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repoussa une telle mesure dont l'application lui paraissait aussi malaisée que regrettable tant au point de vue juridique qu'au point de vue social: le but à atteindre était la conciliation et non le maintien de la paix par la force armée.

La Commission signala, toutefois, qu'il peut arriver, qu'en cas de grève, les ouvriers soient tous ou presque tous âgés de moins de vingt-cinq ans, et elle fit accepter par le Reichstag un amendement qui autorisait, dans ce cas, l'admission de mandataires plus jeunes.

Le tribunal, dans son rôle d'organe de conciliation, doit comprendre, outre le président, quatre assesseurs, deux patrons et doux ouvriers, désignés par le président, sauf disposition contraire des statuts. Il peut s'adjoindre des délégués des patrons et des délégués des ouvriers en nombre égal (art. 63, §§ 1 et 2). Les assesseurs qui ont un intérêt personnel engagé dans l'affaire doivent se retirer et être remplacés, à défaut d'autres assesseurs, par des délégués.

Le soin apporté par le législateur à définir la composition du tribunal montre nettement l'importance qui s'y attache.

Chaque membre du tribunal peut adresser des questions aux mandataires et aux témoins par l'intermédiaire du président (art. 64).

Les faits une fois établis, on laisse les parties s'entretenir directement de l'objet en litige, et, si une conciliation en résulte, la sentence d'arbitrage, signée des mandataires des intéressés et des membres du tribunal, est publiée. Si, au contraire, l'entente ne s'établit pas, le tribunal doit rendre un jugement arbitral: ce jugement doit être rendu à la majorité simple. En cas de partage entre les voix des représentants des patrons et celles des représentants des ouvriers, le président peut s'abstenir et déclarer que le jugement n'a pu être rendu. En obligeant le président à déterminer une majorité par son vote, on n'obtiendrait qu'une décision dont le succès, auprès de la masse des intéressés, serait peu probable, puisqu'elle serait contraire à l'opinion de tous les représentants d'une des parties. Si le jugement a pu être rendu, on le signifie aux mandataires des deux parties en leur demandant de déclarer, avant un délai déterminé, s'ils consentent à s'y soumettre; le silence prolongé jusqu'à l'expiration du délai équivaut à un refus. Le délai expiré, le tribunal doit publier une déclaration signée de tous ses membres et contenant le jugement et l'avis des parties aux termes de l'exposé des motifs du projet du gou

vernement, on peut espérer, en effet, que malgré les avis contraires. des mandataires, les intéressés accepteront finalement le jugement arbitral; en tous cas, son influence sur l'opinion publique ne sau-rait être que salutaire.

TITRE IV. - Avis et propositions émanant des tribunaux industriels.

Ce titre a été introduit tout entier par la Commission; elle s'est inspirée, dans l'espèce, de l'organisation primitive des tribunaux rhénans, qui avaient autrefois la mission d'éclairer de leurs avis les autorités administratives en matière industrielle. De là la rédaction de l'art 70, qui impose à ces tribunaux l'obligation de donner leur avis sur les questions industrielles à la requête des fonctionnaires de l'État ou des autorités communales. La Commission faisait observer que, d'une part, dans les pays qui ne possédaient point de Chambre de commerce, cette disposition comblait une lacune regrettable, et que, d'autre part, l'existence de telles Chambres ne rendrait pas inutile la consultation des tribunaux industriels car ces derniers, en raison de leur composition, font connaître à la fois l'avis des patrons et celui des ouvriers, tandis que les Chambres de commerce ne donnent que l'opinion des patrons. Comme contre-partie de cette obligation, chacun de ces tribunaux est investi du droit d'adresser aux mêmes autorités des propositions relatives aux établissements qui relèvent de sa juridiction.

TITRE V. Dans le cas où il n'existe pas de tribunal industriel compétent, c'est le président de la commune qui juge à sa place. La procédure très simplifiée qui est alors en usage, est contenue dans les articles 71 à 75, que les limites malheureusement trop restreintes du cadre de cette étude m'obligent de passer sous silence.

De la procédure devant le président de la commune.

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La présente loi ne s'applique ni aux auxiliaires ni aux apprentis employés dans les pharmacies et les maisons de commerce, ni aux ouvriers qui sont occupés dans les établissements industriels relevant de l'administration de la guerre ou de la marine (art. 76).

Le projet du gouvernement y ajoutait les imprimeries de l'État, les Hôtels des monnaies et les chemins de fer de l'Etat.

Le motif de cette exception introduite dans le projet était une considération de discipline à laquelle se joignait, pour les chemins de fer de l'État, une considération technique résultant du caractère spécial de cette industrie.

Quelques membres de la Commission proposèrent la suppression de cet article il ne leur paraissait point naturel de soumettre les ouvriers de l'État à un traitement différent de celui des ouvriers des entreprises privées, et il ne leur semblait pas logique de faire une exception en faveur des ouvriers des mines de l'État qui n'étaient pas, au sens de la loi, séparées de celles de l'industrie privée; les chemins de fer avaient été, à l'origine, exploités par des particuliers, et leur passage entre les mains de l'État n'avait pas eu pour résultat d'en modifier intégralement l'organisation. Au point de vue de la discipline, les démocrates socialistes faisaient observer qu'il n'y avait pas moins d'inconvénient pour un patron que pour un officier à comparaître devant un tribunal où siégait un de ses ouvriers; d'ailleurs, en enlevant ces établissements à la compétence des tribunaux industriels, on les privait d'un organe précieux de conciliation.

La Commission se décida à ne conserver la disposition du projet que pour les établissements relevant de la guerre et de la marine.

D'autre part, les mines, salines, exploitations souterraines et ateliers de préparation mécanique doivent avoir des tribunaux industriels qui leur sont propres aux termes de l'article 77, la compétence de ces tribunaux exclut celle de tout autre tribunal industriel situé dans leur ressort, ce qui constitue une exception aux dispositions du paragraphe 4 de l'article 1er (1).

Quant aux tribunaux de corporation, à quelque catégorie qu'ils appartiennent, ils dessaisissent en tous cas, à leur profit, les tribunaux industriels. Cette disposition fut violemment attaquée par les libéraux qui voyaient, dans les tribunaux de corporation, une juridiction d'exception dont l'expérience avait montré les résultats déplorables en matière de conciliation. Toutefois, le texte proposé par la Commission et voté par le Reichstag ne fit qu'accentuer la disposition du projet du gouvernement; la majorité considérait. en effet, le tribunal de la corporation comme le véritable soutien

(1) Voir ci-dessus, page 101, le texte de ce paragraphe.

de celle-ci rien n'empêcherait, d'ailleurs, de saisir le tribunal arbitral à titre d'organe de conciliation, puisque les tribunaux de corporation ne sont pas en état de jouer ce rôle.

Les tribunaux régionaux devront, avant le 1er avril 1892, réformer leur organisation d'après les prescriptions contenues dans la présente loi, et, sous cette réserve, leur compétence reste intacte: sinon ils seront supprimés. On a voulu, de la sorte, tenir compte des services locaux rendus par ces tribunaux sur les bords du Rhin, et de la confiance qu'ils inspirent aux patrons et aux ouvriers de cette région.

Enfin les tribunaux arbitraux institués par application de l'article 120 a de la loi sur l'industrie subsistent comme tribunaux industriels au sens de la présente loi.

Telle est l'économie de la loi du 29 juillet 1890, qui doit entrer complètement en vigueur le 1er avril prochain.

Il est impossible de prévoir les résultats de l'institution nouvelle. Bien qu'appelée par des vœux unanimes, elle n'aura sans doute pas comblé au gré de tous les lacunes de l'ancienne organisation; il est juste, toutefois, de constater qu'en cette matière la tâche du législateur est loin d'âtre aisée, et, s'il est bon de signaler dans les lois étrangères, à côté des erreurs à éviter, les modèles à suivre, nous croyons utile de retenir, à ce titre, le rôle du tribunal industriel en tant qu'organe de conciliation, comme un des plus sûrs moyens de résoudre pacifiquement les contestations entre patrons et ouvriers.

La séance est levée à onze heures heures et demie.

CONSEIL DE DIRECTION

EXTRAIT DU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE

DU 29 DÉCEMBRE 1890.

Présidence de M. H. DU BUIT.

M. le Président communique au Conseil la partie du programme du Congrès des sociétés savantes de 1891 relative aux questions d'ordre économique et social.

PROGRAMME DU CONGRÈS DES SOCIÉTÉS SAVANTES A LA SORBONNE EN 1891 (Extrait).

Section des sciences économiques et sociales.

1° Rechercher quelle était, sous l'ancien régime, dans les diverses régions de la France, la nature des fonctions des procureurs du Roi auprès des autorités locales d'ordre municipal.

2° Quelles étaient les attributions des procureurs-syndics et autres fonctionnaires analogues sous le régime de la Constitution de 1791? Quelle a été la mesure de leur influence sur les administrations collectives de cette époque?

3o Recherches locales sur la statistique des accidents, des maladies et des décès dans les diverses professions.

4° De l'autorité paternelle sur la personne et sur les biens des enfants légitimes ou naturels.

5o Étudier, en France et à l'étranger, les institutions qui sont de nature à faciliter l'arbitrage et la conciliation entre patrons et ouvriers.

6 Jusqu'à quel point l'État peut-il intervenir légitimement dans les questions d'hygiène publique?

7° De l'exécution de la peine des travaux forcés.

8° Le crédit territorial en France et la réforme hypothécaire. Est-il possible d'organiser des livres fonciers avec le cadastre actuel et par une simple extension de la loi du 23 mars 1855 dans le sens de la publicité et de la spécialité absolues?

9° Du rôle des écoles professionnelles dans l'enseignement primaire obligatoire. Faut-il mettre l'atelier dans l'école ou l'école dans l'atelier? (Comparaisons internationales.)

Sur la proposition de M. le Secrétaire général, le Conseil

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