Quand d'un époux si beau vous vous verrez la femme ! MARIANE. Ah! cesse, je te prie, un semblable discours; Et contre cet hymen ouvre-moi du secours. C'en est fait, je me rends, et suis prête à tout faire. DORINE. Non, il faut qu'une fille obéisse à son père, Voulût-il lui donner un singe pour époux. Votre sort est fort beau : de quoi vous plaignez-vous? Le bal et la grand’bande, à savoir, deux musettes, Si pourtant votre époux... MARIANE. Ah! tu me fais mourir! De tes conseils plutôt songe à me secourir. DORINE. MARIANE. Je suis votre servante. Hé! Dorine, de grâce... DORINE. Il faut, pour vous punir, que cette affaire passe. Point. Tartuffe est votre homme, et vous en tâterez. 'Nom d'un singe qui amusait tout Paris par ses tours. (A.-M.) MARIANE. Tu sais qu'à toi toujours je me suis confiée : Fais-moi... DORINE. Non, vous serez, ma foi, tartuffiée. MARIANE. Hé bien ! puisque mon sort ne saurait t'émouvoir, DORINE. (Elle veut s'en aller.) Hé! là, là, revenez. Je quitte mon courroux. MARIANE. Vois-tu, si l'on m'expose à ce cruel martyre, DORINE. Ne vous tourmentez point. On peut adroitement SCÈNE IV. ALÈRE, MARIANE, DORINE. VALÈRE. On vient de débiter, madame, une nouvelle Que je ne savais pas, et qui sans doute est belle. Quoi? MARIANE. VALÈRE. Que vous épousez Tartuffe. MARIANE. Il est certain Que mon père s'est mis en tête ce dessein. Votre père, madame... VALÈRE. MARIANE. A changé de visée : La chose vient par lui de m'être proposée. VALÈRE. Quoi ! sérieusement? MARIANE. Oui, sérieusement. Il s'est, pour cet hymen, déclaré hautement. VALÈRE. Et quel est le dessein où votre âme s'arrête, Madame? MARIANE. Je ne sais. VALÈRE. La réponse est honnête. Vous ne savez? MARIANE.. Non. VALÈRE. Non? MARIANE. Que me conseillez-vous? Je vous conseille, moi, de prendre cet époux. MARIANE. Vous me le conseillez? VALÈRE. Oui. MARIANE. Tout de bon? VALÈRE. Sans doute. Le choix est glorieux, et vaut bien qu'on l'écoute. MARIANE. Hé bien! c'est un conseil, monsieur, que je reçois. VALÈRE. Vous n'aurez pas grand'peine à le suivre, je crois. MARIANE. Pas plus qu'à le donner n'en a souffert votre âme. VALÈRE. Moi, je vous l'ai donné pour vous plaire, madame. MARIANE. Et moi, je le suivrai pour vous faire plaisir. DORINE, se retirant dans le fond du theâtre. Voyons ce qui pourra de ceci réussir. VALÈRE. C'est donc ainsi qu'on aime? Et c'était tromperie MARIANE. Ne parlons point de cela, je vous prie. 1 Ne vous excusez point sur mes intentions. Il est vrai, c'est bien dit. MARIANE. VALÈRE. Sans doute; et votre cœur N'a jamais eu pour moi de véritable ardeur. MARIANE. Hélas! permis à vous d'avoir cette pensée. VALÈRE. Oui, oui, permis à moi : mais mon âme offensée MARIANE. Ah! je n'en doute point; et les ardeurs qu'excite VALÈRE. Mon Dieu! laissons là le mérite. J'en ai fort peu sans doute, et vous en faites foi. MARIANE. La perte n'est pas grande; et de ce changement VALÈRE. J'y ferai mon possible; et vous le pouvez croire. De montrer de l'amour pour qui nous abandonne. MARIANE. Ce sentiment sans doute est noble et relevé. VALÈRE. Fort bien; et d'un chacun il doit être approuvé. MARIANE. Au contraire; pour moi, c'est ce que je souhaite; VALÈRE. Vous le voudriez? MARIANE. Qui. VALÈRE. C'est assez m'insulter, Madame; et, de ce pas, je vais vous contenter. (Il fait un pas pour s'en aller.) Fort bien. MARIANE. VALÈRE, revenant. Souvenez-vous au moins que c'est vous-même Qui contraignez mon cœur à cet effort extrême. MOLIÈRE.-T. III. |