et qu'elle ait des enfans qui aient honte de m'appeller leur grand-maman! S'il falloit qu'elle me vînt visiter en équipage de grand-Dame, et qu'eile manquât, par mégarde, à saluer quelqu'un du quartier, on ne manqueroit pas aussi-tôt de dire cent sottises. « Voyez-vous, diroit-on, cette Madame la Marquise, » qui fait tant la glorieuse c'est la fille de M. Jour »dain, qui étoit trop heureuse, étant petite, de » jouer à la madame avec nous, Elle n'a pas tou»jours été si relevée que la voilà ; et ses deux grand» peres vendoient du drap, auprès de la porte Saint» Innocent. Ils ont amassé du bien à leurs enfans, » qu'ils payent maintenant, peut-être, bien cher en >> l'autre monde et l'on ne devient gueres si riche » à être honnêtes gens !.... » Je ne veux point tous ces caquets, et je veux un homme, en un mot, qui m'ait obligation de ma fille, et à qui je puisse dire: <<< Mettez-vous là, mon gendre, er dînez avec moi. » M. JOURDAIN. Voilà bien les sentimens d'un petit esprit, de vouloir demeurer toujours dans la bassesse! Ne me répliquez pas davantage, ma fille sera Marquise, en dépit de tout le monde; et, si vous me mettez en colere, je la ferai Duchesse! (Il sort,) SCENE X I V. Madame JOURDAIN, LUCILE, CLÉONTE, NICOLE, COVIELLE. Madame JOURDAIN, à Cléonte. CLEONTE, ne perdez point courage encore.... (A Lx cile.) Suivez-moi, ma fille; et venez dire résolument à votre pere que, si vous ne l'avez Vous ne voulez épouser personne! Que veux-tu ? j'ai un scrupule là-dessus que l'exemple ne sauroit vaincre ! COVIELLE. Vous moquez-vous de le prendre sérieusement avee un homme comme cela? Ne voyez-vous pas qu'il est fou? et vous coûtoit-il quelque chose de vous accommoder à ses chimeres ? CLEONTE. Tu as raison; mais je ne croyois pas qu'il fallût faire ses preuves de noblesse pour être gendre de M. Jourdain. COVIELLE, riant, à part. D'une pensée qui me vient pour jouer notre homme, et vous faire obtenir ce que vous souhaitez. Il s'est fait, depuis peu, une certaine mascarade, qui vient le mieux du monde ici, et que je prétends faire entrer dans une bourde que je veux faire à notre ridicule. Tout cela sent un peu sa Comédie; mais avec lui on peut hasarder toute chose Il n'y faut point chercher tant de façons; il est homme à y jouer son rôle à merveille, et à donner aisément dans toutes les fariboles qu'on s'avisera de lui dire. J'ai les Acteurs, j'ai les habits tout prêts; laissezmoi faire seulement.. CLÉONTE. Mais apprends-moi.... COVIELLE, l'interrompant. Je vais vous instruire de tout.... (Appercevant M. Jourdain.) Retirons-nous; le voilà qui revient. (Il sort, avec Cléonte.) QU SCENE X V I. M. JOUR D AIN, seul. UE diable est ce là? Ils n'ont que les grands Seigneurs à me reprocher; et moi, je ne vois rien de si beau que de hanter les grands Seigneurs: Il n'y a qu'honneur et que civilité avec eux; et je voudrois qu'il m'eût coûté deux doigts de la main et être né Comte ou Marquis! M. JOURDAIN. Eh! mon Dieu! j'ai quelques ordres à donner... Dis leur que je vais venir tout-à-l'heure. JE DORIMENE. E ne sais pas, Dorante, je fais encore ici une étrange démarche, de me laisser amener par vous dans une maison où je ne connois personne ! DORANTE. Quel lieu voulez-vous donc, Madame, que mom. |