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et autres ;..... autrement, les conjoints par ma› riage qui n'auraient point d'enfans, se donne› raient tous leurs biens l'un à l'autre, et feraient passer des successions opulentes dans des fa› milles étrangères. »

Ce qui prouve bien qu'on reconnaissait que la présence des parens n'était exigée que pour l'intérêt des familles, c'est que si l'avantage résultant d'une contre-lettre n'intéressait qu'un seul des époux, il suffisait de la présence des parens de l'autre. L'époux avantagé n'avait pas besoin de l'autorisation de ses parens pour rendre sa condition meilleure, et augmenter par là la masse des biens de sa famille (1)

31. Telle est l'origine de ce principe si souvent rappelé dans nos anciens auteurs, que les contrats de mariage sont irrévocables : quorum æterna et perpetua debet esse autoritas; qu'ils sont censés intervenus non seulement entre les deux conjoints, mais entre leurs familles respectives; lesquelles avaient intérêt que les clauses n'en fussent pas changées, pour empêcher les biens d'une famille de passer dans une autre, dit Pothier (2).

32. Ces principes, et les conséquences qui en dérivent, conservèrent long-tems toute leur force, et un arrêt du mois de juin 1640, rapporté par Ferrière (3), jugea valable la clause d'un contrat

(1) Voy. le nouveau Denisart, v.o Contrat de mariage, § 4, n.o 11; le Répertoire, v. Contre-lettre.

(2) Traité des donations entre mari et femme', n.o 27.

(3) Sur l'art. 280 de la Coutume de Paris, glos. 2, n.o 26.

Tom. XII.

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de mariage, où il était stipulé que les futurs, en quelque lieu qu'ils eussent leur domicile, ou que leurs biens fussent situés, ne pourraient se faire aucune donation entre vifs ou par testament, et qu'en conséquence ils n'avaient pu se faire, pendant le mariage, même le don mutuel et autorisé par la Coutume de Paris.

. Cette décision, dit Pothier (1), ne pouvait » souffrir aucune difficulté, lorsqu'on regardait ⚫ les conventions des contrats de mariage comme » des conventions qui étaient censées intervenir, ⚫ non seulement entre les deux futurs conjoints, › mais encore entre leurs familles respectives, les» quelles avaient intérêt de faire cette convention, pour empêcher que les biens d'une famille › ne passassent à l'autre..

Mais tout change avec le tems. Les préjugés se dissipent, et la raison prend enfin le dessus. Pothier, au même endroit, nous apprend qu'un siècle après, un arrêt de réglement, du 17 mai 1762, qu'il rapporte dans son Traité de la communauté, n°. 339, établit pour principe que les » conventions matrimoniales ne doivent plus être » regardées que comme des conventions entre les seu» les parties contractantes; ce qui est entièrement conforme à la raison et aux principes du droit.

Ainsi s'évanouit sans retour cette vieille maxime à laquelle nos anciens auteurs attachaient tant d'importance: «Le contrat de mariage établit une

(1) Traité des donations entre mari et femme., n.o 28.

loi immuable entre les deux familles. Il est en

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fin reconnu, dès le siècle dernier, que le contrat de mariage, comme tous les autres contrats, ne forme de loi et n'a de force qu'entre les seules parties contractantes.

33. Ce contrat, comme tous les autres, pourrait donc être changé par elles, ou résolu d'un consentement commun, si d'autres motifs ne s'y étaient opposés.

34. Mais restait le texte de nos coutumes, qui n'avait point changé avec le principe sur lequel il était fondé. Ce texte continuait de défendre aux conjoints de se rien donner, de se faire aucun avantage direct ou indirect, pendant le mariage. On continua donc d'en conclure que leurs droits étaient irrévocablement fixés à l'époque de la célébration, soit par le contrat exprès qu'ils avaient consenti et souscrit, soit par la coutume, qui, à défaut d'autre contrat, établissait entre eux une communauté légale, fondée sur un contrat tacite ou présumé, en vertu duquel ils étaient censés; par leur silence, avoir choisi la coutume pour leur contrat de mariage.

En sorte que tout ce qu'on retranchait, changeait ou ajoutait, depuis la célébration du mariage, soit aux clauses du contrat écrit, soit à celles du contrat tacite, c'est-à-dire aux dispositions de la coutume sur la communauté légale, contenait nécessairement un avantage pour l'un ou l'autre des conjoints, puisque ces changemens, additions ou retranchemens, changeaient aussi, ajoutaient ou retranchaient quelque chose

aux droits de l'un des deux ; et par conséquent, les contrats de mariage postérieurs à la célébration, ainsi que les changemens faits au contrat antérieur, étaient nuls, comme contenant un avantage prohibé, au moins indirect.

35. Tels étaient les principes sur cette matière avant les lois nouvelles, qui abrogèrent la prohibition faite aux époux par les coutumes de se faire des donations pendant le mariage. La loi du 17 nivôse an II, art. 14, ne mit de limites à la faculté qu'elle rendit aux époux de s'avantager depuis comme avant le mariage, que dans le cas où il y aurait des enfans. Dans ce seul cas, les donations devaient être réduites à la moitié, en usufruit seulement, des avantages qu'ils s'étaient faits, soit par leur contrat de mariage, soit depuis.

L'art. 1094 du Code permit aux époux de se donner pendant le mariage tout ce dont ils peuvent disposer en faveur d'un étranger.

Il n'existait donc plus de motif pour maintenir la nullité des contrats postérieurs à la célébration du mariage, et des changemens faits aux contrats antérieurs, sous le prétexte qu'ils contiennent un avantage au moins indirect en faveur de l'un des époux; car dès lors qu'il leur est permis de s'avantager directement, ils peuvent le faire indirectement, n'importe sous quelle forme. La jurisprudence de la Cour de cassation a consacré la validité des donations déguisées sous la forme d'un autre contrat. Elles sont valides jusqu'à concurrence de la portion disponible. Ainsi, le législateur ne pouvait plus répéter la nullité absolue,

ni des conventions postérieures à la célébration, ni des changemens faits depuis aux conventions matrimoniales antérieures, sans être dans une contradiction évidente avec lui-même, et avec la disposition qui permet aux époux de s'avantager pendant le mariage, et de se donner tout ce dont ils pourraient disposer en faveur d'un étranger.

Il nous paraît donc bien démontré que non seulement les motifs qui faisaient autrefois prononcer la nullité absolue des conventions matrimoniales postérieures à la célébration, et d'y faire aucun changement, n'existent plus dans notre nouvelle législation, mais encore qu'on ne pouvait plus répéter cette nullité absolue, sans être en contradiction avec les principes du Code sur les donations entre époux.

36. Aussi nos législateurs se sont-ils bien gardés de prononcer cette nullité, et l'on ne saurait l'induire du texte des art. 1394 et 1395. Le premier porte que les conventions matrimoniales seront rédigées par écrit avant le mariage.

Donc les conventions rédigées postérieurement ne sont point reconnues par le Code pour des conventions matrimoniales, et n'ont ni la force ni les effets que le Code donne à ces dernières.

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Elles ne peuvent recevoir aucun changement après la célébration. ›

Donc les actes qui en changent ou détruisent les clauses, n'ont ni le caractère ni la force des conventions matrimoniales proprement dites.

Telle est encore la conséquence directe et nécessaire de ce texte, ainsi que du précédent,

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