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CHAPITRE II.

FONCTIONS DE LA SANGSUE MÉDICINALE.

Les différentes explications des fonctions de la sangsue présentent autant de systèmes plus ou moins vraisemblables, suivant qu'ils s'accordent avec sa structure et avec les phénomènes qu'on observe dans son corps: pour construire ces systèmes et pour les consolider on a fait, et souvent imaginé, un grand nombre d'expériences.

Les uns ont cru voir, ou ils ont gratuitement supposé une structure correspondante au système qu'ils avoient enfanté; les autres ont rapporté des expériences dont la plupart sontinexactes; ils se sont comportés comme certains physiologistes de notre temps; car ces derniers ne s'occupent qu'à créer de nouvelles théories, à les rendre d'un manière obscure, ou en termes inconnus, et à donner à ces systèmes l'apparence de la vérité, en les faisant reposer sur des faits dits incontestables, tandis qu'ils sont faux ou dénaturés;

alors ils disent avoir découvert les secrets ressorts de toute l'économie animale, et avoir démontré jusqu'à l'évidence ce qui sera toujours regardé par les hommes instruits, observateurs et sans préjugés, comme des mystères de la nature qu'on ne sauroit pénétrer.

Cependant il convient d'examiner avec attention les systèmes fabriqués pour expliquer les fonctions de la sangsue, ne fût-ce que pour graver dans l'esprit les expériences faites sur les sangsues, pour distinguer le vrai du faux, pour se rappeler la structure et les phénomènes de la sangsue observés jusqu'à nos jours, enfin pour éclairer ceux qui ne veulent pas se laisser éblouir par de belles fictions, par des raisonnemens captieux ou par des explications inintelligibles.

De la morsure.

Aussitôt qu'on a mis une sangsue vigoureuse et affamée sur les tégumens d'un homme vivant, elle cherche à reconnoître avec ses lèvres la portion des tégumens et le vaisseau sanguin les plus faciles à ouvrir avec ses dents; alors elle s'arrête, elle applique fortement ses lèvres autour de l'endroit qu'elle veut ouvrir, au

point de ne pouvoir être détachée sans efforts; l'application des lèvres est suivie de celles de l'extrémité postérieure de la queue; à l'instant le muscle anté-moteur de chaque dent qui s'attache d'une part à la base de la dent, et de l'autre à une portion des lèvres fixées, se contracte et fait agir le tranchant de la dent avec tant de vigueur contre la peau et le vaisseau sanguin, qu'elle les perce. Toutes les trois dents agissent en même temps, et font une ouverture représentant trois angles égaux qui se touchent par leur sommet et approchent de la figure d'un T; le plus grand espace de l'ouverture se trouve à la réunion des trois angles. Ensuite les trois angles en se retiraut laissent une ouverture triangulaire par où sort le sang; il s'y coagule, la cicatrice se forme, et elle conserve très long-temps la même figure.

La promptitude avec laquelle la sangsue ouvre la peau et le vaisseau sanguin doit d'autant plus étonner, que le tissu de la dent n'approche point de la dureté des dents des animaux carnivores, qu'il ressemble à celui du cartilage, et que son bord supérieur est tranchant sans se terminer par une pointe aigue. Cependant si on réfléchit attentivement sur la

grosseur du muscle anté-moteur, respectivement à la grosseur de la dent et à la grandeur de la sangsue; sur la force de la tunique musculaire des tégumens du col dont le plan longitudinal fixé aux lèvres, en se contractant, agit vigoureusement et d'accord avec les muscles anté-moteurs des dents; sur la forme du tranchant de la dent qui approche beaucoup de celle de la dent canine; sur le temps même

pa

que la sangsue met à percer la peau et les rois du vaisseau, temps beaucoup plus long que celui qu'emploie la vipère pour mordre, on sera moins étonné de voir opérer la morsure de la sangsue en un si court espace de temps. A peine l'ouverture est-elle faite, que les muscles antémoteurs des dents se relâchent; et que les muscles rétro-acteurs attachés antérieurement à la base des dents, et postérieurement au-dessous de la portion du plan tongitudinal qui pousse les dents en avant, se contractent et font retirer les dents derrière une espèce de petite ride formée par les tuniques internes de la bouche; alors la déglutition du sang commence, sans que les dents y apportent la moindre résistance. Cette hypothèse est bien loin d'être démontrée la dent ne paroît pas assez dure, quelque

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tranchant qu'on suppose son bord pour entamer la peau; car frottez contre les parties les plus délicates et les plus sensibles de l'homme le tranchant des dents d'une sangsue, après en avoir divisé le col dans toute sa longueur, les dents causent à peine une impression désagréable; tous les muscles qui peuvent contribuer à la morsure ne sont pas connus, on ne sait pas même d'une manière positive si la portion du plan musculeux longitudinal située au dessous des lèvres peut contribuer par sa contraction à favoriser l'action des muscles antémoteurs des dents.

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et

Les naturalistes qui nous ont précédés ont chacun fabriqué une hypothèse particulière. sur la structure des dents de la sangsue sur la manière dont elles entament la peau et ouvrent le vaisseau sanguin. Les premiers prétendent qu'au fond de la bouche sont disposés trois petits muscles, qui s'avancent en demicercle et portent sur leur arête un petit cordon dont la courbure est pareille; c'est-à-dire qu'elle forme aussi un demi-cercle. Le petit cordon, qui d'un bout à l'autre est traversé par de petites incisions, ressemble assez à une lime qu'on appelle queue de rat, et qu'on

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