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SCENE VII.

Madame JOURDAIN, NICOLE.

NICOLE.

MA foi! Madame, la curiosité m'a coûté quelque

chose; mais je crois qu'il y a quelque anguille sous roche, et ils parlent de quelque affaire, où ils ne veulent pas que vous soyicz.

Madame JOURDAIN.

Ce n'est pas d'aujourd'hui, Nicole, que j'ai conçu des soupçons de mon mari. Je suis la plus trompée du monde, ou il y a quelque amour en campagne; ct je travaille à découvrir ce que ce peut être. ... Mais songeons à ma fille. Tu sais l'amour que Cléonte a pour elle? C'est un homme qui me revient; et je veux aider sa recliche, et lui donner Lucile, si je puis.

NICOLE.

En vérité, Madame, je suis la plus ravie du monde de vous voir dans ces sentimens, car si le maître vous revient, le valet ne me revient pas moins, et je souhaiterois que notre mariage se pût faire à l'ombre du

lcur.

Madame JOURDAIN.

Va t-en lui en parler, de ma part, et lui dire que, tout-à-l'heure, il me vienne trouver, pour faire ensemble à mon mari la demande de ma filic.

NICOLE.

J'y cours, Madame, avec joie; et je ne pouvois recevoir une commission plus agréable!

(Madame Jourdain sort.)

.

SCENE VIII.

NICOLE, seule.

JE vais, je pense, bien réjouir les gens !

SCENE I X.

CLÉONTE, COVIELLE, NICOLE.

AH

NICOLE, à Cléonte.

H! vous voilà tout-à-propos! Je suis une ambassadrice de joie, et je viens....

CLÉONTE, l'interrompant.

Retire-toi, perfide! et ne me viens pas amuser avec tes traîtresses paroles !

NICOLE.

Est-ce ainsi que vous recevez....

CLÉONTE.

Retire-toi, te dis-je; et va-t-en, de ce pas, dire à ton infidelle maîtresse qu'elle n'abusera de sa vie le trop simple Cléonte!

NICOLI, à Covielle.

Quel vertigo est-ce donc là! Mon pauvre Covielle, dis-moi un peu ce que cela veut dire !

COVIELLE.

Ton pauvre Covielle, petite scélérate!... Allons, vite, ôte-toi de mes yeux, vilaine! et me laisse en repos!

NICOLI.

Quoi ! tu me viens aussi....

COVIELLE, l'interrompant.

Ote-toi de mes yeux, te dis-je, et ne me parle de ta

vie!

NICOLE,

part.

Quais! quelle mouche les a piqués tous deux ?.... Allons de cette belle histoire informer ma maîtresse.

(Elle sort. )

QUOI!

SCENE X.

CLÉONTE, COVIELLE..

CLEONTE.

traiter un amant de la sorte, et un amant le plus fidele et le plus passionné de tous les amans?

COVIELLE.

C'est une chose épouvantable que ce qu'on nous fait à tous deux !

CLÉONTE.

Je fais voir pour une personne toute l'ardeur et toute la tendresse qu'on peut imaginer; je n'aime rien au monde qu'elle, et je n'ai qu'elle dans l'esprit : elle fait tous mes soins, tous mes desirs, toute ma joie ; je ne parle que d'elle, je ne pense qu'à elle, je ne fais des songes que d'elle, je ne respire que par elle, mon cœur vit tout en elle, et voilà de tant d'amitié la digne récompense! Je suis deux jours sans la voir, qui sont pour moi deux siecles effroyables; je la rencontre, par hasard mon coeur à cette vue se sent tout transporté, ma joie éclate sur mon visage, je vole, avec ravissement, vers elle; et l'infidelle détourne de moi ses regards, et passe brusquement, comme si de sa vie elle ne m'avoit vu!

COVIELLE.

Je dis les mêmes choses que vous!

CLEONTE.

4 Peut-on rien voir d'égal, Covielle, à cette perfidie de l'ingrate Lucile?

COVIELLE.

Et à celle, Monsieur, de la pendarde de Nicole ?

CLÉONTE.

Après tant de sacrifices ardens, de soupirs et de vœux que j'ai faits à ses charmes !

COVIELLE.

Après tant d'assitus hommages, de soins et de services que je lui ai rendus dans sa cuisine!

CLEONTE.

Tan: de larmes que j'ai versées à ses genoux !

COVIELLE.

Tant de seaux d'eau que j'ai tirés au puits pour elle !

CLİ ON T Б.

Tant d'ardeur que j'ai fait paroître à la chérir plus que moi-même !

COVIELLE.

Tant de chaleur que j'ai soufferte à tourner la broche à sa place!

CLEONTE.

Elle me fuit, avec mépris!

COVIELLE.

Elle me tourne le dos, avec effronterie!

CLEONT E.

C'est une perfidie digne des plus grands châtimens!

COVIELLE.

C'est une trahison à mériter mille soufflets!

CLÉONTE.

Ne t'avise point, je te pric, de me parler jamais pour elle !

COVIELL E. 1

Moi, Monsieur, Dieu m'en garde!

CLÉONTI.

Ne viens point m'excuser l'action de cette infidelle !

N'ayez pas peur ?

COVIELLE.

CLEONTI.

Non, vois-tu? tous tes discours pour la défendre

ne serviroient de rien !

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