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portent au cerveau et aux ganglions une plus forte impression des vapeurs qui les irritent que les autres nerfs.

Il faut que la sangsue ait un odorat bien fin pour sentir à une certaine distance les objets dont il s'émane une odeur nuisible quoiqu'imperceptible à notre odorat, et pour distinguer par ce sens les objets d'où il sort une odeur qui lui apprend leur utilité et les avantages qu'elle en retireroit si elle pouvoit s'y attacher. Renfermez une grenouille avec plusieurs sangsues dans un grand vase rempli d'eau; pendant plusieurs jours la grenouille ne se laissera point mordre par les sangsues; mais elles ne perdront point patience, elles s'attacheront aux parois du couvercle et attendront le moment où la grenouille est en repos, pour tomber perpendiculairement sur elle, s'y attacher, mordre un vaisseau sanguin, et en sucer le sang.

C'est ici que nous pouvons réitérer les mêmes questions que nous avons déjà faites; pourquoi la sangsue ne ressent-elle aucune sensation désagréable de la vapeur fétide qui s'élève de la vase des marais et de cer

taines vapeurs qui font mourir tant d'autres insectes?

Du goût. Le goût est le sens qui fait discerner à la sangsue la saveur du sang, et qui lui fait préférer ce liquide à toutes les autres substances nutritives dont les animaux font usage; elle va même jusqu'à se laisser mourir plutôt que de prendre pour nourriture' une autre substance que le sang.

Le siège du goût est dans les nerfs qui se distribuent sur la face interne des lèvres, et sur la bouche, soit avant, soit après les dents: ces nerfs sont vraisemblablement distincts des autres nerfs du corps, en ce qu'eux seuls sont chargés de rapporter au cerveau l'impression qu'ils ont reçue des corps doués de saveur. Lorsque les estomacs commencent à se vider, la sangsue met tant d'empressement et de plaisir à satisfaire le goût qu'elle a pour qu'à l'instant où elle touche les animaux à sang rouge, elle cherche à s'attacher à leur peau, et à la mordre; elle ouvre un vaisseau sanguin et en avale le sang avec plus ou moins d'avidité: le sang est-il de qualité à flatter le goût de la sangsue, a-t-elle faim et de la vigueur; elle

le

'sang,

suce une si grande quantité de sang, que les estomacs s'en remplissent au point de la faire mourir, à moins qu'elle ne rejette par la bouche le sang surabondant. Le sang est-il de qualité à répugner à la sangsue, ou bien est-elle malade lorsqu'elle se dispose à l'avaler; elle tombe alors avant d'avoir rempli ses estomacs.

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La sangsue donne la préférence au sang de l'homme sur celui des autres animaux ; car telle sangsue vigoureuse qui refuse de mordre à la partie la plus fine de la peau du poulain, du veau ou de la brebis, ou d'en sucer le sáng, lorsqu'elle a ouvert un de leurs vaisseaux sanguins, s'attache ordinairement à la peau de l'homme, la mord, et avale avec sensualité le sang qui sort de la plaie.

La saveur détestable des eaux fangeuses ne paroît pas affecter d'une manière sensible la santé des sangsues, puisqu'on les en retire très vigoureuses, et qu'elles y propagent plus que dans les eaux vives et courantes, peutêtre parcequ'elles trouvent dans les eaux marécageuses plus d'animaux à sang rouge propres à leur servir de nourriture: malgré cela il semble qu'elles se plaisent davantage dans les

caux pures et vives que dans les eaux fétides et stagnantes.

Le lait, l'eau sucrée, l'eau panée refroidie, le jaune d'œufs frais, sont des fluides nutritifs pour lesquels la sangsue montre plus de répugnance que d'attrait; plongez une sangsue dans un de ces fluides, elle n'y acquiert pas de la grosseur; elle fera des efforts pour en sortir, et si on la force d'y rester, au bout d'un certain temps elle y meurt, quelque soin qu'on ait de renouveler le fluide. C'est donc mal à propos qu'on frotte avec du lait ou de l'eau sucrée l'endroit des téguments où l'on veut faire mordre la sangsue; nous avons observé que souvent ces lotions imprégnoient la peau d'une saveur qui répugnoit à la sangsue au point de l'empêcher de s'attacher aux téguments et de les mordre; au lieu que les lotions et les frictions avec l'eau pure et chaude sur la peau, jusqu'à ce qu'elle devienne rouge, la préparent de manière que la sangsue mord avec plus de promptitude parceque le goût de la sangsue n'est blessé par aucune substance étrangère, que le sang abonde plus dans les petits vaisseaux sanguins, et qu'elle les mord plus facilement.

De l'ouïe. Jusqu'à notre temps, on n'a découvert dans la sangsue aucun organe destiné à recevoir l'impression des sons et à transmettre cette impression au cerveau par des nerfs ticuliers.

par

On a fait plusieurs expériences pour s'assurer si la sangsue entend; toutes nous portent à croire qu'elle est privée de l'ouïe dans l'eau et hors de l'eau : le bruit qu'on fait autour de la sangsue ne l'affecte point: jouit-elle du repos elle n'entre point en mouvement : fait-elle des mouvements, ils ne deviennent pas plus accélérés. Un bruit éclatant vient-il à agiter avec force l'air et l'eau qui environnent la sangsue, elle se meut aussitôt avec plus ou moins de célérité; mais de tels mouvements ne sont produits que par l'impression désagréable que lui cause le fort ébranlement de l'air et de l'eau.

De la vue. Quelques recherches anatomiques qu'on ait faites sur la sangsue pour découvrir des organes capables de remplir les fonctions des yeux, on n'a encore rien trouvé de semblable ou d'approchant.

Placez à une certaine distance de la sangsue un obstacle qui s'oppose à sa marche, ou qui

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