Images de page
PDF
ePub

Le roi sort de la salle au milieu des applaudissements et des cris de Vive le roi!

M. Target, secrétaire, fait lecture du procès-verbal de la séance. L'assemblée en adopte le contenu.

M. le président. L'assemblée nationale constituante déclare qu'elle a rempli sa mission, et que toutes ses séances sont terminées.

Il est quatre heures.

CHAP. IV.

1

Situation diplomatique. - Circulaire de l'empereur aux souverains

et traité préliminaire entre l'Autriche et la Prusse. au partage de la France.

Traité de Pavie relatif

Projets d'invasion. La reine s'y oppose.

[ocr errors]

-Sa

lettre à l'empereur; -à M. de Mercy. - Conclusum de la diète de Ratisbonne. Conférence et déclaration de Pilnitz. Manifeste des princes.. Louis XVI l'improuve et donne de nouveaux pouvoirs au baron de Breteuil. Nouvelle circulaire de l'empereur.

Pendant que la constituante rendait à Louis XVI la plénitude de son autorité constitutionnelle et se préparait à céder la place à une nouvelle législature, la situation diplomatique était loin de s'améliorer. Les dispositions des cabinets de l'Europe devenaient de plus en plus hostiles.

Ce fut en Italie que l'empereur apprit la malheureusé issue du voyage de Varennes. Aussitôt il écrivit, de Padoue, une circulaire datée du 6 juillet et adressée aux cours de Russie, de Prusse, d'Angleterre, d'Espagne, de Naples et de Sardaigne. Il invitait les souverains à se concerter avec lui pour déclarer à la France: « Qu'ils regardaient tous la cause du roi très-chrétien comme la leur propre; qu'ils demandaient que ce prince et sa famille fussent mis sur-le-champ en liberté entière, en leur accordant de pouvoir se porter partout où le roi très-chrétien le croirait convenable; réclamant pour toutes ces personnes royales l'inviolabilité et le respect auxquels le droit de nature et des gens oblige les sujets envers leurs princes; qu'ils se réuniraient pour venger, avec le plus grand éclat, tous les attentats ultérieurs quelconques qui seraient commis ou qu'on se permettrait de commettre contre la liberté, l'honneur et la sûreté du roi, de la reine et de la famille royale; qu'enfin ils ne reconnaîtraient comme lois constitutionnelles légitimement établies en France, que celles qui seraient munies du consentement volontaire du roi, jouissant d'une liberté parfaite; mais qu'au contraire ils emploieraient tous les moyens qui étaient en leur puissance pour faire cesser le scandale d'une usurpation de pouvoir qui porterait le caractère d'une révolte ouverte et dont il im

porterait à tous les gouvernements de réprimer le funeste exemple. »> Mém. d'un homme d'État, tome I, page 123.)

Le même jour, l'empereur écrivit au prince de Condé une lettre qui contenait les assurances les plus positives sur ses intentions. «Comme parent, comme ami, comme allié du roi, disait-il, il était décidé d'employer tous les moyens qui étaient en son pouvoir. » (Mém. secrets de d'Allonville, tome II, page 215.)

Dix-neuf jours après ces premières déclarations, le général major Bischoffswerder et le prince de Kaunitz signaient à Vienne, d'après les instructions de leurs souverains, un traité préliminaire d'alliance entre la Prusse et l'Autriche. En voici le texte :

Substance du traité préliminaire conclu entre les cours d'Autriche et de Prusse, à Vienne, le 25 juillet 1791.

<«< Quant à un traité formel d'amitié et d'alliance défensive entre la maison d'Autriche et celle de Brandebourg, il est arrêté de le conclure et signer, dès que la paix entre la cour impériale de Russie et la Porte Ottomane sera rétablie, et qu'ensuite la dite cour sera invitée d'y accéder en même temps que les deux puissances maritimes et S. A. S. l'électeur de Saxe.

<< Pour accélérer et préparer, en attendant, l'arrangement définitif dudit traité, on est convenu d'avance d'y adopter pour base les points suivants :

« 1o Les deux cours se garantiront réciproquement leurs États respectifs contre toute agression quelconque; la quantité, la qualité et les termes des secours mutuels ou en tout cas leur équivalent en argent, ainsi que l'entretien des troupes auxiliaires seront réglés dans le traité d'une réciprocité parfaite.

« 2o Elles ne contracteront aucune alliance à l'insu l'une de l'autre et donneront ordre à leurs ministres dans les cours étrangères de se communiquer amicalement tout ce qu'il importerait de faire parvenir à la connaissance des deux puissances amies.

« 30 On confirmera par ce traité les traités antérieurs et notamment ceux de Breslau, de Dresde, de Hubertsbourg et de Teschen. «< 4o Les cours s'entendront et s'emploieront pour effectuer incessamment le concert auquel Sa Majesté l'empereur vient d'inviter les principales puissances de l'Europe sur les affaires de France et elles se porteront de plus à leur réquisition respective secours et assistance réciproque, au cas que la tranquillité interne de l'un et de l'autre État fût menacée de troubles.

<< Indépendamment des points généraux ci-dessus qui serviront de base au traité d'alliance et d'amitié, les deux cours sont conve46

TOME V.

nues d'y joindre un article séparé concernant les affaires de Pologne sur le pied suivant :

« Les intérêts et la tranquillité des puissances voisines de Pologne rendant infinement désirable qu'il s'établisse entre elles un concert propre à éloigner toute jalousie ou appréhension de prépondérance, les cours de Vienne et de Berlin conviendront et inviteront la cour de Russie à convenir avec elles qu'elles n'entreprendront rien pour altérer l'intégrité et le maintien de la libre constitution de Pologne et qu'elles ne chercheront jamais à placer un prince de leur maison sur le trône de Pologne ni par le mariage de la princesse infante, ni dans le cas d'une nouvelle élection, et n'emploieront pas leur influence pour déterminer le choix de la république dans l'un ou l'autre cas en faveur d'un prince, hors d'un concert entre elles. - En foi de quoi, etc.

[ocr errors]

« Vienne, ce 25 juillet.

KAUNITZ.

BISCHOFFSWERDER.

(Extrait de la collection de Martens.)

Dans le même mois de juillet, si l'on doit en croire plusieurs historiens et le Moniteur, on signait, à Pavie, une convention qui ne menaçait pas seulement l'indépendance nationale, mais l'intégrité du territoire français. Voici cette pièce telle qu'elle est imprimée dans le Moniteur du 18 novembre 1792.

« Ce n'est pas sans fondement, dit ce journal, que beaucoup de personnes ont prétendu qu'un traité de partage de la France avait été conclu, dès l'année 1791, entre les principales cours de l'Europe. On connaît aujourd'hui ce traité : c'est un monument authentique de l'audace des rois et de la patience des peuples. »

Extrait d'un traité conclu et signé à Pavie, au mois de juillet 1791.

« L'empereur reprendra tout ce que Louis XIV avait conquis sur les Pays-Bas autrichiens; joignant ces provinces aux Pays-Bas, il les donnera en échange à l'électeur Palatin, de sorte que les nouvelles possessions, jointes au Palatinat, porteront le nom de royaume d'Austrasie.

« L'empereur aura à perpétuité la propriété et la possession de la Bavière, pour faire à l'avenir masse indivisible avec les domaines héréditaires de la maison d'Autriche.

«L'archiduchesse Marie-Christine sera, avec son neveu l'archiduc Charles, mise en possession héréditaire du duché de Lorraine. « L'Alsace sera restituée à l'Empire. L'évêque de Strasbourg et e chapitre recouvreront leurs priviléges, ainsi que les souverains ecclésiastiques de l'Allemagne.

<< Si les cantons suisses accèdent à la coalition, on leur proposera d'annexer à la ligne helvétique l'évêché de Porentrui, les gorges de la Franche-Comté et celles du Tyrol, avec les bailliages qui les avoisinent, ainsi que le territoire de Versoy, qui coupe le pays de Vaud.

« Si le roi de Sardaigne souscrit à la coalition, on rendra à la Savoie la Bresse, le Bugey et le pays de Gex, usurpés sur cette mo narchie par la France.

<«< Au cas qu'il puisse opérer une assez grande diversion, on lui laissera prendre le Dauphiné, pour lui appartenir dorénavant, comme aux plus proches descendants des anciens dauphins.

« Le roi d'Espagne aura le Roussillon, le Béarn et l'île de Corse, et s'emparera de la partie française de Saint-Domingue.

« L'impératrice de Russie se charge de faire une invasion dans la Pologne, moyennant quoi elle conservera Kaminiek, avec la partie de la Podolie qui confine la Moldavie.

« L'empereur contraindra la Porte à lui céder Chockzim, ainsi que les petits forts en Servie, et ceux sur l'Anna.

«Le roi de Prusse, au moyen de l'invasion de la Russie en Pologne, fera l'acquisition de Thorn et de Dantzig, et y joindra un palatinat, à l'orient des confins de la Silésie.

« Le roi de Prusse acquerra en outre la Luzace, et l'électeur de Saxe recevra en échange le reste de la Pologne, pour en occuper le trône comme roi héréditaire.

«Le roi actuel de Pologne abdiquera le trône, moyennant une pension convenable.

«L'électeur de Saxe donnera sa fille en mariage au prince puîné, le grand-duc de toutes les Russies, qui sera souche des rois héréditaires de Pologne et de Lithuanie.

« Signé LEOPOLD, le prince DE NASSAU, le comte FLORIDABLANCA, BISCHOFFSWERDER.

« Nota. L'Angleterre y a passivement accédé en mars 1792. Ensuite la Hollande, moyennant que l'arrangement des limites avec l'empereur se fit au gré de la République, avant le partage. L'Espagne a renoncé, lors de la rentrée du comte d'Aranda au ministère, avec l'assurance d'une neutralité complète. » (Moniteur.)

L'authenticité de cette pièce a été attaquée par beaucoup d'écrivains; elle a été défendue par d'autres. En général elle est mise en doute par les auteurs royalistes, entre autres par celui des Mémoires d'un homme d'Etat et des Mémoires secrets; elle est soutenue au contraire par les amis de la révolution. Il résulte de ce débat que

ce document peut être vrai, mais n'est point certain. Martens l'a inséré dans sa Collection des Traités, en ajoutant qu'il le croyait apocryphe. Peut-être les conventions qui y sont spécifiées ne furent-elles jamais qu'en projet? Il est certain, d'après une réponse de lord Castelreagh au parlement d'Angleterre, qu'en 1815 les alliés pensèrent à opérer un démembrement du même genre, et qu'ils ne furent arrêtés que par la crainte d'un soulèvement général de la nation. Quoi qu'il en soit, on ajouta une foi entière, en France, à l'existence de ce traité pendant tout le cours de la révolution, et personne alors ne le mit en doute. Les négations n'arrivèrent que plus tard, lorsqu'il fut indifférent d'y croire ou de n'y pas croire, lorsqu'on eut reproché aux royalistes d'avoir attiré sur leur pays les dangers de l'intervention étrangère.

Au reste, dans le même temps, on faisait déjà des plans d'invasion. Bouillé projetait avec le roi de Suède un débarquement de Russes et de Suédois sur les côtes de France, destiné à appuyer un mouvement des émigrés par les frontières de l'Est. Il adressait au prince une note sur les moyens de soumettre la France, et luimême recevait des souverains étrangers les assurances les plus flatteuses. (Mém. de Bouillé.) D'un autre côté, l'empereur et le roi de Prusse reconnaissaient Monsieur (Louis XVIII) pour régent du royaume. (Mém. de Bertrand de Molleville.)

Tel était l'état des choses en juillet. Dans les premiers jours d'août, Léopold reçut une lettre de Marie-Antoinette, datée du 30 juillet. Cette princesse y faisait part des espérances que lui inspiraient les nouvelles et manifestes dispositions de l'assemblée nationale. Elle ne demandait rien; elle ne prescrivait rien; mais elle y montrait qu'elle préférerait le parti de la temporisation à celui d'une tentative brusque et violente. « Aujourd'hui, disait-elle, les hommes qui ont le plus d'influence se sont réunis et prononcés pour la conservation de la monarchie et du roi, pour le rétablissement de l'ordre. Les efforts des séditieux ont été repoussés... Je ne puis douter que les chefs de la révolution, qui ont soutenu le roi dans la dernière circonstance, ne veuillent lui assurer la considération nécessaire à l'exercice de son autorité et qu'ils n'aperçoivent, dans l'union étroite avec la France d'une puissance à laquelle il est attaché par les liens du sang, un moyen de combiner sa dignité avec les intérêts de la nation... Je ne sais si, indépendamment de toutes les autres raisons (les dangers personnels de la famille royale), le roi ne retrouvera pas là et dans les dispositions de la nation, dès qu'elle sera calmée, plus de déférence que celle qu'il pourrait attendre de la plupart des Français qui sont actuellement hors du

« PrécédentContinuer »