Images de page
PDF
ePub

a été faite la promesse, n'est point propriétaire avant le contrat; mais comme son titre, pour contraindre le promettant à lui passer contrat, est antérieur au mariage, l'héritage n'entrera point en communauté, sauf récompense.

181. Quand même les titres de l'un des époux, antérieurs au mariage, en vertu desquels il est en tré depuis en possession d'un immeuble, seraient infectés de quelques vices qui les rendissent inhabiles à transférer la propriété, ou qui pussent donner lieu à faire annuler, rescinder ou résoudre ces titres, si celui qui a droit de les faire annuler, rescinder ou résoudre, garde le silence, les immeubles qui sont l'objet de ces titres n'en sont pas moins exclus de la communauté; l'autre époux, ou ses héritiers, ne seraient pas recevables à argumenter de ces vices.

182. Par exemple, quand l'un des époux, avant le mariage, a acquis un héritage d'un tiers qui n'en était pas propriétaire, et qui ne lui en a fait la tradition que depuis le mariage, l'héritage n'en est pas moins exclus de la communauté, et l'autre époux, ni ses héritiers, ne seraient recevables à prétendre, lors de la dissolution, que l'héritage est conquêt, en prouvant, même par titre authentique, que le tiers qui l'a vendu n'en était pas propriétaire, et n'a pu en transférer la propriété à l'acquéreur. Ce serait argumenter du droit d'autrui; ainsi l'héritage demeure propre de l'époux acquéreur.

si

185. Il en est de même, à plus forte raison, le propriétaire approuve la vente; par exemple, Tom. XII.

20

s'il consent que l'époux acquéreur entre en possession depuis le mariage, ou qu'il continue de jouir, en se réservant la répétition du prix contre le tiers vendeur; car cette convention n'est point une nouvelle vente : l'ancien propriétaire ne fait que consentir à l'exécution de la première, qu'il ratifie en quelque sorte. Pothier, n°. 163.

Si, pour cette ratification, il exigeait un sup plément de prix, il nous semble que la décision devrait être la même.

Mais si, au lieu de se réserver la répétition du prix de la première vente, en laissant l'époux acquéreur en possession, il ne l'y laisse que moyennant le paiement d'une somme supérieure, égale, ou même inférieure, au prix de la première vente, sauf à lui à le répéter du tiers vendeur auquel il l'a payé, alors l'héritage sera un véritable conquêt de communauté; car la convention passée entre le propriétaire et l'époux possesseur n'est pas une confirmation de la première vente, qui est anéantie : c'est une nouvelle vente, laquelle devient le seul et véritable titre de l'époux. Or, ce titre est postérieur au mariage.

184. L'immeuble acquis par l'un des époux, avant son mariage, d'un mineur, sans formalités, ou d'une femme mariée, sans l'autorisation de son mari, est encore incontestablement propre de l'époux acquéreur, quand même il ne serait pas entré en possession avant le mariage, et que ce mineur devenu majeur, ou que la femme devenue veuve, ne ratifieraient que depuis; car il n'en est pas moins vrai que le titre d'acquisition

est antérieur. Il en serait de même, si les vendeurs exigcaient un supplément de prix pour la ratifi

cation.

Pothier distinguait l'acquisition faite de la femme, de l'acquisition faite du mineur, et pensait que nonobstant la ratification de la femme devenue veuve, postérieure au mariage, l'immeuble: devait être considéré comme conquêt, parce que,' suivant les anciens principes, la vente faite par la' femme, sans autorisation, était frappée d'une nullité absolue. Or, un acte absolument nul ne pouvant être ratifié, la ratification postérieure au mariage devenait le seul et véritable titre de l'époux acquéreur. Mais, sous l'empire du Code, la nullité des actes faits par la femme non autorisée n'est, comme celle des actes faits par le mineur, qu'une nullité purement relative. D'ailleurs, nous l'avons déjà dit, l'un des époux n'est pas recevable à attaquer, comme nuls, les titres d'acquisition de l'autre, antérieurs au mariage, quand le vendeur ne se plaint point, ne les fait point annuler. En sorte que si la femme ou le mineur, devenu majeur, avaient, sans ratification, laissé l'époux ac-, quéreur en possession, l'immeuble n'en serait pas moins exclus de la communauté.

185. Quand, par voie de rescision, de résolution du contrat, un des époux rentre, pendant le mariage, dans un héritage qu'il avait aliéné auparavant, l'acte même d'aliénation est un titre qui prouve qu'il en était propriétaire avant le ma riage. Quand cet acte est rescindé ou résolu, reprend donc l'héritage tel qu'il le possédait avant

il

l'aliénation; car la rescision remet les parties au même état où elles étaient avant le contrat; ce qui s'applique à tous les cas où il existe une cause légale de rescision. En voici un exemple qui donne lieu à plusieurs questions:

186. Si, avant mon mariage, j'ai vendu un immeuble au-dessous des sept douzièmes de sa juste valeur, j'ai une action pour faire rescinder la vente. Cette action étant immobilière (1), comme

(1) Il faut rapporter ici un arrêt de la Cour de cassation, dont les considérans contiennent une doctrine contraire.

Dans l'espèce, il s'agissait de savoir si un mari peut introduire une action en rescision pour lésion, à l'égard d'un propre de sa femme vendu avant le mariage.

Cinget avait formé, contre Dubout, une action en rescision pour lésion, de la vente d'une maison sise à Paris, et propre de la femme Cinget.

Dubout opposa une fin de non-recevoir, prise de ce que le mari ne pouvait introduire cette action en rescision pour lésion, qui était une action immobilière.

Le tribunal civil de la Seine et le tribunal d'appel de Paris rejetérent cette fin de non-recevoir en l'an VII et en l'an XI.

Pourvoi en cassation, fondé sur les art. 226 et 228 de la Coutume de Paris, qui défendent au mari de vendre, changer, faire partage ou licitation, obliger ni hypothéquer le propre héritage de la femme, sans son consentement d'où le demandeur concluait que le mari ne pou vait intenter les actions immobilières de sa femme. Il soutenait ensuite que l'action en rescision était immobilière, c'est-à-dire que son objet direct était de reprendre l'immeuble vendu, puisque le demandeur en rescision ne peut obliger l'acquéreur à lui parfaire le juste prixen cas de lésion.

La Cour de cassation rejeta le pourvoi, par arrêt du 23 prairial an XII, Sirey, tom. IV, pag. 369, 370.

Ce rejet était parfaitement juste, puisqu'indépendamment de la nature mobilière ou immobilière de l'action en rescision, le mari était fondé en droit à l'exercer, et qu'il était même de son devoir de le faire. En effet, la rescision pour lésion est une action temporaire qui n'est plus recevable après deux ans, et ce délai court contre les femmes

ayant un immeuble pour objet, elle n'entre point dans la communauté; et par conséquent si l'immeuble rentre, il me sera incontestablement propre, parce que mon titre est antérieur au mariage.

187. Mais si, comme l'art. 1681 lui en donne la faculté, l'acquéreur préfère de me payer le supplément du juste prix, ce supplément, qui est une somme mobilière, entrera-t-il dans la com

mariées (1676). Or, le mari est responsable de tout dépérissement des biens personnels de la femme, causé par défaut d'actes conservatoires (1428). Il répond des prescriptions qu'il laisse acquérir contre elle. Voy. les Principes de Duparc-Poullain, tom. V, pag. 195. Il avait donc incontestablement le droit de former l'action en rescision, pour ne pas laisser acquérir contre sa femme la fin de non-recevoir de deux ans, établie par l'art. 1676.

Mais l'arrêt du 23 prairial an XII donna un tout autre motif du rejet qu'il prononça.

« Attendu, dit-il, que l'action en rescision pour cause d'outre moi» tié, a pour objet principal et direct le supplément du juste prix de l'immeuble vendu; que si elle a pour effet de faire rentrer l'immeuble > entre les mains du vendeur, ce n'est qu'éventuellement au cas où l'acquéreur aime mieux le rendre au vendeur que suppléer le prix,

[ocr errors]

-» etc. »

D

Si cela était vrai, l'action en rescision pour lésion serait mobilière. Mais malgré le profond respect que je professe pour la Cour de cassation, je ne puis m'empêcher de dire qu'il y a iei erreur évidente, et que l'art. 1674 du Code prouve que l'objet principal et direct de l'action en rescision pour lésion, n'est pas le supplément du jasle prix do L'immeuble. «Si le vendeur, dit cet article, a été lésé de plus des sept » douzièmes dans le prix d'un immeuble, il a le droit de demander → (non pás le supplément, mais ) la rescision de la vente, etc. » C'est donc la rescision de la vente qui est l'objet direct et principal de l'action, le seul auquel puisse conclure le demandeur en rescision; et ce qui achève de le prouver, c'est que ce n'est qu'après la rescision admise qu'il est permis, non pas au demandeur qui l'a obtenue, de demander un supplément, mais à l'acquéreur condamné à rendre, de le dit l'arpayer, pour se dispenser de rendre l'héritage. Dans ce cas,

« PrécédentContinuer »