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Les termes de l'art. 1426 sont encore plus généraux; il porte : « Les actes faits par la femme » sans le consentement du mari, et même avec » l'autorisation de la justice, n'engagent point les » biens de la communauté. »

Donc, à contrario, ils sont engagés par les actes faits avec le consentement du mari, car cet argument à contrario, qui n'est pas toujours concluant, dans l'interprétation des lois, le devient lorsque, comme ici, il n'est que la conséquence d'un principe supposé pour la disposition interprétée. En effet, il serait parfaitement inutile pour ne pas dire inepte, de dire que les actes faits par la femme sans le consentement du mari, n'engagent point la communauté, si les actes faits avec son consentement ne l'engagent pas davantage. Posons donc en principe que, selon l'art. 1426, les actes faits avec le consentement ou l'autorisation du mari, engagent la communauté.

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C'est un principe qui n'est pas nouveau; il est puisé dans le texte de nos anciennes coutumes. L'art. 449 de la Coutume de Bretagne porte : « La femme est tenue de requérir l'autorité de son mari, soit qu'elle veuille contracter, ester en ju»gement, ou accepter succession, tant en demande que défense, pour la conservation de ses » droits; et où il ne voudrait l'autoriser, le juge » ordinaire la peut autoriser, et en ce cas, n'est le mari, ni la communité, tenu de l'événement » desdits procès et autres actes ci-dessus, soit en principal et dépens, dont les propres seulement de la femme demeurent obligés. »

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La différence des effets de l'autorisation du mari, et de celle de l'autorisation de la justice, est clairement établie dans cet article. La femme autorisée de son mari engage les biens de la communauté, et quand elle n'est autorisée que de la justice, elle ne les engage pas. Cette maxime était de droit commun en France. Lorsque la femme, dit Bourjon (1), agit autorisée par justice, elle n'engage » que la nue propriété de ses propres ; les fruits » d'iceux restent toujours au profit de la communauté, à la masse de laquelle elle ne peut nuire. » Il n'en est pas de même lorsqu'elle agit auto» risée de son mari; en ce cas elle engage non seu» lement la propriété de ses propres, mais même » les biens de la communauté, l'acte alors devenant » commun à son mari. »

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C'est par cette raison, dit d'Argentré (2), qu'on ne peut contraindre le mari à autoriser sa femme; car on ne peut le contraindre à obliger son bien.

283. Il est donc certain que sous l'empire des coutumes, comme sous l'empire du Code, la femme qui agit avec l'autorisation de son mari, à la différence de celle qui n'est autorisée que de la justice, engage dans tous les cas les biens de la communauté. Ainsi, les dettes contractées par la femme autorisée de son mari, pour quelque cause que ce soit, engagent les biens de la communauté. (1419).

(1) Droit commun de la France, titre de la communauté, 4°. part., chap. 3, sect. 4, nos. 23 et 24, tom. I, pag. 503, édition de 1747.

(2) Aitiologie sur l'art. 449 de la nouvelle Coutume de Bretagne : Insolens est maritum compelli ad autoritatem præstandam, ne res obliget.

Ainsi, tous les actes de la femme autorisée de son mari, engagent les biens de la communauté. (1426).

Ainsi, les procès soutenus par la femme autorisée de son mari, engagent la communauté au paiement des dépens auxquels elle peut être condamnée. (1).

Ainsi, les créanciers d'une succession acceptée par la femme, avec le consentement de son mari, peuvent poursuivre leur paiement sur les biens de la communauté, et même sur ceux du mari, sauf récompense ou indemnité.

Il est donc vrai de dire qu'en autorisant sa femme le mari s'oblige : qui auctor est se obligat. Il était nécessaire de démontrer la fausseté de la maxime contraire, avancée avec tant de confiance dans un ouvrage que des milliers d'élèves sont, chaque année, contraints d'étudier.

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284. Enfin, 3°. « lorsque la succession échue à > l'un des époux, dit l'art. 1414, est en partie mo› bilière et en partie immobilière, les dettes dont

elle est grevée ne sont à la charge de la com> munauté que jusqu'à concurrence de la portion » contributoire du mobilier dans les dettes, eu égard à la valeur de ce mobilier, comparée à celle des immeubles.

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» Cette portion contributoire se règle d'après » l'inventaire auquel le mari doit faire procéder,

(1) Voy. les Principes de Duparc-Poullain, tom. V▼, pag. 10, et suivantes.

» soit de son chef, si la succession le concerne per»sonnellement, soit comme dirigeant et autori> sant les actions de sa femme, s'il s'agit d'une suc> cession à elle échue. »

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285. Cette disposition est contraire au principe général établi par l'art. 1409, qui charge la communauté « de toutes les dettes mobilières dont les époux étaient grevés au jour de la célébration » du mariage, ou dont se trouvent chargées les successions qui leur échoient durant le mariage. » En effet, les dettes mobilières d'une succession que l'un des conjoints accepte purement et simplement, devenant ses dettes personnelles, il semble que la communauté devrait en être chargéc. Mais le principe que toutes les dettes mobilières, dont chaque conjoint est grevé, sont une charge de la communauté, souffre exception à l'égard des dettes mobilières qui ont pour cause le prix d'un propre, ainsi que nous l'avons vu suprà, no. 209 et 210. Je devais à mon frère, avant mon mariage, une somme de................... pour soulte de retour de lot dans la portion de la succession de mon père. Cette somme étant le prix des immeubles que j'avais reçus de plus que lui, et qui me sont propres, n'entrera point dans le passif de ma communauté. Il serait trop dur, il serait injuste de lui faire payer le prix de mes propres.

Or, les dettes mobilières, pour la portion dont les immeubles de la succession sont chargés, sont en quelque sorte le prix de ces immeubles, puisque ce n'est qu'en payant ces dettes que le conjoint héritier peut avoir et posséder les immeubles.

286. Dans la jurisprudence antérieure au Code, nos auteurs n'étaient point d'accord sur le point de savoir comment les dettes d'une succession partie mobilière, partie immobilière, échue à l'un ou l'autre des conjoints durant le mariage, devaient entrer dans la communauté.

La cause principale de cette diversité d'opinions venait de la diversité des dispositions de nos coutumes, sur le mode de contribution aux dettes d'une succession entre les cohéritiers aux meubles et les héritiers aux immeubles. Pothier, no. 261, pensait qu'il fallait distinguer. Il y a, dit-il, des > coutumes qui chargent le mobilier de toutes les » dettes mobilières des successions. Il n'est pas > douteux que dans ces coutumes la communauté, » dans laquelle entre tout le mobilier actif des » successions échues à l'un ou l'autre des conjoints, est tenue de toutes les dettes mobilières » desdites successions.

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» Mais il y a des coutumes, comme celle de Paris, qui font contribuer les héritiers aux diffé» rentes espèces de biens, à toutes les différentes espèces de dettes, soit mobilières, soit immobi»lières, à proportion de ce que chacun a dans l'actif de la succession. L'esprit de ces coutumes » est que chaque espèce de biens, dont est composée l'universalité de la succession, soit chargée » d'une portion de toutes les différentes espèces de » dettes, qui soit dans la même proportion qu'est » la valeur de chaque espèce de biens, à celle du > total de la succession. Par exemple, le mobi> lier de la succession fait le tiers du total de la suc

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