Images de page
PDF
ePub
[ocr errors]

M. JOURDAIN.

Quais notre servante Nicole, vous avez le ca quet bien affilé pour une Paysanne !

Madame JoURDAIN.

Nicole a raison > et son sens est meilleur que le vôtre. Je voudrois bien savoir ce que vous pensez faire d'un Maître à Danser, à l'âge que vous avez?

NICOLE, & M. Jourdain.

Et d'un grand Maître tireur d'Armes, qui vient, avec ses battemens de pied, ébranler toute la maison, et nous déraciner tous les carriaux de notre salle?

M. JOURDAIN.

Taisez-vous, ma servante et ma femme!

Madame JoURDAIN.

Ist-ce que vous voulez apprendre à danser quand vous n'aurez plus de jambes?

NICOLE, à M. Jourdain.

, pour

Est-ce que vous avez envie de tuer quelqu'un ?
M. JOURDAIN.

Taisez-vous, vous dis-je, vous êtes des ignorantes, l'une et l'autre ; et vous ne savez pas les prérogatives de tout cela !

Madame JOURDAI N.

Vous devriez bien plutôt songer à marier votre fille, qui est en âge d'être pourvue !

M. JOURDAIN,

Je songerai à marier ma fille quand il se présentera un parti pour elle; mais je veux songer aussi à apprendre les belles choses!

NICOLE, à Madame Jourdain.

J'ai encore ouï-dire, Madame, qu'il a pris aujourd'hui, pour renfort de potage, un Maître de Philosophie.

M. JOURDAIN.

Fort bien! Je veux avoir de l'esprit, et savoir raisonner des choses parmi les honnêtes gens !

Madame JOURDAIN.

N'irez-vous point l'un de ces jours au collége, vous faire donner le fouet, à votre âge? M. JOURDAIN.

Pourquoi non? Plût à Dieu l'avoir tout-à-l'heure, le fouet, devant tout le monde, et savoir ce qu'on apprend au collége!

[blocks in formation]

Tout cela est fort nécessaire pour conduire votre maison !

M. JOURDAIN.

Assurément! Vous parlez toutes deux comme des bêtes; et j'ai honté de votre ignorance !... Par exemple, savez-vous, vous, ce que c'est que vous dites à cette heure?

Madame JOURDAIN.

Qui; je sais que ce que je dis est fort bien dit, et que vous devriez songer à vivre d'autre sorte!

M. JOURDAIN.

Je ne parle pas de cela. Je vous demande ce que c'est que les paroles que vous dites ici?

Madame JOURDAIN.

Ce sont des paroles bien sensées, et votre. conduite ne l'est gueres !

[blocks in formation]

Je ne parle pas de cela, vous dis-je. Je vous demande, ce que je parle avec vous, ce que je vous dis à cette heure, qu'est-ce que c'est ?

Madame JOURDAIN.

Des chansons!

M. JOURDAIN.

Eh! non, ce n'est pas cela. Ce que nous disons sous deux, le langage que nous parlons à cette heure?

Hé bien ?

Madame JOURDAIN.

M. JOURDAIN,

Comment est-ce que cela s'appelle?

Madame JOURDAIN.

Cela s'appelle comme on veut l'appeler !

M. JOURDAIN.

C'est de la prose, ignorante !

Madame

De la prose?

JOURDAIN.

M. JOURDAIN.

Oui, de la prose. Tout ce qui est pröse n'est point vers; et tout ce qui n'est point vers est prose. Eh!

voilà ce que c'est que d'étudier !... (A Nicole.) Et toi, sais-tu bien comme il faut faire pour dire un U

Comment?

NICOLE.

M. JOURDAIN,

Qui qu'est-ce que tu fais quand tu dis un !

[blocks in formation]

Qui; mais quand tu dis U, qu'est-ce que tu fais

NICOLI.

Je fais ce que vous me dites.

[ocr errors]

M. JOURDAIN.

Oh! l'étrange chose que d'avoir affaire à des bêtes! Tu allonges les levres en dehors, et approches la mâchoire d'en-haut de celle d'en-bas.... (Répétant.) U. Vois-tu? je fais la moue.... U.

Oui, cela est biau!

NICOLE.

Madame JOURDAIN, à M. Jourdain.

Voilà qui est admirable!

M. JOURDAIN.

M. JOURDA I N.

C'est bien aurre chose si vous aviez vu O, et DA,

DA, et FA, FA!

Madame TOURDAIN.

Qu'est-ce que tout ce galimathias-là?
NICOLE, à M. Jourdain.

De quoi est-ce que tout cela guéric?

M. JOURDAIN.

J'enrage quand te vois des femmes ignorantes!

Madame Jo DAIN

Alicz, vous devriez enter promener tous ces gens-là avec leurs fariboles:

NICOLE, M. Jourdain.

Et sur tout ce grand escogriffe de viaître d'Armes, qui rempat de poudre tout non ménage!

M. JOURDAIN.

Quais ce Matie d'Armies vous tient bien au cœur! Je te veux faire voir ton impertinence tout-à-l'heure.... (Il se fait apporter des fleurets par un des aquais, et en donne un à Nicole. ) Tiens raison démonstrative; la ligne du corps.... ( Poussant quelo boties.) Quand on pousse en quarte, on n'a qu'à faire cela; et quand on pousse en tierce, on n'a qu'à faire cela. Voilà le moyen de n'être jamais tué, et cela n'est-il pas beau d'être assuré de son fait, quand on se bat contre quelqu'un? Là, pousse-moi un peu, pour voir.

[merged small][merged small][merged small][ocr errors]
« PrécédentContinuer »