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et il attendait, pour agir, que ce développement naturel ouvrît un jour favorable aux remèdes. Belle et sage conduite, formellement recommandée par Hippocrate: conduite qui fait le salut du malade, la gloire du médecin, et la meilleure apologie d'un art qui souvent ne triomphe que par l'inaction. Toutefois M. Vitet savait mettre une juste mésure à sa circonspection. Toujours en garde contre les piéges de l'apparence, et toujours préparé à l'action, souvent il déconcertait le mal avant qu'il pût éclater, et ne semblait temporiser dans les maladies graves, que pour porter des coups plus rapides et plus sûrs. Aussi ne maniait-il que des médicamens héroïques, et spécialement le quinquina, remède qui, dans des mains habiles, produit quelquefois des prodiges' comparables à ce qu'il y a de plus merveilleux dans les fables de l'orient. Que ce mélange si heureusement tempéré d'audace et de prudence est supérieur à la servile témérité de l'habitude! Aussi M. Vitet avait en horreur la médecine qui ne fait qu'agir et brouiller, et dont tout l'art consiste à aigrir les maladies en les défigurant. Cette prétendue médecine lui avait coûté la vie de son père et presque la sienne. Du reste, il serait superflu de rappeler ici qu'à tant de connaissances et de talent, M. Vitet joignait le désintéressement le plus noble, la bienfaisance la plus empressée, et la plus tendre humanité pour les malheureux. Plein de candeur et de droiture, de sévérité pour lui-même et d'indulgence pour autrui; ennemi de tout mensonge et de tout manège; quelquefois ombrageux, par l'ardeur de sa vertu; mais prompt à revenir quand on le détrompait; jaloux de sa liberté, mais ne cherchant l'indépendance que dans sa soumission aux lois; aimant l'ordre, l'économie, la simplicité : tel était le médecin éclairé, le citoyen utile, le père de famille estimable, qu'à l'âge de 73 ans, la mort a frappé tout d'un coup, le 25 mai dernier, au milieu de ses travaux, de ses projets (1), nous pourrions dire au milieu de ses malades qu'il venait de visiter, et presque au milieu des siens, qu'il

(1) M. Vitet préparait une Topographie de la ville de Lyon.

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venait de quitter pour goûter un peu de repos. Jusqu'au moment fatal, il avait conservé toute la vigueur de sa constitution, et tout le feu de son esprit. « Cette énergie physique et morale, qui l'avait rendu capable de tant de choses, le mettait au-dessus des atteintes mêmes de la » vieillesse. On aurait dit qu'il n'avait pas le tems d'y son» ger ». Il s'est éteint dans la plénitude de sa force, et, pour ainsi dire, tout entier ; fin tranquille et désirable, digne prix d'une vie consacrée au bien public, et qui n'a été douloureuse que pour les amis qui survivent à sa perte.

M. Vitet avait une taille élevée, une physionomie imposante et vénérable, des manières simples et ouvertes, un langage naturel et sans apprêt. Il avait été membre correspondant de l'ancienne Société royale de médecine de Paris, et membre de KAcadémie de Lyon, où il avait succédé à M. Poivre. Il était dans ses dernières années membre honoraire de la Société d'agriculture du département de la Seine.

E. PARISET.

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fruit de longues recherches, et de nombreuses observations, étoit en majeure partie imprimé, lorsqu'une mort aussi funeste qu'imprévue a frappé l'auteur, mon digne et respectable père : ainsi s'évanouissent les espérances les plus naturelles et les mieux fondées! il se flattoit à juste titre de voir bientôt paroître ce nouvel ouvrage et de recueillir, dans le jugement des savants et des praticiens observateurs, le prix de son travail ; une santé et une activité étonnantes donnoient cette

assurance à l'homme qui ne connoissoit encore aucune infirmité, et nous goûtions pleinement cet espoir, nous qui avions l'avantage d'entourer et de soutenir avec tant de charme et d'empressement son heureuse vieillesse : le sort cruel en a décidé autrement.

Mais les intentions de l'auteur n'auront pas été vaines; j'ai regardé comme une dette sacrée d'achever sans délai la publication de son ouvrage et j'ai tâché de remplir cette obligation avec le zèle et les soins les plus actifs : au sein de ma douleur, j'ai même trouvé une consolation dans l'idée que je rendois hommage à la mémoire du meilleur des pères. Je l'avois déjà secondé dans diverses parties de son travail, et récemment encore nous avions revu ensemble la totalité du manusscrit ; j'ose donc annoncer au public que ce Traité n'offrira point de lacunes, et que nulle disparate ne sauroit exister entre ses premières et dernières parties.

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Je n'entrerai point ici dans un examen anticipé d'un ouvrage que l'abondance des matières rend déjà très volumineux; il suffit il suffit, je crois, je crois, pour exciter l'intérêt et la curiosité, d'exposer qu'un des moyens curatifs les plus utiles et même les plus usités en médecine, la sangsue, étoit fort imparfaitement connue jusqu'à ce jour, qu'on avoit sur sa structure, ses fonctions et ses effets beaucoup d'idées fausses essentielles à rectifier, enfin que ses avantages précieux sont encore ou négligés, ou prodigués, et plus souvent contrariés par les mains de la routine et de l'ignorance.

- Ces considérations générales avoient inspiré à mon père, il y a plus de quinze ans, le projet de composer un Traité ex professo sur cette matière : c'est en Suisse, dans la retraite momentanée qu'il fut contraint d'y chercher contre les orages de la révolution, c'est dans l'asile de l'amitié qu'il mit la première main à cet

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