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Pologne d'alors apparaît au docte abbé sous un tout autre aspect qu'elle n'était apparue au futur diplomate. Le tableau qu'il nous en trace est profondément lamentable et fait vraiment prévoir toutes les catastrophes, qui devaient se réaliser, et dont Skarga menace ses compatriotes. J'ai lu par devoir professionnel presque tous les travaux auxquels l'histoire de Pologne a donné lieu dans notre pays et je n'hésite pas à déclarer que celui de M. Berga leur est de beaucoup supérieur. Les 150 pages qu'il consacre à l'étude de l'état politique et religieux de la Pologne au xvie siècle mériteraient d'être détachées de son ouvrage et réimprimées dans quelque collection historique. La seconde partie de son volume est consacrée à la biographie de Skarga. L'auteur ne cède pas à la tentation des biographes qui tendent à magnifier, à idéaliser leur personnage. L'action de Skarga comme défenseur de l'Église romaine contre la réforme fut assurément considérable; mais son biographe le juge à la bonne mesure et ne songe point à l'exagérer. Le grand titre de Skarga à l'admiration de ses compatriotes, c'est, outre un recueil de Vies des saints encore classique aujourd'hui, un ensemble de huit sermons connus sous le nom Sermons de diète où l'orateur dit à ses auditeurs de cruelles vérités. A propos de ces sermons sur lesquels il s'est formé toute une légende M. Berga a fait une découverte assez curieuse, c'est qu'ils n'ont jamais été prononcés. C'est un cadre que l'auteur s'est imposé pour dire à ses compatriotes ce qu'il pensait des misères morales et politiques de son pays. Ces sermons, M. Berga les a traduits et annotés dans un volume complémentaire, et ce faisant il a

rendu un sérieux service à l'histoire littéraire et à l'histoire politique du xvr siècle.

LOUIS LEGER.

Escuela española de Arqueologia é Historia en Roma. Cuadernos de Trabajos, tomes I, II. 2 vol. in-8 de 127 et 128 pages. Madrid, 1912, 1914.

L'École espagnole de Rome a été créée par décret royal du 3 juin 1910. Elle reçoit des pensionnaires qui s'adonnent aux études archéologiques et historiques. Le but principal de cette école est indiquée par le paragraphe 3 de l'article 2 du décret de fondation : Étudier dans les archives, les bibliothèques et sur les monuments les sources de l'histoire de notre patrie, nos relations avec l'Italie et le développement de notre art, de notre littérature et de notre science dans les anciennes provinces italiennes... »

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Les deux premiers recueils de travaux sortis de la jeune école sont consacrés en grande partie à la publication de documents. M. P.-A. MartinRobles étudie les Recueils de lettres de Molinos au point de vue de l'histoire du mysticisme espagnol; F. Marterell publie des Fragments inédits de la «Ordinatione Ecclesiæ Valentinæ », M. Ramion de Arcos, Le manuscrit Ottoboniano lat. 405. Contribution à la bibliographie de Raymond Lulle et M. L. Serrano, La correspondance diplomatique entre Charles V d'Espagne et le Saint-Siège (1516-1518). M. Ramion de Alos étudie la vie et l'œuvre du Cardinal d'Aragon Fray Nicolas Rossel.

La partie archéologique est représentée par deux articles de M. J. Pijoan

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478 ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.

sur les miniatures espagnoles dans | Fresques découvertes dans la sacrisles manuscrits du Vatican et le tra- tie de l'église nationale d'Espagne vail de M. Juan M. Perea sur les à Rome. RAYMOND LANTIER.

ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
ET BELLES-LETTRES.

COMMUNICATIONS.

8 septembre. M. Salomon Reinach étudie les diverses légendes relatives à la mort de l'amante de Thésée, et s'arrête sur celle que racontait l'historien Péon d'Amathonte. Suivant Péon, Ariane serait morte en couches à Amathonte, où Thésée avait été obligé de la débarquer. Les détails donnés par Péon doivent être empruntés à un scénario rituel où le rôle d'Ariane en travail était joué par un éphèbe travesti. Cela n'a rien à voir, quoi qu'on ait dit, avec la coutume de la couvade, où le mari prend le lit après les couches de sa femme, mais sans simuler les douleurs de l'enfantement. Les travestissements rituels étaient fréquents dans les cultes païens et ainsi s'explique pourquoi ils sont qualifiés « d'abominables » par la loi mosaïque, qui fut invoquée par les juges de Rouen contre Jeanne d'Arc. Cette prohibition n'a nullement pour origine le souci de la décence, mais l'horreur de la législation biblique pour tout ce qui caractérisait les cultes païens.

- M. F. Cumont fait une communication sur deux milliaires découverts successivement à l'est d'Alep: ces monuments prouvent qu'en 197, au moment d'entreprendre sa grande expédition contre les Parthes, l'empereur Septime Sévère fit construire ou achever une nouvelle route de l'Eu

phrate à Hiéropolis et à Bérée (Alep) afin d'assurer ses communications avec Antioche et la mer; cette route resta une des plus importantes du nord de la Syrie jusque sous les khalifes de Bagdad; l'une des deux bornes porte en surcharge une inscription arabe et semble avoir été démarquée par un souverain musulman.

15 septembre. Le P. Scheil fait une communication sur la prière des morts chez les Élamites. Il s'agit d'un petit lot de tablettes trouvées dans des tombes susiennes, où chaque formule exprime soit par la bouche du mort lui-même, soit par celle des survivants, des souhaits de bonheur pour la vie future.

M. E. Pottier lit une note d'un propriétaire de Vendres, M. Félix Mouret, qui a eu la bonne fortune de fouiller à Ensérune, près de Béziers, une nécropole contenant, outre le mobilier funéraire, des vases peints grecs et des vases à décor géométrique dits ibériques. Sa découverte prouve que le commerce grec pénétrait profondément dans le sud de la Gaule du ve au 1° siècle avant notre ère.

22 septembre. M. Salomon Reinach étudie l'anecdote rapportée par Elien sur le portrait équestre d'Alexandre peint par Apelle. Le roi admirait froidement; mais son cheval amené devant le tableau se mit à hennir. Alors Apelle dit : « Sire, votre cheval

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est beaucoup plus ressemblant que vous. » Telle était en 1531, l'interprétation d'Erasme; mais les modernes ont mal compris le texte et mis dans la bouche du peintre cette impertinence « Sire, votre cheval se connaît en peinture mieux que vous. Incidemment, M. Reinach montre que Bayle, à l'article Apelle de son Dictionnaire, tout en faisant erreur sur le passage en question, a devancé l'érudition contemporaine en remarquant que les deux Vénus attribuées à Apelle se réduisaient, en réalité, à un même tableau.

- M. Henri Dehérain lit une étude sur la part qui revient à Pierre Ruffin, conseiller de l'ambassade de France à Constantinople de 1796 à 1824 et correspondant de l'Institut, dans l'orientalisme français. Les lettres inédites de Ruffin à Silvestre de Sacy permettent d'éclaircir ce point d'histoire. Bien que possédant d'une façon exceptionnelle la langue turque et la connaissance des institutions et des mœurs de l'empire ottoman, Ruffin ne composa aucun mémoire savant. Mais il soutint et fit bénéficier de ses conseils un certain nombre de jeunes orientalistes, notamment Bianchi, Jouannin, Desgranges, Joseph Rousseau, Jean Raymond, qui, à des degrés divers, marquèrent dans la carrière des consulats, dans l'enseignement et dans les études orientales. Nous publierons prochainement cette étude, dans le Journal des Savants.

dans laquelle M. Seymour de Ricci expose le résultat de ses recherches sur Noël de Harsy, imprimeur nivernais du xv° siècle et en particulier sur l'ouvrage intitulé L'Ordinaire des chrétiens, sorti de son atelier. Cette note sera publiée ici même.

M. E. Eude lit un mémoire sur le vieux moulin de la Chapelle près Paris, non loin duquel eut lieu l'entrevue du roi Charles V et de l'empereur Charles IV en 1378, non loin duquel aussi Jeanne d'Arc combattit en septembre 1429. Au XVIe siècle cinq moulins s'élevaient en ce même lieu d'où le nom de butte des CinqMoulins donné à tout le canton environnant. Le plus ancien, le vrai moulin de la Chapelle ou « des Couronnes >> occupait l'emplacement actuel de l'École de garçons de la rue ErckmannChatrian.

6 octobre. M. L. Leger communique une note sur l'étymologie du mot <«< obus ». Le mot d'origine tchèque remonte aux guerres hussites. Les Tchèques employèrent une pièce d'artillerie appelée haufnice d'où les Allemands firent haufnitz, plus tard haubitze, d'où est venue la forme obus. Le point de départ de haufnice est le mot allemand hauf, foule, passé en tchèque; l'haufnice était destiné à tirer sur les masses profondes.

M. Salomon Reinach rappelle qu'on connaît aujourd'hui deux exemples de Vénus tenant une balance : sur une monnaie romaine de l'an 49 av. J.-C. et sur la colonne historiée de Mayence, élevée vers l'an 55 après notre ère, et dont un moulage a été reconstitué récemment à Saint-Germain. Le buste de Vénus juxtaposé à une balance paraît aussi sur une monnaie d'Antonin le Pieux frappée en Il est donné lecture d'une note Égypte. L'origine de ce motif rare

29 septembre. M. Henri Cordier décrit un manuscrit d'une traduction latine du Tchoung-Young « le milieu immuable », le second des quatre livres Se-Chou, canoniques chinois de second ordre, que le P. de Ventavon exécuta au XVIIIe siècle.

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ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.

M. Seymour de Ricci communique un petit fragment d'inscription grecque, dont il a fait l'acquisition en Egypte il y a une dizaine d'années. Il en complète les lacunes et montre la part qu'on peut tirer de ce fragment pour la connaissance de la constitution des villes grecques de l'Égypte.

doit être cherchée dans l'astrologie, n'avaient certainement pas pensé. car lors de la répartition des divinités. des planètes dans le zodiaque, qui fut effectuée avant l'ère chrétienne à Alexandrie, c'est dans le signe de la Balance que fut placée Vénus. Les Romains expliquèrent cela plus tard en alléguant que Vénus assortit les cœurs des époux et des amants comme sous le fléau d'une balance appelé «joug» par les Grecs. Vénus aurait donc tenu la balance parce qu'elle imposait aux hommes le joug de l'amour. C'est à quoi les astrologues

- M. Alfred Croiset lit un mémoire sur certains fragments d'Antiphon, dont il donne la traduction et un commentaire.

CHRONIQUE DE L'INSTITUT.

ACADEMIE DES INSCRIPTIONS

ET BELLES-LETTRES.

M. AUGUSTE PRUDHOMME, correspondant de l'Académie depuis 1912,

est décédé à Grenoble.

Concours des antiquités nationales: Il n'a pas été attribué de première médaille. Une 2° nédaille est décernée à M. Pierre Gauthier pour ses Etudes de diplomatique sur les actes des évêques de Langres du VIIe siècle à 1136; une 3 médaille est décernée à feu M. E. Morel, pour son ouvrage Plan d'Arras en 1382.

Le prix Thorlet est ainsi partagé : Un prix de 1500 francs à M. Eugène Saulnier; un prix de 1 000 francs à M. Achille Millien; un prix de 1000 francs à M. Poitevin.

Don. Mme la marquise ArconatiVisconti a fait don à l'Académie d'un titre de 1000 francs de rente fran

çaise 3 p. 100 pour fonder un prix triennal de 3 000 francs, qui sera décerné, sous le nom de prix Raoul Duseigneur, à des travaux concernant aussi bien l'art et l'archéologie espagnols depuis les temps les plus anciens jusqu'à la fin du xvre siècle, que giques de ces mêmes époques, conles trésors artistiques ou archéoloservés dans les collections publiques ou privées de l'Espagne.

ACADÉMIE DES SCIENCES.

M. PIERRE DUHEM, élu membre non résident en 1913, est mort à Cabrespine (Aude) le 14 septembre 1916.

ACADÉMIE DES BEAUX-ARTS.

M. RAPHAËL COLLIN, qui avait été élu membre de la section de peinture en 1909, est décédé le 19 octobre 1916.

Le Gérant: EUG. LANGLOIS.

Coulommiers. - Imprimerie PAUL BRODARD

FEB 2

JOURNAL

N. OF MICH
BRARY

DES SAVANTS

PUBLIÉ SOUS LES AUSPICES

DE L'INSTITUT DE FRANCE (ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES)

NOVEMBRE 1916

SOMMAIRE DU N° 11.

MM. H. LEMONNIER. Préréforme et humanisme, p. 481.

CH.-V. LANGLOIs. Sermons parisiens de la première moitié du XI11° siècle, premier article, p. 488.

R. PICHON. Les sources du De Republica, p. 495.

VARIÉTÉS. A. THOMAS. Une tentative de réforme de l'orthographe française sous Philippe le Bel, p. 508.

NOUVELLES ET CORRESPONDANCE, p. 513.

LIVRES NOUVEAUX, p. 516.

ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS et Belles-Lettres, p. 525.

CHRONIQUE DE L'INSTITUT, p. 527.

ACADÉMIES ÉTRANGÈRES, p. 528.

PARIS

LIBRAIRIE HACHETTE ET CIR

79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79

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