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être détachées sans ouvrir la membrane propre du cerveau, et sans donner passage à la substance médullaire; d'ailleurs il n'est pas nécessaire pour l'exécution du coït que le conduit filiforme ait deux pouces de longueur, comme on l'a avancé : car ce conduit ne fait saillie hors de son fourreau chez la sangsue vivante et plongée dans certains fluides que de deux, trois , quatre ou six lignes au plus; et chez un grand nombre de sangsues mortes, selon que nous l'avons déjà dit, il paroît à l'extérieur flasque et long de trois, quatre, ou huit lignes au plus, et lorsqu'on le tire avec force au dehors, de huit, ou dix lignes.

Si on avoit vu l'oeuf ou le foetus de la sangsue sur le point de sortir par l'ouverture extérieure du vagin, on auroit enfin décidé la question agitée depuis tant de temps parmi les plus savants naturalistes: La sangsue est-elle ovipare ou vivipare? Cette question ne devoit pas ce me semble les intéresser si vivement. Quand même ils auroient déterminé l'un et l'autre fait, qu'en seroit-il donc résulté de si avantageux pour les progrès de l'histoire naturelle et pour la propagation de la sangsue?

Linné a affirmé dans sa dissertation sur la

sangsue médicinale qu'il a trouvé dans le ventre ou plutôt dans la matrice un fœtus dont la partie postérieure tenoit à la matrice. D'une autre part, Bergman avance qu'il a découvert l'œuf de la sangsue, auquel il a donné le nom de coccus aquaticus, et qui, étant fécondé, fournit dix ou douze sangsues. Les partisans des ovaires ajoutent que Linné, ayant entendu parler de la découverte de Bergman, n'en fit aucun cas; mais qu'après avoir lu les preuves offertes par l'auteur, il fut obligé de rendre justice à la vérité, en écrivant au bas du mémoire : Vidi et obstupui.

Si je connoissois le mémoire de Bergman, je m'empresserois de répéter ses expériences, et je pourrois alors juger par moi-même si elles démontrent que la sangue est ovipare. Ceux qui se sont attachés au système des vivipares soutiennent que dans les vases où l'on renferme des sangsues on découvre assez souvent, vers la fin de l'été, des individus très petits et pour ainsi dire filiformes; que dans la matrice de la sangsue la forme des petits est oblongue, qu'ils sont peu nombreux, et que, dans certaines circonstances on a saisi un de ces corps oblongs et presque filiformes en partie hors de l'ouver.

ture extérieure du vagin. C'est durant l'été qu'ils veulent qu'on fasse ces diverses expériences, parcequ'alors, disent-ils, on trouve les organes de la génération très développés, et qu'on rencontre dans l'organe femelle de la sangsue plusieurs de ces corps longs qui nagent dans une liqueur laiteuse.

Depuis quarante ans environ que je tiens un grand nombre de sangsues dans de grands bocaux de verre remplis d'eau pure et souvent renouvelée, et que je remplace les sangsues aussitôt qu'elles meurent, je n'ai jamais vu la sangsue repliée sur elle-même, ayant le conduit génératif extérieur dans le vagin ; je n'ai jamais vu dans la matrice des corps oblongs seuls ou nageant dans une matière laiteuse; je n'ai jamais vu des corps oblongs très petits, presque filiformes, jouissant de mouvement et approchant de la forme de la sangsue, en partie hors de l'ouverture extérieure du vagin; enfin je n'ai jamais vu ces petits corps nageant dans l'eau prendre du développement et devenir des sangsues aussi grandes que celles dont on se sert pour saigner.

Mais j'ai très souvent observé qu'il sortoit de l'anus, particulièrement en été, une matière

brune, d'une consistance épaisse, ressemblant à un petit fil plus ou moins contourné, insoluble dans l'eau, se précipitant au fond de l'eau après un certain laps de temps, et nageant quelques instants au milieu de l'eau lorsqu'on agitoit le vase. Il est vraisemblable qu'on a pris pour sangsues qui venoient de naître cette matière fécale. Je me suis encore convaincu que les organes femelles et mâles de la génération ne paroissent pas plus développés dans une saison que dans l'autre, mais qu'il y avoit dans toutes les saisons des sangsues dont les organes dela génération étoient plus développés chez l'une que chez l'autre.

Plusieurs physiciens, après avoir fait beaucoup d'expériences et d'observations, las de n'avoir rien découvert de satisfaisant pour juger si la sangsue étoit vivipare ou ovipare, se sont contentés de nous dire que la fécondation, la naissance, et le développement du fœtus se passent au fond des marais; ils prétendent que la sangsue se tient l'hiver dans la vase pour reparoître les premiers jours du printemps avec toute sa famille. Je n'ai pas eu l'occasion d'observer ce phénomène; mais ce qu'il y a de certain, c'est que les sangsues n'habitent le fond

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des marais que tant que leur surface est gelée; dès que la glace est fondue les sangsues viennent en grande partie gagner les bords de l'eau.

Ceux qui examineront avec attention et impartialité tout ce que nous avons rapporté au sujet de la génération de la sangsue ne pourront s'empêcher d'avouer qu'on ignore absolument les mystères de la génération et tout ce qui en dépend: il ne reste aux naturalistes qu'à faire de nouvelles tentatives pour déterminer si la sangsue est ovipare ou vivipare.

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