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DORANTE.

Mademoiselle votre fille où est-elle, que je ne la

vois point?

Madame JOURDAIN.

Mademoiselle ma fille est bien où elle est.

DORANTE.

Comment se porte-t-elle ?

Madame JOURDAIN.

Elle se porte sur ses deux jambes.

DORANTE,

Ne voulez-vous point, un de ces jours, venir voir avec elle le Ballet et la Comédie, que l'on fait chez le Roi ?

Madame JOURDAIN.

Oui, vraiement, nous avons fort envie de rire, fort envie de rire nous avons !

DORANTE.

Je pense, Madame Jourdain, que vous avez eu bien des amans dans votre jeune âge, beile et d'agréable humeur comme vous étiez !

Madame JOURDAIN.

Tredame! Monsieur, est-ce que Madame Jourdain est décrépite, et la tête lui grouille-t-elle déja?

DORANTE.

Ah! ma foi! Madame Jourdain, je vous demande pardon! je ne songeois pas que vous êtes jeune, et je rêve le plus souvent. Je vous prie d'excuser mon impertinence !

SCENE VI.

SCENE V I.

M. JOURDAIN, Madame JOURDAIN, DORANTE,

NICOLE.

M. JOURDAIN, à Dorante, en lui donnant deux

VOILA

rouleaux.

OILA deux cents louis bien comptés.

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DORANTE.

Je vous assure M. Jourdain, que je suis tout à vous, et que je brûle de vous rendre un service à la Cour!

M. JOURDAIN.

Je vous suis trop obligé !

DORANTE, à Madame Jourdain.

Si Madame Jourdain veut voir le divertissement royal, je lui ferai donner les meilleures places de la Salle.

Madame JOURDAIN.

Madame Jourdain vous baise les mains!

DORANTE, bas, à M. Jourdain. Notre belle Marquise, comme je vous ai mandé par mon billet, viendra tantôt ici pour le Ballet et le repas; et je l'ai fait consentir enfin au cadeau que vous lui voulez donner.

M. JOURDAIN, bas.

Tirons-nous un peu loin, pour cause.

(Ils s'éloignent de Madame Jourdain et de Nicole.)

G

DORANTE, bas.

Il y a huit jours que je ne vous ai vu, et je ne vous ai point mandé de nouvelles du diamant que Vous me mîtes entre les mains pour lui en faire présent, de votre part; mais c'est que j'ai eu toutes les peines du monde à vaincre son scrupule, et ce n'est que d'aujourd'hui qu'elle s'est résolue à l'accepter.

M. JOURDAIN, bas.

Comment l'a-t-elle trouvé ?

DORANTɛ, bas.

Merveilleux et je me trompe fort, ou la beauté de ce diamant fera pour vous sur son esprit un effet admirable!

M. JOURDAIN, bas.

Plût au Ciel !

Madame JOURDAIN, bas, à Nicole.

Quand il est une fois avec lui, il ne peut le quitter! DORANTE, bas à M Jourdain,

Je lui a fait valoir, comme il faut, la richesse de ce présent, et la grandeur de votre amour.

M. JOURDAIN bas.

Ce sont, Monsieur, dis bontés qui m'accablent; et je suis dans une confusion la plus grande du monde de voir une personne de votre qualité s'abaisser pour moi à ce que vous faites!

DORANTE, bas.

Vous moquez-vous est-ce qu'entre amis on s'arrête à ces sortes de scrupules? et ne feriez-vous pas pour moi la même chose, si l'occasion s'en offioit?

M. JOURDAIN, bas.

Oh! assurément, et de très-grand cœur!
Madame JOURDAIN, bas, à Nicole.
Que sa présence me pese sur les épaules!

DORANTE, has, à M. Jourdain.

Pour moi, je ne regarde rien quand il faut servir un ami, et lorsque vous me fîtes confidence de l'ardeur que vous aviez prise pour cette Marquise agréable, chez qui j'avois commerce, vous vîtes que d'abord je m'offris, de moi-même, à servir votre amour? M. JOURDAIN, bas.

Il est vrai. Ce sont des bontés qui me confondent!

Madame JOURDAIN, bas, à Nicole.

Est ce qu'il ne s'en ira point?

NICOLE, bas.

Ils se trouvent bien ensemble!

DORANTE, bas, à M. Jourdain.

Vous avez pris le bon biais pour toucher son cœur! Les femmes aiment sur-tout les dépenses qu'on fait pour elles et vos fréquentes sérénades et vos bouquets continuels, ce superbe feu d'artifice qu'elle trouva sur l'eau, le diamant qu'elle a reçu de votre part et le cadeau que vous lui préparez, tout cela lui parle bien mieux en faveur de votre amour que toutes les paroles que vous auriez pu lui dire, vous-même

M. JOU DA IN, bis.

Il n'y a point de dépenses que je ne fisse, si par-là je pouvois trouver le chemin de son cœur. Une femme de qualité a pour moi des charmes ravissans! et c'est

un honneur que j'acheterois au prix de toutes choses !

Madame JOURDAIN, bas, à Nicole.

Que peuvent-ils tant dire ensemble? Va-t-en un peu, tout doucement, prêter l'oreille.

(Nicole s'approche de M. Jourdain, pour

qu'il s'en apperçoive d'abord.)

l'écouter, sans

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Ce sera tantôt que vous jouirez, à votre aise, du plaisir de sa vue; et vos yeux auront tout le tems de se satisfaire !

M. JOURDAIN, bas.

Pour être en pleine liberté, j'ai fait en sorte que ma femme ira dîner chez ma sœur, où elle passera l'aprèsdîner.

DORANTE, bas.

Vous avez fait prudemment, et votre femme auroit pu nous embarrasser. J'ai donné pour vous l'ordre qu'il faut au Cuisinier, et à toutes les choses qui sont nécessaires pour le Ballet. Il est de mon invention; et, pourvu que l'exécution puisse répondre à l'idée, je suis sûr qu'il sera trouvé....

M. JOURDAIN, s'appercevant que Nicole écoute, et lui donnant un soufflet.

Ouais! vous êtes bien impertinente.... ( A Dorante. ) Sortons, s'il vous plaît.

(Il sort, avec Dorante.)

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