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côté de mes mœurs : & avec une rage & une fureur, qui n'eft pas, je ne dis pas d'un Prêtre; mais d'un Chré tien. Il m'y traite de parjure; il m'y traite de profane, & d'impénitent; plus profane & plus impénitent que l'Arétin, de qui on a dit qu'il avoit dit du mal de tout le monde excepté de Dieu, & qu'il s'en étoit excufé en difant qu'il ne le connoiffoit pas. Il veut faire croire à fes Lecteurs que j'ai dit dans un de mes Madrigaux Italiens; que Dieu m'a fait tomber dans le piége, & que je l'ai accufé d'être la caufe de mes péchez. Il me traite d'un homme pétri de vanité & de présomption. Il dit que je fuis amoureux de moi-même que je parle de moi fans ceffe, & que j'aime mieux en dire du mal que de n'en point parler ; & fur toutes ces matiéres il revient à la charge contre moi en cinquante endroits de fon Livre. Et tout cela, parce que je me suis loué en vers: & que j'ai fait des vers après avoir protesté publiquement dans une de mes Epigrammes que je n'en ferois plus: & qu'aïant une penfion de quatre mille livres fur deux Abbayïes j'ai fait des vers de Galanterie. Verba mea arguuntur, adeò factorum innocens fum. Si ces chofes font des crimes, Monfieur Baillet, quoique Prédicateur fans Miffion, pouvoit prêcher dans fes Ouvrages contre ces crimes, tant qu'il lui plairoit; fans nommer les perfonnes. Et s'il me jugeoit coupable de ces crimes, il devoit, felon le précepte de l'Evangile, m'en avertir charitablement en particulier me conviant de m'en corriger ; & ne me pas diffamer publiquement par toute l'Europe. Comment ce procedé fi peu Chrétien peut-il s'accorder avec fa qualité de Prêtre? Monfieur Baillet a-t-il pu écrire de moi toutes ces chofes de la même main qu'il levoit dans le facrifice de la Meffe l'Hoftie & le Calice?

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Je n'ai rien à dire à ce que dit Monfieur Baillet contre mes Ecrits. Je les lui abandonne. Il dit que mes Vers ne font que des centons : que ma Poësie est une Poëfie à la Mofaïque : que la plupart de mes Epigrammes font plates & infipides. Il donne à entendre que mes Poëmes ne font que du bouillon d'eau claire : que du vin à huit deniers le pot. Il dit que je ne fuis qu'un Traducteur : que je n'ai point d'invention, que je n'ai point d'élévation. Je demeure d'accord de toutes ces chofes. Je ne me pique point d'être Poëte : & je n'ai fait des Vers que par divertiffement. C'est dont je me fuis expliqué en termes formels dans l'Epître Dédicatoire de mes Poëfies.à Monfieur le Duc de Montaufier.

J'ai fait la même chofe dans la Préface de mes Observations fur Malherbe, & dans la fegonde partie de mes Obfervations fur la Langue Françoife. Et ce que Monfieur Baillet allegue contre moi, que j'ai dit à un Poëte aprentif, fi vous voulez devenir bon Poëte, lifez Virgile & mes Vers, eft une pure calomnie qui fe détruit d'elle-même. Je le jure encore ici par tout ce qu'il y a de plus faint & de plus facré dans le monde, que nonfeulement je n'ai jamais rien dit de femblable à qui que ce foit, mais je n'ai jamais parlé avantageufement de mes Vers, qu'en vers, où les louanges de foi-même ne font pas feulement permifes, mais bien-féantes.

Mais pour ce qui eft de mes mœurs, je ne puis demeurer d'accord de ce que Monfieur Baillet en a dit. Je n'ai pas deffein d'accufer ici Monfieur Baillet: je n'ai deffein que de me juftifier. Je ne puis pourtant m'empêcher de dire, que fi on avoit fait une information de fa vie & de la mienne, je fuis comme affuré que fa vie ne fe trouveroit pas comparable à la mienne en probité, en pureté, en fobriété.

Si j'étois coupable de la centième partie des choses dont m'accufe Monfieur Baillet, je ferois indigné de l'amitié dont m'honore Monfieur de Lamoignon fon patron. Et j'eftime tant l'amitié de ce grand Magistrat, que cette confidération toute feule ût été capable de m'engager à réfuter les médifances & les calomnies que Monfieur Baillet a publiées contre moi. Mais outre cette considération, j'ai été excité à les réfuter, non-feulement par des perfonnes de grande vertu, mais par des Religieux: & par des Religieux d'un Ordre confidérable par toute l'Europe.

En les réfutant, j'ai averti par occasion Monfieur Baillet d'un nombre infini de fautes groffieres, ou plûtôt de monftres de fautes, qui font dans fon Livre: car je puis affurer les Lecteurs de cette Préface, qu'on n'a jamais imprimé de Livre où il y ait de fi groffes fautes, & en fi grand nombre. Ce que j'ai fait non-feulement pour déferer à la priere que Monfieur Baillet a faite à fes Lecteurs de l'avertir de fes fautes, mais par charité Chrétienne, afin de le faire rentrer dans luimême, & de l'obliger, en lui répréfentant fon peu de capacité, de parler une autre fois avec refpect des perfonnes de Lettres à qui il doit refpect.

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Monfieur Baillet à écrit dans fa Préface fur les Poëtes, que je fuis le feul qui me fuis plaint de lui. Je m'étonne comment un Prêtre qui fait profeffion de dire la vérité, a pu dire une chofe fi contraire à la véritė. Tous les Peres Jéfuites generalement en ont fait des plaintes: & plus de vingt de leur Compagnie ont fait des Vers contre fon Livre. Le Pere Bouhours & le Pere de la Rue s'en plaignent par tout. Et le Pere Bouhours a ceffé de voir Monfieur de Lamoignon dans fa maison campagne, pour n'y point voir Monfieur Baillet.

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Et Monfieur Baillet n'ignore pas que le Révérend Pere de la Chaise, Confeffeur du Roi, fe plaignant pour l'interêt de fa Compagnie du Livre de Monfieur Baillet à Monfieur de Lamoignon, il lui déclara que fi Monfieur Baillet continuoit à maltraiter les Jéfuites, il en feroit les plaintes au Roi, & lui en demanderoit juftice. Mais les Révérends Peres Jéfuites ne font pas les feuls qui fe plaignent avec moi du Livre de Monfieur Baillet. Madame Deshoulieres, Monfieur de Benférade, Monfieur de Valois, Monfieur Perrault, Monfieur Quinault, Monfieur l'Abbé de Montreuil, Monfieur du Perier, Monfieur de la Fontaine, Monfieur le Gallois, Monfieur de Court, néveu de Monfieur de Saumaife, les amis de Monfieur de Cerifante, ceux de Monfieur de Pinchefne, les parens de Monfieur Scarron, ceux de Monfieur de Marolles, s'en plaignent avec éclat.

Il est vrai que je fuis celui qui ai le plus de fujet de m'en plaindre. Il a offenfé les autres; mais il m'a outragé. Mais quoiqu'il m'ait outrage, & que je fuffe en droit de lui dire à mon tour des chofes fâcheufes, j'ai voulu en ufer plus Chrétiennement qu'il n'a fait. Je lui ai répondu avec toute la modération poffible. Le Lecteur en jugera.

Je finis ce Difcours, en proteftant à Monfieur Baillet que je n'ai point û deffein de l'offenser, lorsque j'ai traduit fon nom en Latin par le mot de Bajuletus; & en le fuppliant de voir au Chapitre 42. pag. 86. de ces Remarques ce que j'ai remarqué à ce propos, pour juftifier que c'est ainsi que le nom de Baillet doitêtre rendu en Latin.

ANTI-BAILLET

V.LS

ANTI-BAILLET.

PREMIERE PARTIE.

I.

Calomnie de Monfieur Baillet contre Monfieur de Balfac.

МНОГОНОКОКОН

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E dois à Monfieur de Balzac une grande partie de ma réputation. Quand je vins dans le monde, Monfieur de Balfac tenoit le premier rang dans la France parmi les gens de Lettres qu'on appelle Beaux Efprits. La diftance infinie qui étoit entre lui & moi, ne l'empêcha pas de me donner des marques publiques de fon eftime. Il fit en diverfes occafions des Vers à ma loüange. Il m'adreffa plufieurs Lettres Latines & Françoises dans le Recueil de fes Lettres. Il me dédia fon Barbon : & il avoit pour moi une amitié tendre. Il dit dans une de fes Lettres à Mr. Chapelain : « Je vous ai fait une infidelité, car j'ai brûlé » d'un autre feu que du vôtre. Vous le connoîtrez par la Lettre » que j'écris à Mr. Ménage, qui eft toute pleine de paffion. Et dans une autre : Vous ne me mandez rien de mes amours: je » Veux dire de Mr. Conrart & de Mr. Ménage. Il me dit dans une de ses Lettres Latines, Vale, mi dulciffime Menagi: cujus fanctus amor tantùm mihi crefcit in horas &c. Toutes ces faveurs m'obligent à commencer ces Remarques par fa juftification contre la

Tom. VIII.

A

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