M. JOURDAIN. Oh! voilà qui est donc bien? LE MAITRE TAILLEUR. Si vous voulez, je les mettrai en en-haut? Non, non. M. JOURDAIN. LE MAÎTRE TAILLEUR. Vous n'avez qu'à dire ? M. JOURDAIN. Non, vous dis-je, vous avez bien fait!... Croyezvous que mon habit m'aille bien ? LE MAÎTRE TAILLEUR. Belle demande ! Je défie un Peintre, avec son pinceau, de vous faire rien de plus juste! J'ai chez moi un Garçon qui, pour monter une ringrave, est le plus grand génie du monde; et un autre qui, pour assembler un pourpoint, est le héros de notre tems. M. JOURDAIN lui faisant examiner sa perruque es son chapeau, que ses Laquais viennent de lui mettre. la perruque et les plumes sont-elles comme il faut ? LE MAÎTRE TAILLEUR. Tout est bien ! M. JOURDAIN, regardant l'habit du Tailleur. Ah! ah! M. le Tailleur, voilà de mon étoffe du dernier habit que vous m'avez fait. Je la reconnois bien ! LE MAÎTRE TAILLE UR. C'est que l'étoffe me sembla si belle que j'en ai voulu lever un habit pour moi. M. JOURDAIN. Oui; mais il ne falloit pas le lever avec le mien. Voulez-vous mettre votre habit? M. JOURDAIN. Oui, donnez-le moi. LE MAÎTRE TAILLE UR. Attendez... Cela ne va pas comme cela. J'ai amené des gens pour vous habiller en cadence, et ces sortes d'habits se mettent avec cérémonie.... (Appelant.) Holà entrez, vous autres. SCENE I X. QUATRE GARÇONS TAILLEURS dansans; M. JOURDAIN, LE MAITRE TAILLEUR LE PREMIER GARÇON TAILLEUR, LES DEUX LAQUAIS. LE MAÎTRE TAILLEUR, à ses Garçons. METTEZ ETTEZ cet habit à Monsieur, de la maniere que vous faites aux personnes de qualité. PREMIERE ENTRÉE DE BALLET. (Les quatre Garçons Tailleurs dansans s'approchent de M. Jourdain. Deux lui arrachent le haut-de-chausses de de ses exercices, les deux autres lui ôtent la camisole; après quoi, toujours en cadence, ils lui mettent son habit puis il se promene au milieu d'eux, et le leur montre, pour voir s'il est bien.) UN GARÇON TAILLEUR, à M. Jourdain. Mon Gentilhomme, donnez, s'il vous plaît, aux Garçons quelque chose pour boire! M. JOURDAIN. Comment m'appellez-vous? LE GARÇON TAILLEUR. Mon Gentilhomme ! M. JOURDAIN, à part. Mon Gentilhomme! Voilà ce que c'est que de se mettre en personne de qualité. Allez-vous - en demeurer toujours habillé en Bourgeois, on ne vous dira point mon Gentilhomme.... ( Au Garçon Tailleur, en lui donnant de l'argent.) Tenez, voilà pour mon Gentilhomme. UN AUTRE GARÇON TAILLEUR. Monseigneur, nous vous sommes bien obligés ! M. JOURDAIN, à part. Monseigneur !.... Oh! oh! Monseigneur.... ( Au second Garçon Tailleur, en lui donnant encore de l'argent.) Attendez, mon ami, Monseigneur mérite quelque chose, et ce n'est pas une petite parole que Monseigneur! Tenez, voilà ce que Monseigneur vous donne. LE SECOND GARÇON TAILLEUR. Monseigneur, nous allons boire tous à la santé de Votre Grandeur ! E M. JOURDAIN, à part. Votre Grandeur !.... Oh! oh! oh!.... ( Au second Garçon Tailleur.) Attendez; ne vous en allez pas... ( A part.) A moi, votre Grandeur !.... Ma foi! s'il va jusqu'à l'Altesse, il aura toute la bourse!... (Au second Garçon Tailleur, en lui donnant encore de l'argent.) Tenez, voilà pour ma Grandeur. LE SECOND GARÇON TAILLEUR. Monseigneur, nous la remercions très-humblement de ses libéralités ! M. JOURDAIN, à part. Il a bien fait (Il sort, avec ses Laquais.) SCENE X. LE MAITRE TAILLEUR, LES GARÇONS TAIL LEURS. SECONDE ENTRÉE DE BALLET. (Les quatre Garçons Tailleurs dansans expriment par des danses la joie qu'ils ont de la libéralité de M. Jour dain.) Fin du second Acte. ACTE II I. SCENE PREMIERE. M. JOURDAIN, DEUX LAQUAIS. SUIVEZ M. JOURDAIN. UIVEZ-MOI, que j'aille un peu montrer mon habit par la Ville; et sur-tout, ayez soin, tous deux, de marcher immédiatement sur mes pas, afin qu'on voie bien que vous êtes à moi. Oui, LE PREMIER LAQUA IS. Monsieur. M. JOURDAIN. Appellez-moi Nicole, que je lui donne quelques ordres.... Appercevant Nicole, qui vient.) Ne bougez; la voilà. |