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amour choisisse pour vous régaler, puisque, pour fuir l'éclat, vous ne voulez ni votre maison, ni la mienne?

DORIMENE.

Mais, vous ne dites pas que je m'engage insensiblement, chaque jour, à recevoir de trop grands témoignages de votre passion? J'ai beau me défendre des choses, vous fatiguez ma résistance, et vous avez une civile opiniâtreté qui me fait venir doucement à tout ce qu'il vous plaît. Les visites fréquentes ont commencé, les déclarations sont venues ensuite, qui, après elles, ont traîné les sérénades et les cadeaux, que les présens ont suivis. Je me suis opposée à tout cela, mais vous ne vous rebutez point; et, pied à pied, vous gagnez mes résolutions. Pour moi, je ne puis plus répondre de rien; et je crois qu'à la fin vous me ferez venir au mariage, dont je me suis tant éloignée!

DORANTE.

Ma foi! Madame, vous y devriez déja être. Vous êtes veuve, et ne dépendez que de vous. Je suis maître de moi, et vous aime plus que ma vie. A quci tient-il que, dès aujourd'hui, vous ne fassiez tout mon bonheur ?

DORIMEN E.

Mon Dieu, Dorante, il faut, des deux parts, bien des qualités pour vivre heureusement ensem-'e; ez les deux plus raisonnables personnes du monde ont souvent peine à composer une union dont ils soient satisfaits!

DORANTE.

Vous vous moquez, Madame, de vous y figurer tant de difficultés; et l'expérience que vous avez faite ne conclut rien pour tous les autres.

DORIMEN I.

Enfin, j'en reviens toujours là. Les dépenses que je vous voit faire pour moi m'inquietent, par deux raisons; l'une qu'elles m'engagent plus que je ne voudrois, et l'autre que je suis sûre, sans vous déplaire, que vous ne les faites point que vous ne vous incommodiez, et je ne veux point cela.

DORANTE.

Ah! Madame, ce sont des bagatelles, et ce n'est pas par-là....

DORIMENE, l'interrompant.

Je sais ce que je dis; et, entr'autres, le diamant que vous m'avez forcée à prendre est d'un prix....

DORANTE, l'interrompant.

Eh! Madame, de grace, ne faites pas tant valoir une chose que mon amour trouve indigne de vous, et souffrez.... Voici le maître du logis.

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M. JOURDAIN, DORIMENE, DORANTE.

M. JOURDAIN, après avoir fait deux révérences, e se trouvant trop près de Dorimene.

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Reculez un peu, pour la troisieme.

(Dorimene fait un pas en arriere. J

DORANTE, à Dorimene.

Madame, M. Jourdain sait son monde !

M. JOURDAIN, à Dorimene.

Madame, ce m'est une gloire bien grande de me voir assez fortuné.... pour être si heureux.... que d'avoir le bonheur.... que vous ayiez eu la bonté de m'accorder la grace.... de me faire l'honneur.... de m'honorer de la faveur de votre présence; et si j'avois aussi le mérite.... pour mériter... un mérize comme le vôtre, et que le Ciel.... envieux de mon bien.... m'eût accordé.... l'avantage de me voir digne.... des....

DORANTE, l'interrompant.

M. Jourdain, en voilà assez. Madame n'aime pas les grands complimens; et elle sait que vous êtes homme d'esprit.... (Bas, à Dorimene.) C'est un bon Bourgeois, assez ridicule, comme vous voyez, toutes ses manieres?

DORIMENE, bas.

Il n'est pas mal-aisé de s'en appercevoir !

DORANTE, lui présentant M. Jourdain,
Madame, voilà le meilleur de mes amis !
M. JOURDAIN.

C'est trop d'honneur que vous me faites!
DORANTE, à Dorimene.

Galant homine tout-à-fait !

DORIMENE.

J'ai beaucoup d'estime pour lui!

M. JOURDAIN,

dans

Je n'ai rien fait encore, Madame, pour mériter cette grace!

DORANTE, bas.

Prenez bien garde, au moins, à ne lui point parler du diamant que vous lui avez donné!

M. JOURDAIN, bas.

Ne pourrai-je pas seulement, lui demander comment elle le trouve?

DORANTE, bas.

Comment! gardez-vous en bien ! Cela seroit vilain à vous! et, pour agir en galant homme, il faut que vous fassicz comme si ce n'étoit pas vous qui lui eussiez fait ce présent.... (A Dorimene.) M. Jour

dain, Madame, dit qu'il est ravi de vous voir chez lui !

DORIMENE.

Il m'honore beaucoup !

M. JOURDAIN,

bas,

à Dorante.

Que je vous suis obligé, Monsieur, de lui parler ainsi pour moi !

DORANTE, bas.

J'ai eu une peine effroyable à la faire venir ici! M. JOURDAIN, bas.

Je ne sais quelles graces vous en rendre !

DORANTE, à Dorimene.

Il dit, Madame, qu'il vous trouve la plus belle personne du monde !

DORIMENE.

C'est bien de la grace qu'il me fait !

M. JOURDAIN.

Madame, c'est vous qui faites les graces, et....

DORANTE, l'interrompant,

Songeons à manger.

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