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datée du 26 novembre 1662, « je vous écris » de ce village (de Bonrepos), sur le sujet » d'un Canal qui pourroit se faire dans cette

province de Languedoc pour la communi>> cation des deux mers. Vous vous étonne>> rez que j'entreprenne de parler d'une chose » qu'apparemment je ne connois pas, et qu'un homme de gabelle se mêle de nive>> lage. Mais vous excuserez mon entreprise, lorsque vous saurez que c'est de l'ordre de >> Monseigneur de Toulouse que je vous écris. » Il y a quelque temps que ledit seigneur me >> fit l'honneur de venir en ce lieu, soit parce » que je lui suis voisin et hommager, ou pour >> savoir de moi les moyens de faire ce Canal. >> Car il avoit ouï dire que j'en avois fait » une étude particulière. Je lui dis ce que » j'en savois, et lui promis de l'aller voir à » Castres, à mon retour de Perpignan, et de » le mener de-là sur les lieux pour lui en faire voir la possibilité. Je l'ai fait; et ledit » seigneur, en compagnie de M. l'évêque de

Saint-Papoul et de plusieurs autres per>> sonnes de condition, a été visiter toutes » choses, qui, s'étant trouvées comme je les >> avois dites, ledit seigneur archevêque m'a chargé d'en dresser une relation et de vous

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» l'envoyer. Elle est ici incluse, mais en assez >> mauvais ordre; car n'entendant ni grec ni » latin, et à peine sachant parler français, il » n'est pas possible que je m'explique sans » bégayer. Aussi ce que j'entreprends, c'est

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» pour obéir, et non de mon propre mou» vement. Toutefois, s'il vous plaît de lire » ma relation, vous jugerez que ce Canal est » faisable; qu'il est, à la vérité, difficile à » cause du coût; mais que, regardant le bien qui doit en arriver, l'on doit faire de peu >> cas de la dépense.... Jusqu'à ce jour, on » n'avoit pas pensé aux rivières propres à >> servir, ni su trouver des routes aisées pour >> ce Canal; car celles qu'on s'étoit imaginées » étoient avec des obstacles insurmontables » de rétrogradations de rivières et de ma>> chines pour élever les eaux. Aussi croyez » que ces difficultés ont toujours causé le >> dégoût, et reculé l'exécution de l'ouvrage. » Mais aujourd'hui, Monseigneur, qu'on >> trouve des routes aisées et des rivières qui peuvent être aisément détournées de leurs >> anciens lits, et conduites dans ce nouveau » Canal par pente naturelle, et de leur propre >> inclination, toutes difficultés cessent, ex»cepté celle de trouver un fonds pour servir

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» aux frais du travail. Vous avez pour cela » mille moyens, Monseigneur, et je vous en présente encore deux dans mon mémoire » ci-joint, afin de vous porter plus facile» ment à cet ouvrage, que vous jugerez très>> avantageux au roi et à son peuple, quand » il vous plaira de considérer que la facilité >> et l'assurance de cette navigation fera, que >> le détroit de Gibraltar cessera d'être un » passage nécessaire que les revenus du >> roi d'Espagne à Cadix en seront diminués; >> et que ceux de notre roi augmenteront d'au>> tant sur les fermes des trésoriers et des >> entrées des marchandises en ce royaume, >> outre les droits qui se prendront sur ledit » Canal, qui se monteront à des sommes » immenses; et que les sujets de Sa Majesté >> profiteront de mille nouveaux commerces » et tireront de grands avantages de cette navigation. Que si j'apprends que ce des>> sein vous doive plaire, je vous l'enverrai figuré, avec le nombre des écluses qu'il » conviendra faire, et des calculs exacts des >> toises dudit Canal, soit en longueur, soit » en largeur. Je suis, &c. »

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Dans le mémoire que cette lettre renfermoit, Riquet exposoit que ce qui avoit fait

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échouer les projets antérieurs au sien, étoit la difficulté d'élever des eaux à la hauteur des Pierres de Naurouse. « En douze lieues » de pays, dit-il, on ne trouvoit ni ruisseau » ni rivière qui pût fournir d'eau à suffisance » pour ce Canal; et c'étoit pour cela qu'on' s'imaginoit de pouvoir faire rétrograder à >> contre-mont la rivière de l'Arriège : ce qui avoit été trouvé inexécutable ». Il ajoutoit que les moyens de donner de l'eau à ce Canal avoient été jusqu'alors cachés à tout le monde, et que néanmoins il en existoit de naturels et presque sans obstacles.... « Mais >> ce qui me semble le plus important, disoit» il, est d'avoir d'eau à suffisance pour le >> remplir, et de la conduire à l'endroit même » où est le point de partage. Ce qui se peut » aussi faire avec facilité, prenant la rivière » de Sor, près la ville de Revel, qu'on con» duira par pente naturelle, puisqu'il se >> trouve neuf toises de descente depuis le>> dit Revel jusqu'au point (1) de partage,

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(1) Dans ce premier projet de Riquet, il avoit placé le point de partage des eaux dans la paroisse de SaintFélix de Caraman auprès de Graissens. Ce choix présentoit l'inconvénient d'une trop grande élévation: aussi

> et que le pays est uni et sans éminence, >> il est encore aisé de conduire le ruisseau >>> appelé de Lampy, dans le lit de la rivière » de Revel, distante d'environ quinze cents >> pas l'un de l'autre. Il est pareillement fa» cile de mettre dans ledit Lampy un autre >> ruisseau appelé d'Alzau, distant d'environ cinq quarts de lieue, et par conséquent

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plusieurs autres eaux qui se rencontrent » dans cette conduite; de sorte que, jointes ensemble, étant comme elles sont toutes » sources vives et de durée, elles formeront » une grosse rivière, qui, menée au point » de partage, rendra le Canal suffisamment >> rempli des deux côtés pendant toute l'an» née, et jusqu'à six pieds de hauteur sur »> neuf toises de large si bien que la navi >> gation sur ce Canal seroit sans difficulté ».

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Riquet présentoit ensuite trois plans pour la direction du Canal. Le premier étoit de le conduire vers la rivière d'Agout, de la rendre navigable jusqu'à son embouchure dans le Tarn, et de profiter du Tarn, navi,

l'année suivante Riquet se détermina-t-il à baisser son point de partage jusqu'à la fontaine de la Grave, audessous des Pierres de Naurouse.

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