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Le plus populaire et le meilleur des rois a connu en même temps et l'ivresse des joies et le torrent des amertumes. Disciple que Jésus aimait, comme saint Jean son patron, il a bu comme lui au calice du divin Maître. Condamné d'abord par la révolution aux tourments de l'exil, en échange d'une plus grande liberté donnée à son peuple; puis, dépouillé de ses États, de sa ville même par un fils déloyal et traître; abandonné par toutes les puissances de ce monde, et même, hélas! par cette France qu'il avait si paternellement aimée; abreuvé d'outrages par d'impudents écrivains et par les souhaits impies de ceux qui trouvaient lente à venir la mort du saint Vieillard : voilà quelle a été la destinée de Pie IX.

Son règne exceptionnel de trente-deux ans n'a été qu'une longue épreuve, rappelant la passion et le calvaire du Fils de Dieu fait homme. Mais les douleurs noblement supportées sont le plus bel ornement et la pierre la plus précieuse de sa couronne temporelle devant laquelle pålit celle des plus illustres potentats.

Après avoir vécu sur un calvaire perpétuel, Pie IX, comme Celui dont il était le Vicaire, devait y mourir. Imposant le respect à tous, il semblait l'imposer aussi à la mort. Ce ne fut qu'après avoir couché dans la tombe ceux qui avaient prophétisé sa défaite et préparé ses funérailles, qu'il permit, pour ainsi dire, à la mort d'approcher de sa personne.

Maintenant le Ciel nous a ravi l'âme de Pie IX, et la tombe nous a dérobé son corps. Mais sa mémoire nous reste; elle est de celles qui ne périssent jamais. Les actes de son Pontificat lui ont fait une place immense dans les

annales de l'Église et dans l'histoire des peuples. Le monde n'entendra plus les échos de cette voix héroïque; il ne verra plus cette physionomie pleine de grâce et de majesté ; il ne baisera plus cette main d'où la bénédiction coulait comme de source, il ne tombera plus à genoux à ces pieds d'où l'on sortait plus chrétien et plus fort. Mais si sa disparition a jeté dans le deuil l'Église de la terre, elle a réjoui l'Église triomphante. Quel surcroît d'allégresse son entrée au ciel a dû porter dans l'assemblée des saints dont un si grand nombre lui doivent leur glorification sur la terre! Que la Vierge immaculée dut lui être douce en souvenir de la gloire qu'elle avait reçue de lui! Quel empressement dut mettre saint Joseph à remplir près de lui son office de Protecteur de l'Église universelle! Et quel accueil dut faire le Prince des Apôtres au défenseur de son enseignement infaillible! Et vous, héroïques soldats du Saint-Siége, tombés sur les champs de bataille pour la défense de la Papauté et couronnés de ce nouveau genre de martyre, de quelles vives acclamations n'avez-vous pas salué ce Roi dont un mot faisait la joie de votre vie et la récompense de votre mort!

Nous ne serons, en finissant, que l'écho de la voix publique en osant affirmer que Pie IX a été le plus grand homme et peut-être le plus grand saint de notre époque, celui dont le nom, les actes et les paroles ont eu le plus de retentissement dans le monde entier. L'histoire redira cette vie si noble et si sainte, si honorable et si vaillante; elle recueillera avec respect et admiration les étincelles de cet esprit si vif, si prompt et si aimable; elle gardera les trésors de ce cœur si tendre et si généreux, et elle publiera

les largesses plus que royales de ce grand pauvre qui vivait de l'aumône de ses enfants. Quel souverain reçut jamais dans son royaume un pareil tribut de générosité et d'amour, et se vit entouré d'une obéissance plus entière, plus joyeuse, plus prompte et plus universelle? A l'exemple du Créateur, il fut grand jusque dans les plus petites choses: in minimis maximus. Exclu de la politique par l'ingratitude et la violence des puissants de la terre, il n'en fut pas moins le centre du monde moral, le pivot de la vraie civilisation, et la clef de la voûte de l'édifice social; et si le monde moderne voulait une bonne fois se piquer de justice envers l'immortel Pontife, il donnerait son nom au dix-neuvième siècle. Quant à nous, usant du droit qu'on ne peut refuser à l'historien d'une époque, de prendre l'initiative de la qualifier, nous appellerons hardiment l'époque dont nous venons de tracer l'histoire, et où le Pape-Roi a joué un si grand rôle, LE SIÈCLE DE PIE IX!

CHAPITRE XIII

APRÈS LA MORT DE PIE IX

ÉPILOGUE

Émotion universelle causée par la mort de Pie IX.

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deurs reçus par le Sacré-Collége. L'envoyé du roi Humbert poliment éconduit. Deuil public dans le monde chrétien.

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Le nouveau conclave.

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Aux Chambres fran

Difficultés; craintes et hésitations des Cardinaux. Le conclave tenu à Rome. - Election merveilleuse de Léon XIII. Translation du corps de Pie IX à la basilique de Saint-Laurent. Indignes outrages aux restes du saint Pontife.

Le nouveau Pape continuera Pie IX.

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qui en résultent. - Hypocrisie gouvernementale.

de Léon XII. Pie IX.

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Le tombeau de Pie IX. - Transport du cœur de Monument élevé à Pie IX par les cardinaux.

tauration de la crypte de Saint-Laurent-hors-des-Murs. et la fin des temps.

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L'émotion profonde et universelle que produisit la mort de Pie IX fut un hommage rendu à la majesté du Vicaire de Jésus-Christ. Ce roi sans États, ce Pontife sans défense était l'objet de la préoccupation du monde entier.

Les indifférents aussi bien que les vrais fidèles sentaient

que la mort de Pie IX n'était point une mort ordinaire, ni même une de ces catastrophes princières qui excitent autant de curiosité que d'émotion. Par la disparition de ce grand Pape, un vide immense se faisait dans le monde. On vit mieux la place que le Chef de l'Église tenait au milieu des peuples, quand cette place fut vacante. On éprouvait instinctivement une sorte de stupeur en se voyant tout à coup privé de celui en qui la conscience des nations reconnaissait la plus haute expression de la vertu, du droit et de l'honneur.

Le géant de la presse britannique, le Times, non suspect en pareille matière, donnait ainsi les raisons de cette impression générale:

« Pie IX, sur qui, pendant plus de trente ans, le monde civilisé a concentré une somme d'intérêt, d'admiration, de curiosité et même d'affection bien au-dessus de la mesure due aux hommes mortels, n'est plus. En lisant ces mots, il nous semble que nous brisons un grand lien avec le passé et que nous voyons le monde lui-même tomber et se remettre en marche vers une nouvelle phase des affaires humaines, sinon vers un nouvel ordre de choses. Autour de ce nom comme autour d'un foyer commun sont rassemblées toutes les questions qui prennent la grande part du cœur humain.

« Quoi qu'on crût, qu'on espérât, qu'on craignît, qu'on méditat au delà des affaires privées, Pie IX avait inévitablement sa place dans tous les calculs humains. Si quelqu'un voulait réaliser le nouveau, prévoir le futur, unir les divisés, élever ce qui est bas, enseigner le barbare, ou faire une des bonnes œuvres qui sont les œuvres de ce

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