cependant le langage du peuple et de la bourgeoisie inférieure. Ce monologue eut alors un succès extraordinaire : on ne l'appeloit que la belle scène : il étoit attendu avec impatience; et l'acteur qui le jouoit pouvoit à peine dire quelques vers de suite sans être interrompu par des applaudissements. Dans cette pièce, à laquelle Molière n'attachoit pas une grande importance, la scène reste quelquefois vide : on n'oseroit plus se permettre aujourd'hui une pareille liberté ; mais elle nuit moins dans un sujet comme celui-ci que dans tout autre. En effet, la scène est dans une place publique; elle se passe entre des personnages qui ne se connoissent pas : quelle nécessité rigoureuse de lier les entretiens qu'ils ont ensemble? Cela n'auroit pu se faire qu'aux dépens de la vraisemblance, à laquelle l'auteur tenoit plus qu'à toutes les règles. 1 On trouve dans cette pièce l'imitation d'un morceau de Bocace. Dans IL SABBATINO, un personnage s'exprime ainsi : « Apprends que, si tu prends femme, tu auras les reins «< chauds pendant l'hiver, et l'estomac frais pendant l'été : <«< autre avantage; si tu éternues, tu trouveras au moins quel« qu'un pour te dire : Dieu vous assiste! » La suivante de Célie, en se plaignant d'être veuve, rappelle à sa maîtresse le bonheur qu'elle regrette : Pendant cet heureux temps, passé comme un éclair, 1 Sapi, se prende moglie, che l'invernata te tenera le rene calde, e la state fresco il stomacho. E poi quando ancora stranuti, haverai almeno chi te dica: Dio te aiuti! Enfin il n'est rien tel, madame, croyez-moi, Que d'avoir un mari la nuit auprès de soi, Quelques critiques, entre autres Riccoboni, ont prétendu que Molière avoit puisé l'idée de cette comédie dans une farce italienne intitulée : ARLECHINO CORNUTO PER OPINIONE. Mais cette pièce n'est qu'un canevas; et l'auteur y a pris tout au plus la scène du portrait. Les caractères, le dialogue, les plaisanteries lui appartiennent donc entièrement. Molière, malgré le succès extraordinaire du Cocu IMAGINAIRE, montra autant de modestie que pour ses premières pièces : il craignoit, comme il le dit lui-même, que ses ouvrages ne sautassent du theatre de Bourbon dans la galerie du Palais. Le jugement du cabinet inquiétoit un homme qui ne fut jamais entièrement satisfait de ses chefs-d'oeuvre les plus achevés. Un amateur, nommé Neuvilaine, fut si frappé de cette pièce, qu'il l'apprit par cœur aux représentations; il la fit ensuite imprimer, et la dédia à Molière. FIN DU TOME PREMIER. TABLE DES PIÈCES CONTENUES DANS CE VOLUME. L'ÉTOURDI, OU LES CONTRE-TEMPS Réflexions sur le Dépit amoureux.. LES PRÉCIEUSES RIDICULES....... Réflexions sur les Précieuses ridicules.. FIN DE LA TABLE. |