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la structure intérieure des nerfs des grands animaux; il est vrai qu'on ne découvre dans ces nerfs aucune espèce de cavité : pour cela, les nerfs ressemblent-ils, lorsqu'ils sont frappés par des objets extérieurs ou intérieurs, à des cordes tendues d'instrument sonore, qui, étant mises en mouvement par un corps solide, et mues avec plus ou moins de vélocité, suivant leur diamètre et leur degré de tension, donnent des vibrations, d'où il résulte différents sons. Mais les nerfs sont des corps mous, humectés, peu tendus et incapables de transmettre au cerveau ou aux ganglions le mouvement qu'ils reçoivent.

Quelle confiance peut-on donc avoir en tous les systèmes créés, pour rendre raison de la manière dont les nerfs, le cerveau et les ganglions agissent à l'instant où la sangsue reçoit l'impression des corps étrangers, lorsqu'on voit des anatomistes prendre les lobes du cerveau pour les testicules, les ganglions nerveux pour des vésicules aériennes, et avancer que tout le système nerveux consiste en un cordon médullaire qui s'étend depuis la bouche jusqu'à la queue?

Ce cordon d'un brun noirâtre ne peut être

comparé aux nerfs qu'on remarque chez la plupart des insectes qui approchent de la structure des sangsues : il doit être considéré comme un canal, puisqu'en le coupant transversalement dans sa partie la plus grosse, et en divisant une de ses nodosités, on voit sensiblement, à l'aide d'une bonne loupe, sortir des parties coupées une sérosité limpide.

La substance du cordon n'offre rien de médullaire; on n'aperçoit aucun de ses filets communiquer avec le cerveau, les ganglions et les grands nerfs latéraux ; et lorsqu'on l'irrite, les mouvements de la sangsue ne s'accroissent pas.

Si le grand cordon n'est point nerveux, et s'il ne présente qu'un canal,.quel peut être son usage? Je pense qu'il sert à porter dans différentes parties du corps, principalement dans la bouche, l'œsophage, le canal alimentaire et les estomacs, une humeur séreuse propre à favoriser la digestion du sang, comme chez l'homme, le foie, les glandes salivaires et le pancréas fournissent dans les intestins la bile, la salive, le suc pancréatique.

Du toucher. Le toucher le plus étendu des sens de la sangsue réside principalement dans

la face externé et interne des lèvres. A la moindre impression agréable ou désagréable, elles se meuvent et prennent une infinité de formes; elles s'alongent, elles s'élargissent, elles se terminent en pointe : la lèvre supérieure peut se replier sous la face interne de la lèvre inférieure; par ce moyen, elle met la bouche à l'abri de l'impression fàcheuse des corps extérieurs; elles peuvent encore s'élargir sur elles-mêmes pour laisser agir tous les organes propres à la bouche et favoriser les impressions agréables qu'elle doit éprouver en touchant immédiatement la peau de l'homme, et la surface d'un de ses vaisseaux sanguins.

L'épiderme, membrane fine, transparente, unie par une espèce de corps muqueux au tissu mamelonné des téguments, s'étend sur la face externe et interne des lèvres, de la bouche, du canal alimentaire et des estomacs. L'épiderme n'est point le siège du toucher; il est insensible, les nerfs et les vaisseaux sanguins ne le pénètrent point. Examinez avec la loupe les portions de l'épiderme de la sangsue soulevées par l'huile essentielle de térébenthine, vous ne verrez ni nerfs, ni vaisseaux sanguins, ni fibres musculaires. L'épiderme ne sert donc

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qu'à modérer l'impression des objets extérieurs sur les nerfs; là où l'épiderme est très mince, la sensibilité est plus grande: sans l'épiderme le toucher seroit douloureux, et la sangsue ne pourroit apprécier d'une manière exacte la qualité des objets extérieurs.

C'est encore pour diminuer l'excessive sensibilité des lèvres, de la bouche et des téguments, que la nature a soin de lubrifier ces parties d'une plus ou moins grande quantité de matière séreuse muqueuse, suivant le degré d'irritation ou de chatouillement qu'elles éprouvent.

Une partie de l'épiderme étant soulevée par l'action d'un corps extérieur irritant, puis détachée, la sangsue paroît souffrir jusqu'à ce que l'épiderme soit régénéré, régénération qui se fait plus tôt qu'on ne pense, pourvu qu'on ait soin de changer souvent l'eau du vase où la sangsue est contenue.

La grande délicatesse du toucher ne présente rien d'étonnant, lorsqu'on se rappelle la grandeur du cerveau respectivement à celle de la sangsue, le nombre considérable des ganglions nerveux, les deux grands cordons nerveux latéraux, la communication des gan

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glions nerveux entre eux, avec les grands cordons nerveux, et avec le cerveau, enfin la multitude de nerfs qui partent des ganglions pour se distribuer dans toutes les parties du corps, principalement dans la peau et ses mamelons.

De l'odorat, Le sens de l'odorat est une espèce de toucher par lequel la sangsue reconnoît les substances odorantes qui lui sont nuisibles ou utiles: les nerfs qui sont propres à ce sens s'étendent sur certaines portions des téguments, sur-tout des lèvres et de la bouche.

Faites parvenir de la fumée de tabac seulement sur les lèvres et la bouche de la sangsue, elle s'agitera beaucoup plus et mourra plus promptement que si on appliquoit cette fumée sur le reste de la surface du corps..

Il est en conséquence vraisemblable que les nerfs qui transmettent au cerveau et aux ganglions l'impression funeste de la fumée de tabac ne sont pas les mêmes qui servent au toucher. et au mouvement musculaire, ou peut-être que les nerfs qui se distribuent aux lèvres et à la bouche, étant plus sensibles que les autres,

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