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à faire aimer la vertu. Et a c'eft là, felon Tacite, le double but que tout hiftorien doit fe propofer, en faifant un choix de ce qu'il y a de plus frapant en bien & en mal, pour rendre au folide mérite par un hommage public de louanges la juftice qui lui est dûe, & pour faire abhorrer les vices par la crainte d'une infamie éternelle.

L'histoire que je traite ne fournira que trop de ces derniers exemples. Du côté des Perfes, on verra par ce qui eft dit de leurs Rois, que les Princes qui peuvent tout, font fouvent livrés à toutes leurs paffions:Que rien n'eft plus difficile que de réfifter à l'illufion de fa propre grandeur, & aux flateries de tous ceux dont on eft environné : Que la liberté de contenter tous fes defirs, & de faire le mal impunément, eft une dangereufe tentation: Que les meilleurs naturels ont bien de la peine à s'en défendre: Qu'après avoir eu d'affez heureux commencemens, ils fe laiffent gâter à Exequi fententias | fileantur, utque pravis haud inftitui, nifi infi- dictis factifque ex poftegnes per honcftum, aut ritate & infamia metus notabili dedecore : quod fit. Tacit. Annal. lib. 3. præcipuum munus annacap. 65. lium reor, ne virtutes

infenfiblement par la molleffe, par l'orgueil, par la haine des confeils fincéres; & qu'il eft rare qu'ils comprennent que c'eft quand on le voit au deffus de tout, qu'on a un plus grand befoin de modération & de fageffe & pour foi, & pour les autres; & qu'il faut être alors doublement fage & doublement fort, pour borner au dedans par fa raifon une puif fance, que rien ne borne au dehors.

Du côté des Grecs, la guerre du Péloponnéfe fera connoître les triftes effets de leurs divifions inteftines, & les excès funeftes où la jaloufie de la domination les porta; l'injuftice, l'ingratitude, la perfidie, le violement ouvert des traités, ou de petites finef fes & d'indignes rufes pour en éluder l'exécution. Elle montrera comment les Lacédémoniens & les Athéniens s'aviliffent honteusement devant des barbares, pour en mendier quelques fecours d'argent: comment les libérateurs de la Gréce renoncent à la gloire de tous leurs travaux paffés & de tous leurs exploits, pour aller faire leur cour à des Satrapes fiers & dédaigneux, & pour aller implorer fucceffivement & à l'envi la protection de

leur ennemi cómmun tant de fois vaincu ; & comment ils fe fervent des fecours qu'ils en tirent, pour opprimer leurs anciens alliés, & pour étendre leur propre domaine par des voies injuftes & violentes..

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De part & d'autre, & quelquefois dans un même homme, on verra un mélange étonnant de bien & de mal, de vertus & de vices, de nobles actions & de bas fentimens ; & l'on fedemandera peut-être fouvent à foimême fi ce font donc les mêmes per fonnes & les mêmes peuples dont on raporte des chofes fi différentes, & s'il eft poffible que d'un même fonds fortent tantôt une lumiére fibrillante; tantôt une fumée & une noirceur fi ténébreuse. Je raporte les chofes comme je les trouve dans les Auteurs, & les portraits que je préfente au Le&teur font toujours peints d'après ce que l'hiftoire ancienne nous apprend de ceux dont je parle, & je pourrois dire auffi d'après la nature du cœur humain. Mais il me femble que ce mélange même de bien & de mal, quoique bizare en foi, peut devenir pour nous d'une grande utilité, & nous fervir de préfervatif contre un

danger affez ordinaire & affez naturel.

Car, fi nous trouvions, foit chez les peuples foit dans les particuliers, une probité & une nobleffe de fentimens qui fe foutinffent toujours également, & qui paruffent fans tache & fans foibleffe, nous ferions tentés de croire que le paganisme eft capable de produire de véritables & de parfaites vertus, quoique la religion nous enfeigne que celles que nous y admirons le plus n'en ont que l'ombre & le nom. Mais la vûe des défauts, des imperfections, des vices, des crimes même quelquefois les plus noirs, qui fe trouvent mélés & qui fuccédent affez fouvent de fort près aux actions les plus vertueufes, nous apprend à modérer notre estime & notre admiration, & en même tems que nous louons ce qui nous paroit d'honnête, de beau, & de grand chez les payens, à ne pas prodiguer au fantôme de la vertu un hommage entier & fans ré, ferve, qui n'eft dû qu'à la vertu même.

Voila les bornes que je defire qu'on mette aux louanges que je donne aux grands hommes de l'antiquité, & à

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leurs belles actions ; & fi, contre mon intention, il m'échape quelques termes qui ne paroiffent pas affez mefurés, je prie le Lecteur de les interpréter favorablement, & de les réduire à leur jufte valeur.

ARTICLE SECOND. Plan & divifion de ce troifiéme Volume.

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L'HISTOIRE renfermée dans ce troifiéme Volume,comprend l'efpace de cent dix-fept ans, fous les régnes de fix Rois de Perfe, favoir Darius premier de ce nom, fils d'Hystaspe; Xerxès I; Artaxerxe furnommé Longue- main: Xerxès II; Sogdien; ( ces deux derniers régnérent trèspeu de tems) & Darius II, appellé ordinairement Darius Nothus. Cette hiftoire s'étend depuis l'an du monde 3483 jufqu'à l'an 3600.

Tout cet efpace fe divise naturellement en deux parties, & je le diviferai auffi en deux Livres.

PREMIERE PARTIE.

LA PREMIERE partie, qui eft de quatre-vingts - dix ans, s'étend depuis le commencement du régne de

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