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à un autre point de vue, non seulement apprécier autrement les faits, mais adopter une règle tout opposée. Aussi on a vu récemment une femme française, séparée de corps, se faire naturaliser à l'étranger, puis divorcer et se remarier. Tout cela est considéré comme régulier dans le pays où cela a eu lieu; en France, nos tribunaux, et avec grande raison suivant nous, ont admis que ces divers actes étaient entachés de nullité. Voilà donc une femme légitimement remariée dans un pays, adultère et bigame dans un autre. Cela vient de ce que nous avons en présence deux souverainetés indépendantes entre lesquelles il n'y a pas de loi commune. C'est un résultat déplorable qu'on ne pourra éviter que quand la science aura de plus en plus creusé ce problème de la conciliation des diverses législations et ainsi préparé la voie à la diplomatie qui fera des conventions destinées à établir des règles communes. Ce à quoi il faut viser surtout, ce n'est pas à l'uniformité des lois dans tous les pays, ce qui est chimérique et peu désirable (1), mais à l'établissement de règles fixes pour

(1) L'uniformité supposerait qu'il y a entre les peuples identité de mœurs, de traditions, d'intérêts, puisque la législation doit tenir compte de ces divers éléments. Seulement il y a des parties de la législation où ces éléments ne sont qu'accessoires et où on comprend l'établissement de règles sinon identiques, du moins très analogues dans différents pays, comme le droit des obligations, le droit commercial. Pour ce dernier, voir une étude intéressante de M. Ch. Le Touzé intitulée : D'un projet de Code de commerce international (Journal des économistes, août 1868). Comme on le voit, on demande quelquefois une législation internationale pour désigner une législation uniforme. Il y a un lien entre les deux idées en ce sens qu'on ne peut obtenir l'uniformité complète que par un accord international. Il ne faut toutefois pas les confondre.

les conflits qui peuvent s'élever. Il faut que, dans un cas donné, les intéressés puissent savoir quelle loi ils doivent observer pour agir valablement, sans que la détermination de cette loi puisse dépendre du hasard qui soumettra leur acte à tel ou tel tribunal (1).

22. On fait rentrer ordinairement dans le droit international privé les règles sur la condition des étrangers, sur leur aptitude à être propriétaires, à succéder, etc. Ces règles sont posées soit par la législation de chaque pays, soit par des conventions internationales (traités de commerce, traités d'établissement). Il faut les examiner avant de constater s'il y a ou non un conflit entre les lois de deux États. Un étranger meurt laissant des biens en France; avant de rechercher d'après quelle loi sera dévolue sa succession, il faut savoir s'il a pu la transmettre; l'existence du droit d'aubaine ne laisserait pas discuter la question de savoir si, pour suppléer ou limiter la volonté du défunt, il faut s'attacher à sa loi nationale, à la loi de son domicile ou à la loi du pays où sont situés les biens. Du reste, dans la plupart des pays, la condition des étrangers, au point de vue du droit privé, tend à se rapprocher de plus en plus de celle des nationaux, bien que peu de législations aient formulé un principe aussi absolu que le Code civil italien dont l'article 3 est ainsi conçu : « L'étranger est admis à jouir des «< droits civils attribués aux citoyens. >>

(1) Voyez Laurent, Études sur le droit international privé (Journal du droit international privé, 1878, p. 309-344), spécialement les no 3 et 4, où il signale les incertitudes et les contradictions qui existent actuellement en cette matière.

II.

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DES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL.

23. Le droit international étant destiné à régir les rapports des États qui sont également souverains et indépendants, on comprend qu'il n'ait pas pu, comme les autres branches du droit, être l'objet d'une codification qui supposerait ou une autorité supérieure commune ou une entente parfaite entre tous ceux auxquels la règle doit s'appliquer : la première condition n'existe pas, la seconde est bien difficile, pour ne pas dire impossible, à réaliser. Il s'agit donc de savoir où l'on peut trouver les manifestations du droit international; nous ne nous occupons, bien entendu, que du droit positif, du droit tel qu'il est pratiqué communément. Pour le droit naturel, c'est à l'aide de la raison, de l'examen des rapports entre les États qu'on peut en trouver les règles, en s'aidant des principes admis dans le droit privé et en n'oubliant jamais de tenir compte de la grande différence qui existe entre le droit international et le droit interne au point de vue des personnes auxquelles ils s'appliquent (1).

24. Quand on parle des sources du droit international, il faut bien distinguer suivant qu'on en a vue le droit international général, c'est-à-dire commun à tous les États, ou du moins au plus grand nombre d'entre eux, et le droit international particulier à quelques États. La communauté de droit qui, dans une certaine me

(1) Voir à ce sujet Phillimore, op. cit., I, § 34.

sure, existe entre tous les États, comme il a été dit plus haut (n° 16 et 17), est plus étroite entre États voisins, dont les habitants ont le même fonds commun d'idées, le même développement intellectuel et moral. Ils peuvent donc dans leurs rapports respectifs admettre des règles qu'ils écarteront dans leurs rapports avec d'autres États se trouvant dans des conditions toutes différentes. Nous reviendrons sur cette idée.

25. On peut dire que la source unique du droit international positif est le consentement des nations, puisque celles-ci ne peuvent subir que les règles qu'elles ont acceptées. Nous ne voulons pas dire par là que ce soit leur volonté qui crée le droit, et qu'elles sont libres de se conduire comme elles l'entendent, sans tenir compte des préceptes de la raison naturelle. Nous ne constatons qu'un fait. Ce consentement des nations, il s'agit de le rechercher. Tantôt il se révèle par des déclarations expresses et formelles, tantôt il s'induit seulement des faits, de l'usage; c'est la distinction du droit international écrit et du droit international coutumier. Les documents dans lesquels on peut trouver les manifestations du droit des gens positif sont nombreux et les publicistes ne s'accordent pas sur leur classification et sur leur importance respective. Nous allons les énumérer en indiquant le genre d'utilité qu'ils peuvent procurer.

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26. J'entends ici par traité international tout accord intervenu entre deux ou plusieurs États, quel que puisse

être son objet, quel que soit le nom qu'on lui donne, et de quelque manière qu'il soit constaté (traité, convention, protocole, déclaration commune, échange de déclarations unilatérales). On comprend la grande importance d'actes de ce genre qui donnent aux règles qui y sont contenues un caractère tout spécial de fixité et de précision.

Les traités, au point de vue des dispositions qu'ils renferment, peuvent être divisés en deux catégories (1).

27. Certains traités ont pour but de régler la situation politique ou territoriale de deux ou plusieurs États, de terminer des différends qui se sont élevés entre eux, etc. On peut citer, comme rentrant dans cette catégorie, les traités de paix, d'alliance; les conventions qui fixent les limites des États, qui établissent sur l'un une servitude au profit de l'autre ; les règlements d'indemnité pour dommages causés par des personnes dont l'État doit répondre, etc. On comprend qu'en général de pareils traités ne soient conclus qu'entre deux États parce qu'il s'agit d'intérêts particuliers. Ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles, par exemple, à la suite d'une guerre générale, ou quand il s'agit de modifier une situation qui n'intéresse pas seulement les États directement engagés dans la question, que l'on voit intervenir un assez grand nombre d'États. C'est ce qui est arrivé en 1648 pour le traité de Westphalie qui a mis

(1) Sur toute cette matière, on consultera avec fruit l'ouvrage suivant Staatsverträge und Gesetze als Quellen des Völkerrechts par C. Bergbohm, Dorpat, 1877.

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