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eubages, vacies, saronides, semothées ou semnothées, étaient distingués en trois principaux ordres. Les vacies-druides étaient les dépositaires des dogmes de la religion et de la philosophie; sans eux on ne pouvait ni sacrifier, ni administrer la justice (1). Les

pas plus naturel de dériver le nom de druides de l'hébreu. Quelle relation y avait-il entre les Hébreux et les Celtes? 3o On a peine à croire que l'ordre entier des prêtres celtes tirât son nom de celui des arbres sur lesquels ils cueillaient le gui, circonstance du culte religieux qui ne méritait pas beaucoup d'attention. 4° Les anciens Celtes n'adoraient point les démons, et on les aurait certainement offensés si on eût appelé leurs prêtres des magiciens. Ainsi le nom de Druides ne vient point du vieux langage britannique drus. Il me semble donc qu'il doit avoir une origine qui ait plus de rapport à la principale fonction de ces prêtres, qui étaient regardés comme les seuls interprètes de Dieu, comme les seuls dont le Souverain Etre écoutât la voix, et à qui il déclarât ses volontés. Diodore de Sicile les désigne même en parlant d'eux, par le nom de théologiens. Les poésies bretonnes du cinquième et du sixième siècle, c'est-à-dire d'un temps où la religion des druides n'était pas encore tout-à-fait détruite, parlent de ces prêtres, dont le nom s'y trouve écrit derouyden au pluriel, et derouyd au singulier. Ce nom est formé sur deux racines celtiques de ou di, Dieu, et rouydd ou raydd, participe du verbe rayddheim ou rouyddim, parler, dire, haranguer, soutenir. Par cette étymologie, derouyd a la même. signification que le cohoyor des Grecs, théologien.

(1) Les auteurs du Dictionnaire de Trévoux prétendent que les vacres, qu'ils appellent vacerres, étaient simplement prêtres et sacrificateurs, et que les Sarronides étaient les juges, les théologiens et les professeurs de la religion gauloise. Dio

bardes-druides étaient commis pour chanter les hymnes dans les sacrifices, et célébrer dans les combats et dans les festins publics, les grandes actions des hommes illustres (1). Les eubages-druides tiraient

dore de Sicile est le premier qui ait traduit le mot de druides par celui de Sarronides. Il l'a fait sans doute d'après des écrivains grecs, qui croyaient le nom de druides dérivé du mot grec Apua, un chêne. Aussi les auteurs du Dictionnaire de Trévoux dérivent le nom de sarronides du grec Apio et de sapov, qui signifient tous deux un chêne. Ils ont raison dans la conséquence qu'ils tirent, mais ils auraient pu savoir que le nom de sarronides n'est pas de la première antiquité, et qu'il y avait des théologiens parmi les Celtes, avant que leurs druides reçussent ce nom.

(1) Le nom de bardes est un ancien mot breton qui désigne un prêtre, un chantre, un musicien. La considération que l'on avait pour ces bardes était si grande, selon Diodore de Sicile, que leur présence et leurs exhortations avaient souvent arrêté des armées prêtes à en venir aux mains. (Diod., v. 213, 214.) C'est peut-être la raison pour laquelle on en a fait des ecclésiastiques celtes, ou au moins ce qui fit que les druides, fort jaloux de concentrer en eux toute l'autorité, consentirent à accepter cet emploi. Quoi qu'il en soit, il est certain qu'on distinguait les bardes qui composaient les poèmes et les airs sur lesquels on les chantait, des parasites qui les répétaient partout, pour fortifier le parti du patron auquel ils étaient attachés. Dom J. Martin a mal à propos prétendu que les bardes étaient de vrais parasites. ( Religion des Gaulois, t. 1, p. 174.) Le passage d'Athénée, qu'il a allégué pour le prouver, dit positivement le contraire. Possidonius, dont Athénée rapporte les paroles, distingue les bardes et les gens qui s'attachaient aux grands seigneurs, qui avaient

les augures des victimes. Ils avaient diverses espèces de divinations, parmi lesquelles il s'en trouvait de barbares, que les Romains abolirent lorsqu'ils furent maîtres des Gaules. Dans l'usage ordinaire on confondait les eubages, les bardes et les vacies, sous le nom général de druides, comme nous comprenons tous les ministres de l'Eglise sous le nom d'ecclésiastiques, et il paraît assez probable que les druides inférieurs remplissaient les fonctions de chantres et de devins. Ces différentes classes avaient pour chef un

leur table, qui faisaient profession de vivre et mourir avec eux, et qui chantaient les louanges de leurs patrons partout où on voulait les écouter. Casaubon a eu raison de remarquer que le nom de celte, qui répond à celui de parasite, employé par Possidonius, est soldurii. En effet, si les bardes avaient été de vrais parasites, ce caractère n'aurait pu que les rendre infiniment méprisables, au lieu de leur attirer de la considération. Ce n'est pas qu'il ne pût se trouver des parasites parmi les bardes. On en trouve un exemple dans Athénée (l. 4, c. 13). Les bardes étaient les poètes des Gaulois, et c'est assez l'ordinaire des mauvais poètes d'être parasites. Mais de ce qu'il y a eu de tout temps des ames vénales parmi les élèves d'Apollon, il serait injuste de prétendre conclure de là qu'ils sont tous des parasites. Dom J. Martin n'a pas mieux compris un passage de Diodore de Sicile, sur lequel il s'est appuyé pour faire des bardes de véritables censeurs romains. (Religion des Gaulois, t. 1, p. 173.) Diodore dit que les bardes louaient les uns et outrageaient les autres : alios conviciis proscindentes. Dire des injures, n'est pas l'office d'un censeur public.

souverain pontife qui exerçait sur tous les druides un pouvoir absolu. Jules-César le marque expressément, et ajoute: «Quand ce grand-prêtre vient à mourir, «< et que parmi les druides il s'en trouve quelqu'un qui ait un mérite supérieur, il lui succède. S'il se << présente plusieurs concurrens d'un mérite égal, le <«< successeur est élu par le suffrage des druides. Il « arrive aussi que la place se dispute par la voie des << armes (1). »

On voit, par les différens emplois des druides, qu'ils n'étaient pas uniquement renfermés dans les fonctions religieuses. En effet, le chef des druides était aussi le souverain de la nation (2), et son autorité fondée sur le respect des peuples, était fortifiée par le nombre prodigieux de prêtres qui travaillaient sous ses ordres. La multiplication des familles des druides. formait, pour ainsi dire, un peuple qui commandait à un autre; tous les jours de nouveaux sujets entraient dans le sacerdoce; et quoique tous leurs enfans ne

(1) His autem omnibus druidibus præest unus, qui summam inter eos habet autoritatem. Hoc mortuo, si quis ex reliquis excellit dignitate, succedit. At, si sunt plures pares, suffragio druidum adlegitur; nonnunquam etiam de principatu armis contendunt. (Cæsar, de Bell. gall., 1. 6. )

(2) On entend par souverain, à l'égard des hommes, celui qui est absolu et indépendant, qui ne relève que de Dieu et de son épée. Ce mot souverain vient de superior : car autrefois on appelait souverain le premier en quelque chose, ou celui qui était supérieur aux autres.

prissent pas le parti de s'y faire initier, ils demeuraient toujours attachés à leurs familles.

Les druides, du moins ceux qui étaient revêtus du sacerdoce, s'appliquaient continuellement à l'étude, et se retiraient, hors le temps de leurs fonctions publiques, au milieu des forêts (1): ils étaient les arbitres

(1) Les carmes ont cru qu'ils tiraient leur origine du mont Carmel, où le prophète Elie demeura long-temps. Tout le monde connaît les démêlés qu'ils eurent avec Papebroch, qui contestait l'antiquité de leur ordre. Je n'entreprendrai pas de leur disputer qu'en comparant la vie et les observances des druides avec celles des carmes, on établit le carmélitat des premiers, et l'on démontre la succession des derniers. Je laisse volontiers aux pères carmes la gloire de cette découverte, et je me bornerai à rapporter ici les textes de deux de leurs auteurs: Proptereà possumus carmelita, sanctos illos druidas, tanquam Eliæ filios ac fratres nostros, ac in florentissimo Galliæ regno prædecessores, venerari (l. 1, c. 1, p. 4,). Historic Carmelitani ordinis........ per R. P. Philippum à SS. Trinitate carmelitam discalceatum: Lugduni, sumptibus A. Julieron et A. Baret, 1656.-Florebant tunc temporis in Gallia religiosi nominatissimi DRUIDE dicti, quorum si vivendi genus et observantias regulares serio discusseris, reperies vi– ros fuisse CARMELITAS. Ces paroles sont tirées de la cinquième position de la thèse théologique soutenue à Béziers au mois d'avril 1682, à deux heures après midi, dans le couvent des Carmes, sous la présidence du R. P. Philippe Teissier, carme, docteur en théologie. Cette thèse était dédiée à l'illustrissime prince de l'Eglise, JEAN DE ROTONDI de Biscaras, évêque et seigneur de Béziers (*), abbé de Cen

(*) Un moine, pour faire sa cour à ce prélat, prétendit trouver deux

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