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amas monstrueux de cérémonies insensées et cruelles; ils portèrent l'inhumanité jusqu'à égorger leurs semblables; et l'homicide, défendu par les lois, fut sanctifié par la religion, et devint l'action la plus agréable à leurs dieux.

Je divise ce discours en trois parties. Dans la première, j'examinerai quel était le gouvernement ecclésiastique des Gaulois. Dans la seconde, je parlerai de leur religion et de leur morale. Dans la troisième, je ferai connaître les dieux qu'ils adoraient, et je prouverai qu'ils leur immolaient véritablement des victimes humaines. Le contraste des superstitions et des vices où le paganisme plongea nos pères, nous fera admirer la majesté et la sainteté du christianisme, et nous fera mieux sentir les avantages infinis que l'Evangile nous a procurés. Ce sentiment, en rendant plus vive notre reconnaissance, nous inspirera plus de zèle pour défendre le don précieux de la foi.

PREMIÈRE PARTIE.

Du gouvernement ecclésiastique des Gaulois.

Dans la loi de nature, les chefs de famille étaient en même temps rois et pontifes. L'Ecriture nous en fournit plusieurs exemples. Noé, sorti de l'arche avec ses fils, sa femme et les femmes de ses fils, dressa un autel au Seigneur; et choisissant quelques-uns de tous les animaux purs, il les offrit en holocauste sur

cet autel. Après la dispersion des enfans de Noé dans toutes les régions, les chefs de famille conservèrent également leur autorité sur le culte religieux et l'administration des choses civiles. Abraham, père des croyans, se disposa à immoler son fils Isaac pour obéir à Dieu; mais le Seigneur, qui ne voulait pas ce sacrifice, lui défendit de mettre la main sur l'enfant. Abraham prit un bélier et l'offrit en holocauste, au lieu de son fils.

Dans la suite, les hommes établirent quelques-uns pris d'entre eux pour les appliquer spécialement au culte de l'Etre-Suprême ou des Divinités qu'ils s'étaient faites, et pour ordonner tout ce qui concernait le rit religieux. Cette institution varia selon le génie des différentes nations (1). Parmi les Celtes, les hom

(1) Dom Jacques Martin, dans sa Religion des Gaulois, fait un long parallèle de la religion, de la discipline et du gouvernement qui étaient communs aux Gaulois, aux patriarches de l'Ancien Testament et aux Juifs. Le souverain pontife, l'excommunication, les assemblées solennelles, les sacrifices humains, la profonde vénération pour le chêne, les vêtemens sacerdotaux, la loi de l'interdit, les eaux de jalousie, les priviléges du clergé, l'idolâtrie du veau d'or, et plusieurs autres choses qu'il est inutile de rapporter, étaient, selon lui, communes aux Gaulois, et au plus ancien peuple du monde, et c'est de celui-ci que nos pères avaient pris tous ces usages: Ad populum phaleras. Ce qu'il y a ici de particulier, c'est que dom Martin assure, pp. 47, 49, 50 et 123, que les Gaulois ont reçu leur religion de Gomer, leur père, qui était fils aîné de Japhet, troisième

mes et les femmes furent associés à ce ministère. Leurs prêtres s'appelaient druides, et leurs prêtresses avaient le nom de druidesses, ou femmes druides.

Il est parlé dans Strabon et dans Mela de ces femmes druides(1); on les distiguait en deux classes, les prêtresses et les ministres. Une inscription trouvée aux environs de Metz, fait mention d'une ARETE DRUIS ANTISTITA (2). Ce titre emporte une idée de supériorité, et désigne celle qui était à la tête de plusieurs autres. Ces femmes druides avaient acquis une réputation extraordinaire de connaître et de prédire l'avenir. On les consultait de toutes parts avec empressement, et leurs décisions étaient prises pour des oracles. Vopisque nous apprend, sur le rapport de plusieurs écrivains contemporains qu'il cite, que l'empereur Aurélien consulta les femmes druides de la Gaule sur le sort de sa postérité, gallicanas Druidas; et dans la vie de Numérien, il rapporte sur le témoignage de son aïeul, auquel Dioclétien lui-même

les

fils de Noé, et qu'il ne laisse pas de soutenir ensuite que Gaulois avaient pris des Juifs une infinité de cérémonies que le peuple de Dieu ne reçut qu'après sa sortie d'Egypte, c'est-à-dire plus de sept cents ans après la dispersion des descendans de Noé, lorsque ceux de la race de Japhet ne parlaient pas plus la langue du peuple de Dieu sorti d'Egypte, qui descendait de Sem, qu'en France l'on parle le chinois et le japonais.

(1) Strabon, t. 4, p. 178. Mela, t. 3, p. 6. (2) Grut., p. 62, no 19.

l'avait avoué, que ce prince, étant encore simple officier, conçut les premières espérances de sa fortune sur les discours que lui tint une femme druide, du pays de Tongres (1). Il est au moins vraisemblable que les prêtresses celtes tenaient le premier rang parmi les femmes qui étaient chargées dans les Gaules du soin d'administrer la justice (2). Dans la suite elles furent dépouillées de leur autorité, qui passa aux prêtres

(1) Cum Diocletianus apud Tungros in Galliâ quâdam in cauponá moraretur, in minoribus adhuc locis militans, et cum muliere quadam druide rationem convictus sui quotidiani faceret, et illa diceret: Diocletiane, nimium avarus es; jocosè, non seriò, Diocletianus respondisse fertur: Tunc ero largus, cùm imperator fuero. Post quod verbum Druias dixisse fertur: Diocletiane, jocari noli; nam imperator eris, cùm Aprum occideris. Semper exindè Diocletianus in animo habuit imperii cupiditatem, idque Maximiano conscio atque avo meo, cujus hoc dictum à Druide ipse retulerat. (Vopisc., in Numer., p. 252.)

(2) Plutarque et Polyen s'accordent à dire que les Celtes prenaient le conseil des femmes dans leurs délibérations sur la paix, sur la guerre, et sur leurs autres affaires les plus importantes. On pourrait attribuer cette estime à l'inclination que les Gaulois ont toujours fait paraître pour les femmes, si cette déférence singulière n'eût prévalu que dans leur propre pays. Mais quand on voit que dans le traité fait entre Annibal et les Gaulois, il est stipulé expressément que si les Carthaginois se plaignent de ceux-ci, ils porteront leurs plaintes devant les femmes gauloises, lesquelles en seront les juges, on ne peut s'empêcher de reconnaître que l'équité de ces femmes était regardée comme incontestable, et connue même des étrangers.

druides; mais il est facile de croire que la jalousie, qui est si naturelle aux femmes contre toutes celles de leur sexe, réveillée et nourrie par les chagrins et les dépits que fait naître une autorité partagée, les porta à substituer leurs maris en leur place. En effet, en déférant aux druides la principale autorité, elles ne se dépouillaient de rien; il leur restait assez de crédit pour flatter leur ambition, et pour se soutenir dans leur premier éclat : la déférence que les Celtes avaient toujours eue pour leurs femmes en était un sûr garant.

Les druides (1), connus aussi sous les noms de bardes,

דרושים

(1) Il y a sur l'origine du nom de Druides plusieurs opinions; les uns tirent ce nom de l'hébreu derussim, drussim ou drissim, qui signifie contemplateur, ou de drus, qui, en vieux langage britannique, veut dire démon, magicien; d'autres du grec Apùo, un chêne, ou du celtique dar ou dero, qui signifie fort, nom qu'on donnait aussi au chêne, sans doute à cause de la dureté de son bois ; quelques-uns enfin du celtique derouyd au singulier, et derouyden au pluriel, qui veut dire parler avec Dieu, être son interprète. Parmi toutes ces étymologies, il y en a plusieurs qui ne paraissent pas fondées. 1o Diogène Laërce se moque avec raison de ceux qui dérivent les noms celtes du grec, comme si les Gaulois, au mépris de leur langue, eusssent été puiser chez les Grecs, sans savoir le grec, les noms qu'ils devaient donner aux choses. Pline propose comme un soupçon que le nom de druides a pu venir du grec Interpretatione græcá possint Druide vocari. Nos critiques, qui vont tout chercher dans le grec, ont donné cette origine comme certaine. 2o Il n'est

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