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TOUT TROIS ENSEMBLE.

Sus, sus du vin par-tout; versez, garçons, versez; Versez, versez toujours, tant qu'on vous disc assez!

DORIMEN E.

Je ne crois pas qu'on puisse mieux chanter; et cela est tout-à-fait beau!

M. JOURDAIN.

Je vois encore ici, Madame, quelque chose de plus beau!

DORIMENE.

Ouais! M. Jourdain est galant plus que je ne pen

sois !

DORANTE.

Comment! Madame, pour qui prenez-vous M. Jour

dain?

M. JOURDAIN.

Je voudrois bien qu'elle me prêt pour ce que je di

rois !

DORIMENE.

Encore?

DORANTE.

Vous ne le connoissez pas !

M. JOURDAIN.

Elle me connoîtra quand il lui plaira !

Oh! je le quitte!

DORIMENE.

DORANTE.

Il est homme qui a toujours la riposte en main! ... Mais vous ne voyez pas que M. Jourdain, Madame, mange tous les morceaux que vous avez touchés ?

DORIMENE.

M. Jourdain est un homme qui me ravit !

M.

JOURDAIN.

Si je pouvois ravir votre cœur, je serois....

SCENE I I.

Madame JOURDAIN, M. JOURDAIN, DORIMENE, DORANTE, MUSICIENS, DEUX LAQUAIS.

Madame JOURDAIN, à M. Jourdain.

AH! ah! je trouve ici bonne compagnie, et je vois bien qu'on ne m'y attendoit pas ! C'est donc pour cette belle affaire-ci, Monsieur mon mari, que vous avez eu tant d'empressement à m'envoyer dîner chez ma sceur? Je viens de voir un Théatre là-bas, et je vois ici un banquet à faire noces ! Voilà comme vous dépensez votre bien? C'est ainsi que vous festinez les Dames en mon absence; et que vous leur donnez la Musique et la Comédie, tandis que vous m'envoyez promener ?

DORANTE,

Que voulez-vous dire, Madame Jourdain? et quelles fantaisies sont les vôtres, de vous aller mettre en tête que votre mari dépense son bien, et que c'est lui qui donne ce régal à Madame? Apprenez que c'est moi, je vous prie; qu'il ne fait seulement que me prêter sa mai

son; et que vous devriez un peu mieux regarder aux choses que vous dites!

M. JOURDAIN, à Madame Jourdain.

Oui, impertinente! c'est Monsieur le Comte qui donne tout ceci à Madame, Montrant Dorimene. ) qui est une personne de qualité. Il me fait l'honneur de prendre ma maison, et de vouloir que je sois avec lui ! Madame JOURDAIN.

Ce sont des chansons que cela; je sais ce que je sais !

DORANTE.

Prenez, Madame Jourdain, prenez de meilleures lumettes!

Madame JOURDAIN.

Je n'ai que faire de lunettes, Monsieur; et je vois assez clair! Il y a long-tems que je sens les choses, et je ne suis pas une bête! Cela est fort vilain à vous, pour un grand Seigneur, de prêter la main, comme vous faites, aux sottises de mon mari.... ( A Dorimene.) Et vous, Madame, pour une grande Dame, cela n'est ni beau, ni honnête à vous, de mettre de la dissention dans un ménage, et de souffrir que mon mari soit amoureux de vous !

DORIMENE, à Dorante.

Que veut donc dire tout ceci? Allez, Dorante, vous vous moquez de m'exposer aux sottes visions de cette extravagante!...

(Elle sort.)

DORANTE, la suivant,

Madame, hola? Madame, où courez-vous?

M. JOURDA IN, à Dorimene et à Dorante sortant. Madame.... M. le Comte, faites-lui mes excuses, et tâchez de la ramener !

SCENE II I.

M. JOURDAIN, Madame JOURDAIN, LES LAQUAIS.

AH!

M. JOURDAIN, à Madame Jourdain.

H! impertinente que vous êtes, voilà de vos beaux faits! Vous me venez faire des affronts devant tout le monde; et vous chassez de chez moi des personnes de qualité !

Madame JOURDAIN.

Je me moque de leur qualité !

M. JOURDAIN.

Je ne sais qui me tient, maudite! que je ne vous fende la tête avec les pieces du repas que vous êtes venue troubler!

(Les Laquais emportent la table.)

Madame Jo URDAIN, sortant.

Je me moque de cela! Ce sont mes droits que je de fends; et j'aurai pour moi toutes les femmes !

M. JOURDAIN.

Vous faites bien d'éviter ma colere!

SCENE I V.

M. JOURDAIN, seul.

ELLE
LLE est arrivée bien malheureusement! J'étois en

humeur de dire de jolies choses, et jamais je ne m'étois senti tant d'esprit!... Qu'est-ce que c'est que cela ?

SCENE V.

COVIELLE, déguisé, M. JOURDAIN.

MONSIEU

COVIELLE.

ONSIEUR, je ne sais pas si j'ai l'honneur d'être

connu de vous?

M. JOURDAIN.

Non, Monsieur.

COVIELLE, étendant la main à un pied de terre. Je vous ai vu que vous n'étiez pas plus grand que ecla.

Moi?

M. JOURDAIN.

COVIELLE.

Oui; vous étiez le plus bel enfant du monde, et toutes les Dames vous prenoient dans leurs bras pour vous baiser!

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