voisin ne demandait pas mieux, apparemment; il eut une inclination de tête comme pour dire: « Mais volontiers. Je n'attendais qu'un mot de vous », et il commença.

« J'ai cinquante ans, madame, à l'heure qu'il est,2 mais je ne les ai pas toujours eus. Il y a vingt-cinq

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