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<< L'impression est arrêtée au nombre de trois mille, ainsi que l'envoi aux sociétés affiliées et aux quarante-huit sections. »

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Dans cette même séance, Sieyès fut violemment dénoncé par Salle, pour un écrit qu'il offrait depuis quelques jours à la signature de ses collègues. Cet écrit, résumé par le dénonciateur, roulait sur ces trois points : 1o liberté pour tous; 2o acceptation des deux chambres dans la législature, si l'assemblée nationale les décrétait; 30 soumission absolue aux lois.

Sieyès, présent à cette séance, réduisit son dénonciateur au silence. Le lendemain, la discussion fut reprise, mais Sieyès était absent. Anthoine proposa de traiter une motion qu'avait faite Laclos; Danton s'y opposa. « Je vous observe, dit-il, que chez un peuple qui devient vraiment grand, il ne doit plus être question de ces égards pour de prétendus grands hommes. » La discussion fut continuée. Plusieurs députés, Buzot, Barrère, Pétion, Voidel, Boutidoux, Boissyd'Anglas, s'excusèrent successivement d'avoir signé l'écrit de Sieyès: leur bonne foi, dirent-ils, avait été surprise.

M. Danton. « J'ai demandé la parole pour vous donner connaissance des faits importants relatifs à cette déclaration. »>

M. Gorguereau. « J'ai demandé, pour la même chose, la parole avant vous, je la réclame. »>

M. Danton. «< Soit; mais je l'aurai aussi et je dirai tout malgré

vous. >>

M. Billecoque. « Messieurs, je dois à ma conscience, comme à la vérité, de déclarer que c'est sans ma participation que mon nom se trouve au bas de cet écrit. >> M.***

« Je répondrai à ce que vient d'observer le préopinant, que j'ai entendu dire à cinq ou six personnes, qu'hier M. Billecoque a approuvé tout ce que disait M. Sieyès, et qu'il l'a même soufflé en

tout. >>

M. Billecoque. « Je pourrais répondre au préopinant qui a eu recours au témoignage de ses voisins, par le témoignage des miens. J'ai approuvé hier la défense que M. l'abbé Sieyès a faite de son opinion; si c'est un crime, j'avoue que j'en suis coupable. » (Oui, oui, à bas! à bas!)

Après cet incident, Gorguereau dit quelques mots, et Danton lui succède à la tribune.

M. Danton, « Depuis longtemps ma vie appartient aux poignards des ennemis de la liberté! Sous quelque masque qu'ils se présentent, Je ne les redoute pas davantage que je n'ai craint les armes du Châtelet.

« Le prêtre Sieyès, qui a défendu la dîme; le prêtre Sieyès, qui ne

voulait pas que les biens du clergé fussent déclarés nationaux; le prêtre Sieyès, qui a fait une loi pour modérer la liberté de la presse, n'est pas le seul auteur de la déclaration qu'on vous a fait connaître. Il y a un an qu'un homme sur lequel je m'expliquerai aussi hardiment, M. de Lafayette, établit des conférences avec ceux qu'il regardait comme les plus exaltés du parti populaire. Je fus admis à ces conseils, et là M. de Lafayette déploya la même opinion qui est répandue dans cet écrit. Il me faisait observer que moi, qui avais alors déployé toute mon ardeur pour la cause de la liberté, j'étais banni des places par une espèce d'ostracisme des sections, tandis que M. Bailly avait été réélu. Il pensait encore qu'il lasserait bientôt les amis de la constitution. Je lui répondis que le peuple, d'un seul mouvement, balayerait ses ennemis quand il le voudrait.

<«< Dans une de ces conférences où l'on croyait attiédir les patriotes, on me disait : Ne serait-il pas possible qu'avant la fin de la constitution, sans rappeler le système de M. Mounier, on représentât quelque chose d'équivalent? On a bien cherché cet équivalent, on l'a bien fait mûrir, on a décrié les sociétés amies de la constitution, et on a reproduit enfin cet équivalent sous les auspices d'une réputation factice, et à l'aide de quelques hommes qui ont eu l'infamie expresse de se servir de fausses signatures.

« Et c'est ce même homme tant prôné qui, déserteur de cette société, est l'auteur de ce projet dans un temps de régénération où tout homme qui cherche à morceler un établissement utile à la liberté est un traître! Ils espèrent rester nobles en dépit de l'horreur que la noblesse inspire à toute la France. Ils veulent les deux chambres.

<< Mais il y aura toujours unité de lieu, de temps et d'action, et la pièce restera. Mais quoique votre ennemi soit presque à demi battu, puisque sa trame est découverte, ne vous endormez pas dans une fausse sécurité; songez que vous avez affaire au prêtre Sieyès. »

— Nous ferons remarquer, relativement à cette discussion, que Lafayette s'était toujours montré partisan du système des deux chambres, tel qu'il était réalisé dans les républiques américaines, et que Brissot et Buzot avaient récemment défendu ce même système, le premier dans son journal, le second à la tribune de l'assemblée, ainsi que nous le verrons dans la deuxième partie de ce volume.

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Police secrète. 1
Départ du roi.
Séance de l'assemblée du 21 juin.

départements. Proclamation au peuple.

--

Ministres mandés.

déclarés exécutoires sans avoir besoin de sanction. Lafayette et Bailly.

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Décrets

- Explications données par Proclamation du roi. Nouveau serment des officiers. Séance des Jacobins du même jour.

Gardes nationales mises en activité. - Accusation contre Lafayette.

Cependant Louis XVI éprouvait chaque jour davantage le désir de rentrer dans le libre exercice de son autorité royale. En conséquence, il se préparait à quitter Paris pour se rendre au milieu de l'armée que le marquis de Bouillé était chargé de réunir sous son commandement. La correspondance secrète, dont nous avons pu donner quelques extraits, était régulièrement entretenue, ainsi que nous l'apprend le général dans ses Mémoires. Il paraît que les communications avec le baron de Breteuil et avec les cours étrangères n'étaient pas moins fréquentes que nous l'avons vu précédemment. Or, on savait par là, on savait d'un autre côté par l'ambassadeur d'Autriche, que tout était arrangé. Les rois d'Europe avaient promis leur appui pour soutenir une cause qui était aussi la leur, dès que le monarque pourrait le réclamer librement. Les troupes autrichiennes qui étaient dans le Luxembourg avaient reçu l'ordre de marcher à la première réquisition. Le roi de Suède, qui passait pour l'un des généraux les plus habiles de l'Europe et pour l'homme le plus exercé à manier les esprits dans les circonstances difficiles, était en route pour se rendre à Aix-la-Chapelle, où il devait attendre les événements. (Mém. de Bouillé, p. 273.) La cour enfin se croyait si assurée du succès, que déjà on calculait quelles seraient les exigences de la noblesse, et qu'on regrettait presque que le prince de Condé eût réuni autour de lui un corps assez considérable d'émigrés, dont on croyait pouvoir se passer et dont on craignait de payer trop cher le dévouement. Souvent la reine disait, assure

madame de Campan : « Si les émigrés réussissent, ils feront toujours la loi; il sera impossible de leur rien refuser. C'est contracter avec eux une trop grande obligation que de leur devoir la couronne. » (Mém., t. II, p. 107.) Mais la difficulté était de sortir de Paris et de traverser le pays qui séparait cette capitale de la frontière.

Depuis le mois de mars, la famille royale s'occupait des préparatifs d'un départ secret. Les renseignements donnés par madame de Campan, qui était première femme de chambre de la reine et qui avait la complète confiance de cette princesse, sont en général si exacts, quoi qu'en aient dit quelques auteurs royalistes, qu'ici encore elle mérite pleine confiance. Elle fut employée très-activement alors et chargée de soins dont on est étonné de voir la reine préoccupée au moment d'une démarche si sérieuse. On acheta des chemises, des peignoirs, des habits, en un mot, un trousseau complet et considérable pour toute la famille; il n'y eut pas jusqu'à un certain nécessaire, d'une grandeur et d'un poids considérables, dont la reine était habituée à se servir, qu'elle ne voulut emporter ce fut une grande affaire pour le faire sortir des Tuileries. Madame de Campan raconte toutes les ruses auxquelles on recourut pour tout préparer sans exciter de soupçons. On était surveillé de très-près : il y avait une dame attachée à la garde-robe, dont le service durait toute l'année et dont on se défiait beaucoup. « Elle était belle, dit madame de Campan; elle recevait chez elle, dans les entre-sols audessus de la reine, des députés du tiers, et avait pour amant M. de Gouvion, aide-de-camp de M. de Lafayette. » En effet, Bailly reçut de cette dame, le 21 mai, une note où elle déclarait qu'on faisait aux Tuileries des préparatifs de départ, et qu'elle avait vu, entre autres choses, emballer tous les diamants de la reine. (Mém. de madame de Campan, t. II, p. 141.) Mais les autorités municipales ne croyaient nullement à de semblables projets; on avait confiance dans le caractère et la probité du roi, et l'on croyait complétement à ses protestations publiques. M. Lafayette affirme qu'il lui avait parlé des bruits qui couraient et qui s'étaient plus généralement renouvelés vers le milieu de juin. « Ce prince, ajoute-t-il, lui donna des assurances si positives, si solennelles, qu'il crut pouvoir répondre sur sa tête que le roi ne partirait pas. Sa confiance dans la parole du malheureux Louis XVI fut telle, que lui-même et les chefs de la garde nationale éprouvaient quelques remords des préCautions qu'ils avaient à prendre. » (Mém. de Lafayette, t. III, p. 76.) La reine jouissait d'ailleurs de la liberté dont nous avons vu le monarque privé par le veto du peuple. Elle allait librement se pro

mener avec ses enfants, même hors de Paris. Une petite anecdote, racontée par Prudhomme, prouve qu'elle poussait ses excursions jusqu'à Saint-Cloud et même jusqu'à Marnes. (Révolutions de Paris, n° XCIX, p. 386.)

De son côté, le roi avait commandé une voiture construite de telle sorte qu'elle pût contenir toute la famille royale, ainsi que toutes les choses nécessaires dans un voyage rapide et néanmoins assez long; en outre, il s'occupait de rédiger une adresse aux Français, qu'il se proposait de laisser en partant. Il était d'ailleurs tout à fait rassuré sur les dispositions du public. Deux circonstances surtout contribuaient à l'entretenir dans cette sécurité.

C'étaient, d'une part, les mémoires qu'on ne cessait de lui adresser sur les moyens de récupérer la plénitude de son autorité. Il lui en fut présenté un grand nombre, rédigés par des hommes d'opinions opposées, les uns constitutionnels modérés, les autres royalistes purs. Parmi les pièces de l'armoire de fer, il en existe des deux espèces. Il en est, entre autres, plusieurs écrites tout entières de la main de l'archevêque d'Aix, et qui concluent à la nécessité de sortir de Paris (nos 194, 195, 196). Louis XVI accueillait toutes ces propositions comme il avait accueilli celle de Mirabeau, mais sans abandonner le projet qu'il avait conçu et qu'il conduisait lui-même avec Bouillé.

C'était, d'autre part, le succès que semblaient avoir eu les tentatives de corruption et l'œuvre de police et d'influence secrète de Laporte et de Montmorin. Il paraît que le roi n'avait pas instruit ces ministres de son projet principal, peut-être afin d'avoir le moins de confidents possible, peut-être aussi afin de ne pas les décourager dans leurs entreprises sur l'opinion publique. Le recueil que nous venons de citer contient un mémoire de M. Talon, lieutenant civil, qui donne des renseignements précis sur l'origine de ces manœuvres et sur les résultats que l'on croyait avoir obtenus à cette époque. En voici les principaux passages:

<< Les fonctions de cette grande magistrature (celle de lieutenant civil), qui seule a traversé les premiers orages de la révolution, m'avaient procuré les moyens de m'attacher une classe nombreuse de citoyens dont l'influence marquait beaucoup dans la révolution; cette espèce de patronage parut à Mirabeau, vers la fin de l'année dernière (1790), une des bases sur lesquelles il pouvait appuyer l'exécution du plan qu'il avait formé. M. de Montmorin, investi de la plus juste confiance de la part de Leurs Majestés, le chargea de me déterminer à imprimer dans la capitale le mouvement par lequel il fallait commencer. Sans me permettre d'en calculer les con

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