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LUCILE.

Moi, je veux que vous mouriez ?

CLÉONTE.

Oui, vous le voulez !

LUCILE.

Qui vous le dit?

CLÉONTE, s'approchant d'elle.

N'est ce pas le vouloir que de ne vouloir pas éclair eir mes soupçons?

LUCILE.

Est-ce ma faute? et, si vous aviez voulu m'écou ter ne vous aurois-je pas dit que l'aventure dont vous vous plaignez a été causée ce matin par la présence d'une vieille tante qui veut, à toute force, que la seule approche d'un homme déshonore une fille, qui perpétuellement nous sermonne sur ce chapître, et nous figure tous les hommes comme des diables qu'il faut fuir?

NICOLE, à Covielle,

Voilà le secret de l'affaire !

CLÉONTE, à Lucile.

Ne me trompez-vous point, Lucile

COVIELLE, à Nicole.

Ne m'en donnes-tu point à garder ?

LUCILE, à Cléonte,

Il n'est rien de plus vrai!

NICOLE, à Covielle.

C'est la chose comme elle est!

COVIELLE, à Cléonte.

Nous rendrons-nous à cela?

CLEONTE, à Lucile.

Ah! Lucile, qu'avec un mot de votre bouche vous savez appaiser de choses dans mon cœur! et que facilement on se laisse persuader aux personnes qu'on aime !

COVIELLE, part.

Qu'on est aisément amadoué par ces diantres d'animaux-là:

SCENE X I I.

Madame JOURDAIN, LUCILE, CLÉONTI, COVIELLE, NICOLE.

J

Madame JOURDAIN, à Cléonte.

E suis bien-aise de vous voir, Cléonte, et vous voilà tout à propos. Mon mari vient; prenez vîte votre tems pour lui demander Lucile en mariage.

CLEONTE.

Ah! Madame, que cette parole m'est douce, et qu'elle flatte mes desirs! Pouvois-je recevoir un ordre plus charmant, une faveur plus précieuse ?

SCENE XIII.

M. JOURDAIN, Madame JOURDAIN, LUCILE, CLÉONTE, COVIELLE, NICOLE.

CLÉONTE, à M. Jourdain.

MONSIEUR, je n'ai voulu prendre personne pour

vous faire une demande, que je médite il y a longtems. Elle me touche assez pour m'en charger moimême; et, sans autre détour, je vous dirai que l'honneur d'être votre gendre est une faveur glorieuse, que je vous prie de m'accorder!

M. JOURDAIN.

Avant que de vous rendre réponse, Monsieur, je vous prie de me dire si vous êtes Gentilhomme ? CLÉONT E.

Monsieur, la plupart des gens sur cette question n'hésitent pas beaucoup. On tranche le mot aisément. Ce nom ne fait aucun scrupule à prendre; et l'usage aujourd'hui semble en autoriser le vol. Pour moi, je vous l'avoue, j'ai les sentimens, sur cette matiere, un peu plus délicats. Je trouve que toute imposture est indigne d'un honnête homme, et qu'il y a de la lâcheté à déguiser ce que le Ciel nous a fait naître, à se parer, aux yeux du monde, d'un titre dérobé, à se vouloir donner pour ce qu'on n'est pas. Je suis né de parens, sans doute, qui ont tenu des charges hanorables: je me suis acquis dans les armes l'hen

heur de six ans de service, et je me trouve assez de bien pour tenir dans le monde un rang assez passable; mais, avec tout cela, je ne veux point me donner un nom où d'autres, en ma place, croiroient pouvoir prétendre, et je vous dirai, franchement, que ne suis point Gentilhomme.

M. JOURDAIN, lui présentant la main. Touchez là, Monsieur; ma fille n'est pas pour

vous.

Comment?

CLÉONTE.

M. JOURDAIN.

Vous n'êtes point Gentilhomme? vous n'aurez point ma fille.

Madame JOURDAIN.

Que voulez-vous donc dire avec votre Gentilhomme ? Est-ce que nous sommes, nous autres, de la côte de Saint-Louis?

M. JOURDAIN.

Taisez-vous, ma femme.... Je vous vois venir !
Madame JOURDAIN.

Descendons - nous tous deux que de bonne Bourgeoisie ?

M. JOURDAIN.

Voilà pas le coup de langue!

Madame JOURDAIN.

Et votre pere n'étoit-il pas Marchand, aussi-bien que le mien?

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Peste soit de la femme! Elle n'y a jamais manqué!... (A Madame Jourdain, ) Si votre pere a été Marchand,

tant pis pour lui; mais pour le mien, ce sont des mal avisés qui disent cela. Tout ce que j'ai à vous dire, moi, c'est que je veux avoir un gendre Gentilhomme!

Madame JOURDAIN.

Il faut à votre fille un mati qui lui soit propre s et il vaut mieux, pour elle, un honnête homme riche et bien fait qu'un Gentilhomme gueux et mal bâti !

NICOLE, à M. Jourdain.

Cela est vrai. Nous avons le fils d'un Gentilhomme de notre village, qui est le plus grand malitorne et Ic plus sot dadais que j'aie jamais vu! M. JOURDAIN.

Taisez-vous, impertinente! Vous vous fourrez toujours dans la conversation.... (A Madame Jourdain } J'ai du bien assez pour ma fille, je n'ai besoin que d'honneurs, et je la veux faire Marquise!

Madame JOURDAIN.

Marquise?

M. JOURDAIN.

Oui, Marquise !

Madame JOURDAIN.

Hélas! Dieu m'en garde !

M. JOURDAIN.

C'est une chose que j'ai résolue !

Madame JOURDAIN.

C'est une chose, moi, où je ne consentirai point! Les alliances avec plus grand que soi sont sujettes toujours à de fâcheux inconvéniens. Je ne veux point qu'un gendre puisse à ma fille reprocher ses parens

et

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