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mieux que nous fissions cela nous-mêmes, d'autant plus qu'un refus n'aurait pas eu pour nous la même importance que pour un petit pays comme la Belgique. Nous avons informé le Gouvernement belge de la nature des communications faites par nous à la France et à la Prusse et de la voie que nous suivrions; nous avions aussi donné au Ministre de Belgique une copie du projet de traité et nous avons exprimé le désir que ce Gouvernement comprit que l'engagement que nous avions l'intention d'assumer consistait à agir dans une parfaite harmonie avec la Belgique et que nous comptions sur son concours, notre objectif étant sa neutralité et son indépendance; et je crois que nous pouvons avoir la conviction que ce que nous avons fait a été approuvé par la Belgique; la preuve en est dans les mots brefs et éloquents prononcés par le Roi à l'ouverture des Chambres belges et dans les applaudissements enthousiastes qui les ont accueillis.

Ces explications ont été confirmées de la manière suivante par M. Gladstone devant la Chambre des Com

munes:

Ce n'est pas pour manquer de respect à la Belgique que nous l'avons laissée en dehors de l'arrangement conclu, mais uniquement par des raisons de prudence qui nous invitaient à ne pas la compromettre inutilement.

Le caractère des traités temporaires réglementaires de la garantie intervenus en 1870 a été précisé comme suit par M. le baron d'Anethan, dans son exposé du 16 août 1870 :

Les traités identiques et séparés conclus par l'Angleterre avec les deux puissances en guerre ne créent ni ne modifient les obligations résultant du traité de 1839; ils règlent, pour un cas déterminé, le mode pratique d'exécution de ces obligations; ils n'infirment en rien les engagements des

autres puissances garantes, et, leur texte en fait foi, ils laissent entier pour l'avenir le caractère obligatoire du traité antérieur avec toutes ses conséquences. Aussi le pays a-t-il vu dans ces nouveaux arrangements un gage précieux de sécurité, et en même temps qu'il montrait envers la puissance qui en a pris l'initiative une reconnaissance qui restera dans le cœur de tous les Belges, il a associé dans ce sentiment les États qui les ont souscrits avec la GrandeBretagne.

« Le traité de 1839, dit excellemment M. Léon Arendt, a établi en termes généraux la garantie de la neutralité; chaque fois que la prestation en sera décidée par l'un des contractants, ou requise par la Belgique, un traité nouveau sera nécessaire, non pour la consacrer, mais pour en déterminer l'exécution. Toute action commune de plusieurs États a besoin d'être réglée par une convention spéciale. C'est la forme habituelle, indispensable, des relations internationales. On n'imagine pas comment il serait possible de s'en passer, lorsqu'il s'agit d'actes aussi graves, dont la guerre peut être la conséquence. C'est ainsi que l'exécution des traités du 15 novembre 1851, accomplie contre la Hollande par la France et l'Angleterre, donna lieu à une première convention entre ces deux puissances, et à une seconde, conclue entre la Belgique et la France, pour régler les opérations de l'armée française chargée d'enlever de vive force la citadelle d'Anvers. Et il en sera de même chaque fois qu'un des garants viendra à notre secours (1). »

(1) LÉON ARENDT, Notre neutralité. (REVUE GÉNÉRALE, avril 1887.)

TITRE TROISIÈME.

PARTIE JURIDIQUE.

Le Commentaire juridique de la Constitution internationale de la Belgique.

OBJET PROPRe de cette NOUVELLE PARTIE

DE NOTRE ÉTUDE.

C'est grande erreur de penser que la question de la Constitution internationale de la Belgique ne puisse être soumise à la méthode précise et sévère de la science juridique. Une telle méthode, outre qu'elle est de nature à satisfaire plus complètement les esprits qui apprécient en toute chose la clarté, est peut-être le seul moyen d'en finir avec des erreurs trop accréditées et fort dommageables car elles peuvent être la cause d'incalculables ruines et décider du sort même de la nation.

On juge trop souvent de notre Constitution internationale et des obligations qu'elle impose par des raisons étrangères à cette Constitution: convenances des gouvernés, convenances des gouvernants. Comme si, dans cette grave matière, chacun pouvait à son gré et selon son tempérament faire acte de déférence populaire ou acte de foi gouvernementale. Tel s'en va disant : «< Le pays est hostile au budget de la guerre », qui croit pouvoir trancher, sur ce seul fondement, toutes les questions concernant notre armée. Tel autre s'en va répétant : « La raison d'État exige une puissante armée », qui pense avoir dit le dernier mot sur notre situation extérieure,

Le tact éprouvé des hommes d'État se trompe rarement en cette affaire la vive perception qu'ils ont des choses opportunes leur fait souvent affirmer énergiquement ce qu'ils auraient plus de peine à établir juridiquement. En attendant, les préjugés vont leur train et battent leur plein.

Nous voudrions essayer ici de faire descendre les questions que soulève notre Constitution internationale des régions mystérieuses où elles apparaissent à d'aucuns, nous voudrions les tirer des régions intéressées d'où elles n'émergent guère aux yeux de beaucoup d'autres, pour les placer dans la sphère du droit. Nous n'avons pas la prétention de faire mieux, dans leur genre, que les écrivains qui ont émis des vues sur notre neutralité. Nous aspirons plutôt à faire autre chose nous voudrions, en donnant aux considérations répandues çà et là, dans beaucoup d'écrits, sur cet important sujet, une forme nette et rigoureuse, composer le Commentaire juridique de notre Constitution internationale.

Précisons bien l'objet de notre nouvelle tâche. Il n'est pas question d'exposer ici la théorie de la Neutralité à tous les points de vue. Nous étudions la Constitution internationale de la Belgique dans les éléments qui lui sont propres, qui donnent à notre État une physionomie particulière au sein des nations et qui font de lui un État. neutre à titre permanent.

Dans cet ordre même, nous nous efforçons de distinguer le droit du neutre à titre permanent de la politique de la neutralité perpétuelle. C'est le seul moyen d'éclaircir un peu une matière fort compliquée et souvent encore mal comprise.

Nous étudions la Constitution internationale spéciale

de la Belgique dans les éléments positifs qui la composent, éclairés des documents qui peuvent l'interpréter, des faits qui ont concouru à la préciser et à l'appliquer, et des travaux des jurisconsultes et des hommes d'État qui ont contribué pour leur part à la mettre en lumière. L'expérience et la science ont, en effet, apporté peu à peu leur contingent de matériaux précieux à l'édifice de notre pacte fondamental international: c'est ainsi qu'il est devenu moins malaisé aujourd'hui de dégager nettement cet édifice en ses lignes principales et d'en mesurer les proportions.

CHAPITRE PREMIER.

Les caractères de la Constitution internationale spéciale de la Belgique.

Pour mettre en relief les principaux caractères de la Constitution internationale spéciale à la Belgique, il convient de considérer successivement la neutralité permanente de la Belgique au point de vue de son origine, de sa destination, de sa tencur et de sa sanction.

§1.

CARACTÈRE DE LA NEUTRALITÉ belge au point de vue

DE SON ORIGINE.

La neutralité permanente peut avoir des origines diverses.

Elle peut tenir exclusivement son existence d'une volonté étrangère à l'État constitué sous ce régime : il y a alors neutralité permanente imposée par la violence.

Elle peut, d'autre part, prendre sa source dans la seule

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